Économie : L’Hérault joue gros, la région veut tester le chèque tourisme

Saint-Guilhem-le-Désert, l'un des sites les plus visités de l'Hérault. Photo : Olivier SCHLAMA

Face à cette crise inédite, le département phare en matière touristique, l’Hérault, recentre ses actions en misant sur un déconfinement plus large que 100 km alors que 10 000 emplois sont menacés. La Région Occitanie, elle, propose au gouvernement un dispositif pour que l’argent local reste au local.

Les week-end de mai auraient dû réamorcer le tourisme… Y compris dans le département de l’Hérault, le gros morceau du tourisme dans la région. Comme le résume Claude Barral, vice-président du conseil départemental de l’Hérault, chargé de cette question. “Cela représente 1,7 milliard d’euros, 20 000 emplois directs et 20 000 emplois indirects. C’est 40 % des nuitées et 35 % de l’ensemble du chiffre d’affaires des treize départements d’Occitanie en proposant 110 kilomètres de plages.”

Dans cette crise sans précédent, l’Hérault joue donc gros pour la survie de ses entreprises touristiques. “On ne sait rien de quand le secteur va pouvoir réellement redémarrer ; du tourisme d’affaires, à l’arrêt ; de l’ouverture indispensable des plages… Quel attrait aura le tourisme urbain, à Montpellier, par exemple, s’il n’y a plus de manifestations culturelles, festivals, etc.?” Ce n’est pas tout : “Les 20 % à 30% de la clientèle habituelle, les étrangers, ne seront pas là cette année…”

La crainte de 10 000 chômeurs supplémentaires

Les 110 kilomètres de plage de l’Hérault (ici Marseillan) sont fermés. Photo : Olivier SCHLAMA

C’est pourquoi le conseil d’administration d’Hérault tourisme, qui s’est tenu le 5 mai, “suivi le lendemain d’une visio-conférence avec le préfet avec les hôteliers, la CCI, etc.”, s’est saisi de cet enjeu majeur qui peut voir arriver à Pôle emploi “10 000 chômeurs supplémentaires liés à la chute envisagée d’un tiers des entreprises touristiques. Nous avons participé au fonds initié par la région Occitanie à hauteur de 1 M€ mais avec le remboursement de diverses taxes, la participation de notre département sera supérieure”, confie Claude Barral.

Clientèle de Lyon, Grenoble, Marseille, Toulouse

Claude Barral. DR.

Toute la stratégie se construit actuellement en espérant pour l’été le desserrement géographique : que l’on puisse aller au-delà des 100 km – un comité interministériel se tient le 14 mai sur le tourisme et devrait aborder cette question – que l’on pourra effectuer à partir du 11 mai. “Pour capter une clientèle de Lyon, Grenoble, Marseille et Toulouse, nous avons donc augmenté le budget de notre agence Hérault Tourisme de 200 000 euros à 4,607 M€ et à 4,674 M€ pour 2021 dans un premier temps pour augmenter et recentrer nos actions marketing”. Et vendre “davantage nos destinations phare à travers des campagnes, notamment sur les réseaux sociaux. Sur l’oenotourisme, l’arrière-pays.”

Réflexion sur le tourisme local

Le vice-président du département de l’Hérault complète : “En ce sens nous partageons les mêmes objectifs que le CRT (Comité régional du tourisme) mais on leur proposera de se charger de notre promotion de proximité. Ces campagnes commenceront d’ici 15 jours”. Et “mettront le paquet sur l’Hérault”. Claude Barral ajoute : Nous venons en soutien des offices du tourisme, avec une réduction des contributions ; nous accompagnerons les professionnels dans la gestion de la crise et la mise en oeuvre de la distanciation sociale ; nous lançons une réflexion sur le tourisme durable avec les acteurs du tourisme local.”

Mais “il y aura tout un tas de problèmes concrets à résoudre pour la réouverture des restaurants par exemple. Les serveurs qui vont de table en table comment vont-ils faire pour ne pas transmettre le virus ? Et puis les gens n’auront pas forcément envie de retourner au restaurant ! Moi le premier qui vais habituellement trois fois par semaine dans un restaurant à Lunel, je ne suis pas sûr d’y retourner… Il y a aussi un problème philosophique : on répond à l’urgence mais l’argent du contribuable ne va pas continuer indéfiniment à remplacer le flux d’argent commercial…”

Aider les professionnels et les touristes

Photo : Olivier SCHLAMA

C’est dans ce contexte que Carole Delga propose avec d’autres présidents de région et plusieurs députés une mesure solidaire pour soutenir les professionnels du secteur et le pouvoir d’achat des familles : le chèque tourisme. Il viserait d’une part à soutenir les professionnels et, d’autre part, à aider les Français les plus fragilisés par la crise à partir en vacances. De quoi inciter les touristes locaux à prendre des vacances chez eux ou à proximité. Mais ce chèque tourisme, qui soutiendrait directement l’hôtellerie-restauration, n’existe pas encore.

Chèque financé par l’État, collectivités entreprises

Pour que l’argent local reste au local. Ce serait “un titre de paiement cofinancé par l’Etat, ainsi que les collectivités et comités d’entreprises volontaires. Il serait réservé aux Français dont le revenu est inférieur au revenu médian, soit 50% de la population et 40% des foyers ne partant pas en vacances. À la différence d’une subvention ou d’une aide financière directe, ces chèques garantiraient une relance ciblée du secteur touristique par la fréquentation. Le ciblage pourrait même viser des territoires spécifiques. En accordant à ces titres une durée de vie limitée à six mois, ils inciteraient à une reprise rapide de la consommation.”

Vincent Garel. DR.

C’est une bonne idée”, souligne Vincent Garel, président du Comité régional du tourisme.Mais à ce jour on n’en connaît pas le coût, qui se chiffre forcément en millions d’euros, ni combien de personnes potentiellement concernées. Le département du Gers et l’Aude, motivés, sont déjà dans la réflexion par exemple. Le gouvernement pourrait trouver l’idée intéressante et s’en emparer et, pourquoi pas, en lancer l’expérimentation dans certains départements volontaires. On a encore quelques semaines pour affiner cette idée : a priori le secteur du tourisme ne reprendra pas avant début juin au mieux. Il faudra sans doute des partenaires financiers pour le mettre en route.”

Ce n’est pas tout. Vincent Garel ajoute : “Ce n’est pas de la communication mais un pragmatisme absolu. Il reste quand même beaucoup d’équations à résoudre comme savoir quand le secteur va rouvrir – car certains préfèrent vivre une année blanche plutôt qu’ouvrir en mode dégradé et avoir beaucoup de charges – et dans quelles conditions ? Il faut que l’on précise quelles activités on veut soutenir ; la typologie des restaurants… Est-ce qu’il y aura des zones…? En tout cas, cette crise montre définitivement l’utilité du niveau départemental et de l’intérêt d’une région et d’une région qui pèse. On la vu précédemment avec les masques.” De son côté, Claude Barral, le vice-président du département de l’Hérault, se dit “prêt à étudier la question”.

Olivier SCHLAMA

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