Circuits courts : Succès d’une plate-forme régionale de producteurs locaux

"On m'a prêté un Combi WW et je me limite maintenant à 50 paniers à livrer les mardis, jeudis et vendredis. Je me suis fait aider. Cette plate-forme ? Toute initiative de ce genre est bonne", commente Antoine Reboul. Photo : Olivier SCHLAMA

La Région a lancé, mardi 24 mars, une plate-forme digitale où sont déjà référencés plus de 2 300 producteurs et commerçants. Un appel à consommer local dans cette période de confinement où les marchés ouverts sont interdits. Des produits frais et locaux livrés à domicile et un débouché aux producteurs.

Samuel Masse est un jeune viticulteur en bio. Il exploite avec son frère des vignes au domaine de Favas, à Saint-Bauzille-de-Montmel, aux confins de l’Hérault. Il est né l’année de la création de l’IGP Pays d’Oc, il y a 32 ans, qu’il produit ainsi qu’en AOP Languedoc. Cet ancien président des Jeunes agriculteurs de l’Hérault est désormais membre du Conseil européen des jeune agriculteurs à Bruxelles qui réunit trente-trois organisation dans vingt-quatre pays.

Samuel Masse. DR.

Il dit : “Comme certains marchés d’intérêt nationaux et les marchés de plein air sont en grande partie fermés, cette plate-forme est une bonne alternative à la suppression des marchés de plein air ou des “estivales”. Exemple : Verre et Vins a été annulé à Campagne. Cela m’offrait beaucoup de visibilité avec ses 5 000 visiteurs chaque année. Du coup, hier soir, je me suis inscrit sur cette plate-forme régionale. Elle est bien faite. fluide. Assez facile. Sont bien expliqués les moyens de paiement. Je pense que le chèque c’est pas mal pour payer mais aussi la carte bleue. C’est une bonne solution de repli pour les producteurs.” Déjà une réussite !

Plus de 2 300 producteurs et commerçants déjà inscrits

En moins d’une semaine, plus de 2 300 producteurs et commerçants d’Occitanie se sont inscrits sur cette plate-forme qui offre une carte interactive instructive qui a enregistré 150 000 connections en quatre jours ! Dont Damien Coignet. Après avoir sa reçu sa livraison de produits “tout frais” jeudi matin, ce commerçant ambulant avait programmé huit foires et événements en Occitanie. Tous annulés. Pour cause de coronavirus. Il a donc réorienté son activité en livrant sa marchandise directement au domicile de ses clients. “Ce sont des gens qui ont besoin d’être livré chez eux avec des produits de qualité et qui ont envie d’autre chose que ceux du supermarché. J’ai zéro activité donc avec cette plate-forme, j’espère en avoir”, explique-t-il. Rejoignant l’analyse de Samuel Masse : “Si cette situation dure, cette plate-formecarte “une alternative énorme pour les producteurs dont certains produits sont périssables”. Le lait se stocke sous forme de poudre, les pâtes et le blé connaissent des débouchés mais les fruits et les légumes sont en grand danger de péremption.

Livraison à domicile de produits frais et locaux : c’est donc est désormais possible sur le site de la Région. Il permet de géolocaliser sur une carte les producteurs et commerçants qui livrent près de chez soi. Une fiche apparaît avec les détails du stock, un commentaire et les contacts mail ou téléphone pour passer une commande de produits. Sur ce même site de la région figure aussi une fiche technique avec les obligations sanitaires et de prophylaxie à respecter ont été envoyé aux producteurs.

L’agro-alimentaire, 1er secteur d’activité en Occitanie

Rens Chabrier, productrice de fromage au Pélardon de Pégairolle. DR.

Rens Chabrier, elle, est rompue à l’exercice : elle utilisait déjà des gants pour servir. Un carton plein de gants attendait sagement d’être utilisés. Le productrice de fromage met en place tout un système pour se protéger : “Je change de gants entre chaque client. Ceux, avec lesquelles j’ai servi et récupérer l’argent, je les jette à la poubelle installé dans ma voiture.” Samuel Masse préconise, lui, d’avoir si possible l’appoint lors des paiements pour éviter toute possibilité de se contaminer.

L’agriculture et l’agroalimentaire, c’est le premier secteur d’activité régional en emplois et en chiffres d’affaires. Un secteur qui devance le tourisme et l’aéronautique avec 164 000 emplois et 13,7 milliards de chiffre d’affaires. C’est aussi la première région bio de France. Pour Samuel Masse, cette carte inter-active représente une sorte de guichet unique où sont regroupés producteurs et commerçants. “Elle permet aussi de donner de la visibilité à des producteurs que les gens ne connaissent pas forcément autour d’eux : il n’est pas rare que les gens achètent du vin très loin de chez eux ou de la charcuterie. C’est ce qui a donné l’idée à l’un de mes collègues de proposer des plateaux-apéro avec de la charcuterie, ce qu’il faisait un peu déjà lors de certaines manifestations l’été et qu’il propose désormais en permanence en livraison à domicile”, argumente-t-il.

Grâce à cette carte et à la communication que fait la Région pour la faire connaître, les producteurs et commerçants espèrent ainsi trouver d’autres clientèles qui veulent aussi manger local. Rens Chabrier, productrice de fromage au Pélardon de Pégairolle, venait de se mettre à la livraison à domicile, a adhéré à la plate-forme, ce qui lui permet d’y rassembler tous les demandes de livraisons qu’elle reçoit. Un espace participatif sera prochainement proposé. Il permettra aux habitants de partager leurs bonnes adresses.

Solidarité espérée avec la grande distribution

Photo : Olivier SCHLAMA

Un moyen aussi de maintenir leurs activités économiques. L’interdiction des marchés en plein air dès le lundi 23 mars, sauf dérogation locale, et les événements annulés mettent à mal le secteur agricole et agroalimentaire. Rens Chabrier, elle, a perdu son revendeur qui faisait les marchés. “Il a tout arrêté alors qu’il me prenait 1 000 fromages par semaine”, affirme-t-elle. Cependant, pas de baisse de consommation en vue pour les particuliers. Sa cinquantaine de clients quotidiens sont toujours présents.

On m’a prêté un Combi WW et je me limite maintenant à 50 paniers à livrer les mardis, jeudis et vendredis. Je me suis fait aider. Cette plate-forme ? Toute initiative de ce genre est bonne”

Antoine Reboul

“C’est une situation inédite où les grandes et moyennes surfaces doivent jouer le jeu en les achetant”, insiste Samuel Masse. La présidente de la Région Occitanie, Carole Delga, et Jean-Jacques Bolzan, président de la Fédération des marchés de gros de France, se sont adressés par courrier aux responsables régionaux de la grande distribution. Ils espèrent que ceux-ci privilégieront les produits régionaux pour approvisionner leurs magasins. L’agriculture, un secteur “basique mais plus que nécessaire”. Mine de rien, “on a tous besoin de se nourrir”, rappelle Samuel Masse.

À Sète, Antoine Reboul livre à l’envi. “Surtout ne faites pas ma pub !” Ce Sétois qui sert d’intermédiaire entre maraichers et consommateurs a triplé ses livraisons de fruits, légumes et pain en quelques jours de confinement. “On m’a prêté un Combi WW et je me limite maintenant à 50 paniers à livrer les mardis, jeudis et vendredis. Je me suis fait aider. Cette plate-forme ? Toute initiative de ce genre est bonne”, note-t-il.

La santé avant tout

Pour aider les habitants à limiter leurs déplacements, “nous faisons venir les produits locaux devant leur porte”, formule la présidente de Région, Carole Delga. Un circuit court qui sera choisi par le vendeur, définissant lui-même sa zone de livraison. Il faut pour autant arriver à récolter. “En ce moment arrivent les asperges et bientôt les fraises et bien d’autres choses, comme pour les vendanges, souligne Samuel Masse. On va avoir besoin de bras, surtout pour les récoltes”, dit-il, faisant écho aux quelque 200 000 bras qui manquent dans les campagnes françaises comme l’ont expliqué le ministre de l’Agriculture et la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, qui a lancé une campagne nationale. “Moi, confie-t-il encore, j’en ai besoin pour la taille de la vigne mais je ferai appel à des entreprises spécialisées…Hors récoltes, il faut des gens formés et qualifiés”

Olivier SCHLAMA &  Marie-Amélie MASSON

Vivre avec la crise, c’est dans Dis-Leur !