Occitanie : On se rend de plus en plus au travail à vélo

Crainte des transports en commun pendant l’épidémie, création de coronapistes à Montpellier et Toulouse, multiplication des aides… L’outil crée l’usage : l’Insee dénombre au moins 60 000 adeptes qui se mettent en selle pour aller au travail, avec davantage d’hommes que de femmes. Pour autant, il reste du chemin à parcourir hors des grandes agglomérations

Le vélotaf tête dans le guidon ! Poussé par le vent des aides publiques, des coronapistes et du forfait mobilités durables de l’Etat qui permet à l’employeur de prendre en charge les frais de trajets de ses salariés, les actifs Toulousains et Montpelliérains se déplacent plus volontiers à la force du mollet pour aller travailler. De quoi aérer ses neurones et faire des économies substantielles. La tendance s’est amorcée il y a une quinzaine d’années avec la location de vélos en libre-service. Certes, avec des fortunes diverses.

Une étude récente de l’Insee de juillet 2021 constate une hausse de la pratique de 6 % à 8 % à Montpellier et de 7 % à 10 % à Toulouse. Des chiffres comparables sont constatés dans les pôles urbains de la région. La crise sanitaire a été un formidable accélérateur, faisant dire au président de la Fub (Fédération des usagers de la bicyclette), Olivier Schneider que “avec le covid, on a gagné dix ans…”, comme Dis-Leur vous le relatait.

59 000 travailleurs d’Occitanie prennent leur vélo

Rémi Lardellier.DR.

Toujours selon cette étude de l’Insee, en 2017, sur cent personnes qui se déplacent pour aller au travail, moins de trois utilisent un vélo, alors même que 35 résident à moins de cinq kilomètres de leur lieu de travail. On doit approcher désormais les 4 %. “En 2015, quelque 50 000 personnes se rendaient au travail à vélo. Et selon les derniers chiffres connus de 2018, on atteint 59 000 personnes”, précise Rémi Lardellier, l’auteur. Et c’était avant les coronapistes et les différents plans vélo, notamment à Montpellier et Toulouse.

Crainte des transports en commun

La pratique va crescendo. Une vraie lame de fond dopée, en 2020 et 2021, par “la crainte de la promiscuité dans les transports en commun” en pleine crise du covid. La progression de l’usage du vélo ne s’est pas démentie malgré la multiplication du télétravail, de la fermeture des écoles, des couvre-feu, etc. On le sait parce que certaines collectivités ont installé des compteurs automatiques.

“Hors des grands pôles, de rares aménagements cyclables”

vélo

Mais il reste des progrès à faire. “En dehors des grands pôles, les aménagements cyclables sont rares. Pour 100 km de voirie auto, l’Occitanie ne compte que trois kilomètres de voies aménagées pour les vélos”, souligne l’étude. Et si l’on y ajoute les rues limitées à 20 km/h ou 30 km/h, sur 100 kilomètres, seuls cinq sont dévolus à la petite reine. Toulouse et Montpellier figurent en tête des communes de plus de 50 000 habitants les plus cyclables de la région avec respectivement 42 % et 21 % de voiries cyclables.

On n’atteint pas du tout les mêmes rendements à Perpignan : 12 % ; Nîmes, Béziers, Montauban : moins de 10 %. Mais davantage à Blagnac ou Tournefeuille, par exemple : plus d’un tiers de voies cyclables ! ; Colomiers et Agde autour d’un quart. Enfin, Castelnau-le-Lez, Albi, Sète, Tarbes, Rodez, Frontignan ou encore Lunel en proposent entre 10 % et 20 %.

Il n’y a pas que les pistes cyclables qui comptent

À titre de comparaison, à Grenoble – champion toutes catégories – le cycliste est roi qui peut pédaler sur 53 % de voiries qui lui sont réservées. Ou encore Strasbourg (45 %) fait rêver les forçats. Strasbourg dépasse largement Toulouse. Pourquoi ? Eh bien dans la capitale alsacienne, on a aussi pensé, très tôt, à tous les aménagements de sécurité, des continuités entre quartiers voire entre communes limitrophes. Toulouse – et Montpellier – est cependant sur les bons rails, comme notre dossier l’expliquait.

Voie verte cyclable Montauban. Photo : Dominique Viet

L’auteur de l’étude dit par exemple qu’il a été agréablement surpris par les aides mises en place par la municipalité de Montauban, pour les vélos électriques mais aussi pour les vélos cargos pour transporter les enfants. Et par la commune d’Albi, bien mobilisée, avec pas mal de projets d’infrastructures”. Il ajoute : “Plusieurs communes du littoral, dans une environnement plat, à l’image d’Agde, ont compris l’intérêt de réaliser des pistes cyclables. Et ce qu’elles réalisent pour les touristes sert aussi à tous les actifs.”

A Montauban, une “vision globale”

A Montauban, on explique que “la politique en faveur du vélo est historique. Nous avons toujours voulu avoir une vision globale”. Depuis 2017, la municipalité subventionne exclusivement les vélos cargo (qui peuvent transporter des enfants). “Depuis quatre ans, explique un chargé de mission, nous avons aidé à l’achat de 14 engins, à raison de 250 € l’unité. Dont quatre biporteurs électriques, huit triporteurs électriques et deux “long tails” musculaires, capables d’emmener plusieurs enfants. Dans le lot, on compte deux professionnels : une assistante maternelle qui s’en sert pour transporter des enfants et une restauratrice pour livrer des repas.”

Une aide pour se séparer d’une voiture

Voie verte cyclable Montauban. Photo : Dominique Viet

Le coût moyen de ces vélos est élevé, environ 3 500 € chacun. “Nous misions à l’origine, poursuit-il, à aider des familles à se séparer de l’une de leurs voitures. Ce qui est le cas pour au moins la moitié de celles qui ont été aidées.” Jusqu’alors, la municipalité “renvoyaient” les pratiquants de la petite reine vers les aides de l’Etat ou de la région Occitanie. Elle réfléchit désormais à distribuer des aides pour l’achat de vélos cargo d’occasion, notamment.

Crise des Gilets jaunes

De quoi satisfaire les moins fortunés de ses habitants. N’oublions pas non plus que la crise des Gilets jaunes avait débuté par le refus d’une nouvelle hausse du carburant et que le vélo est sorti le grand gagnant de la crise du covid-19. “Les villes, précise encore Rémi Lardellier, l’auteur de l’étude, aussi ont pu recevoir des aides spécifiques, notamment au travers du dispositif Alvéole, pour entre autres créer des parkings. Et répondre aussi à des appels à projets nationaux.”

Lutte des classes et batailles des sexes

Enfin, le vélo traduit bien la lutte des classes et la bataille des sexes : “Les ouvriers résident mois souvent à proximité d’aménagements”, en conclut l’auteur de l’étude. Du coup, alors qu’un tiers des ouvriers d’Occitanie vivent à moins de cinq kilomètres de leur lieu de travail, “ils ne sont que 5 % à s’y rendre à vélo”.

En tout cas “ils vivent plus souvent dans des territoires peux adaptés aux déplacements à vélo”. Rémi Lardellier avance aussi que “se déplacer à vélo est une culture plus masculine parce que les femmes s’occupent davantage des enfants, notamment, et une inégale répartition des tâches domestiques”. Mais en présence d’aménagements suffisants, “l’écart entre hommes et femmes se réduit”.

L’outil crée l’usage

En clair, plus on crée des pistes, plus il y a de pratiquants. L’outil crée l’usage. On l’a vu avec la pérennisation des coronapistes, à Montpellier ou Toulouse. Voire une ville moins importante comme Sète où une association locale, la Roue Libre de Thau, a gagné, le 30 juin dernier, devant le tribunal administratif face à la municipalité qui refusait de créer des doubles sens cyclables en zone 30, dans le centre-ville, en contradiction avec le Code de la route et la loi de 2008. Du coup, depuis cet été on a vu fleurir, y compris dans des ruelles étroites, des sens uniques transformés en doubles sens cyclables… Ou comment être poussés à prendre des décisions un peu raides à même d’irriter l’ensembles des usagers, y compris les cyclistes…

Olivier SCHLAMA

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