Emploi : Pourquoi l’école régionale du numérique fait un carton

L'antenne Sétoise de l'école régionale du numérique où douze stagiaires ont commencé en juillet leur formation de dix mois en développeur web et application. Avec la présidente de Fondespierre, maison mère de BeWeb, son école de formation. Photos : Olivier SCHLAMA

“Dispositif novateur, premier du genre en France”, selon Carole Delga, l’école régionale du numérique vient d’ouvrir, à Sète, la 20e antenne de son réseau. La formation, destinée aux plus éloignés de l’emploi ou en reconversion, n’exige aucun prérequis, ni diplôme. Le taux d’insertion, de 80 %, parle de lui-même.

Devant son ordinateur, en ce lundi 18 septembre, où il “code” sous les conseils du formateur de BeWeb, Rémy a l’air un peu surpris quand il voit arriver l’aréopage d’élus et de journalistes, spécialement venus pour inaugurer cette nouvelle formation dont le territoire du bassin de Thau avait besoin. À 22 ans, depuis juillet, il entame – déjà – une reconversion pour avoir “davantage de débouchés” qu’il n’en avait jusqu’alors avec son bac pro élevage canin-félin. Il le sait maintenant : il veut devenir développeur web. C’est la mission locale qui l’a orienté vers la toute nouvelle antenne sétoise de l’école régionale du numérique, qui jouxte le CFA (Centre de formation des apprentis) de Sète.

Des publics les plus éloignés de l’emploi

Avec lui, une douzaine de stagiaires, dont deux femmes, sont assis derrière leur écran aux lignes de code incompréhensibles pour le commun des mortels. Ils viennent aussi de Frontignan, Béziers et même de Montpellier (“Si, en plus, on vient de Montpellier la Surdouée pour se former à Sète…!”, s’est gentiment amusé François Commeinhes). Cette formation, qui se déroule en un peu moins d’une année, permet d’obtenir l’équivalence d’un bac + 2. Elle s’adresse à des profils de jeunes ou moins jeunes, souvent en reconversion. Et des publics les plus éloignés de l’emploi vers ce métier d’avenir.

Inauguration de la première promotion de l’antenne sétoise de l’école régionale du numérique, à Sète. Photo : Olivier SCHLAMA

Montpellier, Lunel, Béziers…

Après Montpellier, Lunel et Béziers, Sète devient la quatrième ville de l’Hérault à accueillir une antenne de l’école régionale du numérique. Depuis 2019, 108 stagiaires ont été accueillis dans le département, dont 35 en 2022. La ville de Sète a mis des locaux à disposition, la Région Occitanie paie, elle, la formation – l’école du numérique de Sète est financée à hauteur de 133 000 € par la Région Occitanie et 2,5 M€ pour l’ensemble des vingt antennes (lire ci-après).

Ce financement englobe l’ensemble des frais pédagogiques et la rémunération des stagiaires. “Les rémunérations mensuelles sont variables en fonction de l’âge, indique-t-on à la Région. Qui a, d’ailleurs, fait le choix de soutenir les stagiaires âgés entre 16 ans et 18 ans en leur versant une rémunération plus favorable que le barème national (240 € contre 208 €). Concernant l’ERN de Sète, trois stagiaires bénéficient de cette rémunération en plus de la prise en charge intégrale du parcours de formation.” Pour les personnes inscrites à Pôle emploi, il y a, sous certaines conditions, le maintien de leurs allocations.

C’est une formation très demandée (…) À Montpellier, où nous venons de finir une sélection de candidats, eh bien nous avons eu 100 candidatures pour 15 places…”

Séverine Saint-Martin, présidente de la scoop Fondespierre

Cette formation est “très demandée”, acquiesce Séverine Saint-Martin, présidente de la scoop Fondespierre. Outre la demande importante et naturelle dans ces métiers-là, “le candidat n’a pas besoin de diplôme, précise-t-elle. Il n’y a pas de prérequis ; ni de niveau demandé de quoi que ce soit. À Montpellier, où nous venons de finir une sélection de candidats, eh bien nous avons eu 100 candidatures pour 15 places…”

L’antenne régionale du numérique de Béziers. Ph. Région Occitanie.

C’est une formation qui permet d’entrer tout de suite sur le marché du travail “ou de poursuivre des études. Car, parfois cela donne des envies de continuer”, fait remarquer Séverine Saint-Martin, la présidente de la scoop Fondespierre, “maison-mère” de l’école informatique BeWeb. Aurélien, 26 ans, vient de Maraussan pour suivre cette formation. Son métier d’avant, réalisable avec un bac pro technique d’usinage, il en avait “ras-le-bol…” 

Sélection sur les aptitudes, pas sur les diplômes

Le recrutement est original. Se basant sur les agilités personnelles, les aptitudes du candidat davantage que sur les diplômes. Il y a d’abord des tests directement sur le site de l’organisme de formation permettant d’obtenir des “badges” et de franchir les étapes en vue de la sélection finale. “On les met devant des problèmes parfois insolubles pour eux et on regarde leur comportement et une fois sélectionnés, on les mets sous pression entre guillemets”, décrypte Séverine Saint-Martin. Entendre : ils bossent beaucoup. Par ailleurs élue à Montpellier et présidente de l’Union régionale des Scop d’Occitanie, elle affirme que ça marche “car Be Web, qui forme des futurs développeurs depuis six ans, revendique un taux d’emploi ou de reprise d’études de plus de 80 %”. La formation est tout aussi originale avec comme point remarquable “un apprentissage par les pairs et d’une immersion en entreprise de neuf semaines”.

C’est un cursus qui enrichit notre pôle : nous avons déjà 1 100 étudiants à Sète…”

François Commeinhes
L’antenne régionale du numérique de Béziers. Ph. Région Occitanie.

“Cette formation avec ce partenaire BeWeb est un bon choix. Le numérique est omniprésent ; on ne peut rien faire sans cela. De l’achat de voyages aux placements de monnaie en passant par les diagnostics santé grâce à l’intelligence artificielle, a souligné François Commeinhes, lui-même un peu “geek”, même s’il s’y est mis “sur le tard”. Et pour nous, à l’Agglopôle de Sète, c’est un cursus qui enrichit notre pôle : nous avons déjà 1 100 étudiants, notamment à l’ex-collège Victor-Hugo et cette formation dont nous avons bien besoin complète notre panel. Nous avons une pépinière d’entreprise ; nous allons avoir un hôtel d’entreprises”, a-t-il dit.

François Commeinhes, toujours : “Avec plus de dix établissements d’enseignement, de recherche et de formation, et plus de 1 000 étudiants, Sète est identifiée comme ville universitaire d’équilibre. Je suis donc très heureux de voir l’École régionale du numérique s’établir à Sète et compléter ainsi l’offre de formation aux métiers du numérique. Ce dispositif s’inscrit dans la continuité de la dynamique lancée avec le Campus connecté et la création des deux nouvelles filières à l’IUT. En adéquation avec les défis de notre territoire, c’est un jalon de plus pour l’accompagnement et le développement de notre tissu économique local.”

La force du dispositif auquel nous croyons beaucoup, c’est que cette école est un réseau qui se déploie avec des collectivités locales et des opérateurs”

Sébastien Denaja, conseiller régional d’Occitanie

L’intelligence du dispositif réside dans son “agilité“, comme on dit aujourd’hui. Pas besoin de créer une école en dur et en un seul endroit à plusieurs dizaines de millions d’euros : la Région Occitanie, compétente en la matière, noue des partenariats avec des spécialistes du web et finance les formations. Conseiller régional, le Sétois Sébastien Denaja ne dit pas autre chose : “La force du dispositif auquel nous croyons beaucoup, c’est que cette école est un réseau qui se déploie avec des collectivités locales et des opérateurs qui permettent de localiser la formation dans des bassins où s’exprime un besoin avec des publics éloignés de l’emploi. C’est une vraie dynamique de réseau et la Région Occitanie est la première à créer cela.”

Quatre autres opérateurs, en plus de BeWeb, mettent en oeuvre ce cursus dans les autres antennes de l’école numérique de la Région Occitanie : l’Afpa, l’Idem, Adrar Formation et le Greta Midi Pyrénées Nord et du Gard. “La liste est non exhaustive à ce stade. De nouveaux opérateurs seront choisis d’ici la fin de l’année pour mettre en oeuvre des formations dans le Gers, l’Ariège et l’Aude”, indique-t-on du côté de la Région.

Ces écoles régionales du numérique sont pertinentes au niveau d’un territoire. C’est une opportunités aussi pour les entreprises des territoires qui sont en recherche de profil”

Séverine Saint-Martin, présidente de Fondespierre
L’antenne régionale du numérique de Béziers. Ph. Région Occitanie.

Dans ce qui pourrait faire penser, toutes proportions gardées, à la philosophie de Station F, plus grand campus à startups au monde, à Paris, créé par Xavier Niel Présidente de la Scop Fondespierre, Séverine Saint-Martin complète : “Ces écoles régionales du numérique sont pertinentes au niveau d’un territoire. C’est une opportunité aussi pour les entreprises des territoires qui sont en recherche de profils” et, évidemment, une opportunité pour les apprentis. “Nous dispensons cette formation à Montpellier, Béziers etc. Chaque promotion va de 12 à 18 apprentis. Au total, nous approchons les quelque 75 personnes formées par an.”

Campus connecté, IUT, etc. cette antenne de l’école régionale du numérique est une offre de formation supplémentaire”, argue encore Pierre Clérivet, chargé de projet formation et enseignement supérieur à l’Agglopôle de Sète. Avec, à l’horizon, des formations qualifiantes comme un master en transition écologique et économie circulaire ou une licence en écoproduction des industries culturelles et créatives. Il est vrai que Sète est la ville-festival, comme Dis-Leur ! vous l’a expliqué ICI !

“Dispositif novateur, premier du genre en France”

En tout cas, cette session de formation à Sète affiche complet. “Avec l’ouverture de cette nouvelle antenne à Sète, nous poursuivons notre engagement dans la lutte contre les inégalités liées à l’emploi. La formation est ouverte à toutes et tous, avec comme seul critère la motivation. Nous apportons également une réponse concrète aux besoins de recrutement des chefs d’entreprise locaux et accompagnons le développement des grandes filières dans le département de l’Hérault. Grâce à la participation de Sète Agglopôle Méditerranée, nous sommes ravis de voir le réseau des écoles du numérique s’élargir et se pérenniser en Occitanie”, a réagi la présidente de Région.

Le taux d’insertion de 80 % et la croissance du secteur prouvent la réussite de ce dispositif”

Carole Delga

Carole Delga a poursuivi : “Les taux d’insertion à la sortie de formation et la croissance du secteur du numérique sur le territoire prouvent la réussite de ce dispositif novateur, premier du genre en France. Le déploiement des antennes de l’école régionale du numérique en Occitanie est par ailleurs complémentaire avec le Pacte pour l’embauche, que nous avons lancé pour assurer l’accès de toutes et tous à un emploi de qualité, en apportant des solutions aux problèmes de logement, de mobilité ou encore de garde d’enfant.” 

Carole Delga. Archives.

À ce jour, vingt communes accueillent une Ecole régionale du numérique : Auch, Lourdes, Pamiers, Cahors, Moissac, Castres, Mende, Alès, Lunel, Béziers, Perpignan, Carcassonne, Rodez, Saint-Gaudens, Montpellier, Toulouse, Caylus, Millau, Albi, Sète. Au total, plus de 1 700 personnes ont été formées dont 24 % de femmes (tendance à la hausse) ; 61 % de public de niveau bac ou infra bac avant l’entrée en formation ; avec 87 % de réussite à la certification. Mais aussi un taux de 80 % d’insertion professionnelle dix-huit mois après la certification (60 % de salariés et 20 % en poursuite d’études). Pas moins de 82 % des apprenants jugent bénéfique et utile la formation pour trouver un emploi.

Olivier SCHLAMA

  • Selon la Région Occitanie, ces formations s’adressent aux demandeurs d’emploi possédant un faible niveau de qualification dans un secteur à fort potentiel d’emploi, qui compte 18 500 entreprises et plus de 64 000 emplois en Occitanie, avec une croissance des offres d’emploi de 5,9% en 2023.

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