“Notre école, faisons-la ensemble” : Ces centaines de projets innovants qui dynamisent la classe

Ph Céline Poisson.

Classe flexible, jardin pédagogique, fablab, etc. On ne parle pas ici de pénurie de profs ou du classement Pisa mais d’un dispositif innovant, Notre école, faisons-la ensemble, déclinaison éducation du Conseil national de la refondation. Il fait apparemment du bien à tous, visant à améliorer “l’élévation du niveau des élèves ; l’égalité des chances et le bien-être”. À l’image d’une dynamique exemplaire à Montredon-les-Corbières, dans l’Aude, que salue Sophie Béjean, la rectrice de l’académie de Montpellier, ainsi que 220 autres projets validés et plusieurs centaines qui vont l’être.

Célèbre pour sa révolte vigneronne, historique, Montredon-les-Corbières, dans l’Aude, va le devenir pour sa place dans la révolution des savoirs ! Céline Poisson est institutrice à l’école primaire du Castellas qui réunit 130 élèves dans six classes contre sept auparavant. L’enseignante a répondu à un appel à projets de l’Éducation nationale, Notre école, faisons-là ensemble” qui, dans notre région Occitanie, a pour conséquences de redynamiser les communautés éducatives et même certaines communes. Un cas d’école, le seul d’Occitanie, qui a même été présenté le 7 juillet dernier au CampusCyber, projet initié par Macron, lieu totem de la cybersécurité rassemblant les principaux acteurs nationaux et internationaux du domaine. Une fierté !

“Montrer que le savoir n’est pas que de l’abstraction” 

Céline Poisson et Sophie Béjean, rectrice d’académie. Ph. rectorat de Montpellier

Pas de place à la fatalité. À toute chose malheur est bon, comme le dit le maire de Montredon-les-Corbières, Jean-Marc Jansana : “Céline Poisson a d’abord eu l’idée d’utiliser cette classe vidée de ses élèves pour la réatribuer aux élèves qui voulaient une récréation calme. Puis, elle a répondu à un appel à projets de l’Education nationale, baptisé Notre école, faisons-la ensemble. Dont le plus remarquable est de montrer que le savoir n’est pas que de l’abstraction” Qui est devenu le centre névralgique de l’école et des apprentissages avec un fablab ! “Depuis, les élèves sont ravis et les parents aussi…”

À tel point point qu’il n’est pas interdit pour cette commune de 1 500 âmes de rêver à un accroissement de sa population et de récupérer sa classe perdue, avec un lotissement en vue, après modification du plan d’urbanisme. “Déjà, lors du précédent mandat, précise Jean-Marc Jansana, on avait laissé la possibilité aux salariés qui habitent ailleurs mais qui travaillent chez nous de pouvoir inscrire leurs enfants dans notre école…” Car elle avait dangereusement perdu des élèves, passant de 180 à 130 place en quelques années.

Plusieurs centaines de projets validés

Des élèves de l’école primaire de Montredon-les-Corbières dans leur fablab. Ph. Céline Poisson.

La primaire de Montredon fait partie des 221 écoles, collèges ou lycées de l’académie de Montpellier à avoir décroché une aide, parfois substantielle, dont le projet éducatif a été validé dans le cadre de cet appel à projets exceptionnel. Effet boule de neige aidant, plusieurs centaines d’autres projets sont en cours de validation, passant par une cellule dédiée au rectorat. Leur nombre in fine ? Sans doute autour de 650ce qui commence à être intéressant au regard des quelque 2 000 écoles et 500 établissements du secondaire dans l’académie”, souligne Sophie Béjean, la rectrice. Il existe même une carte de ces projets en Occitanie à lire ICI.

“Partir des projets de terrain”

“Notre école, faisons-la ensemble” est en fait la déclinaison éducation du fameux Conseil national de la refondation (CNR) voulu par Emmanuel Macron pour encourager les enseignants à innover. Le président a appelé ça la “révolution copernicienne”. De quoi s’agit-il ? De “partir des projets de terrain”, pour que écoliers, collégiens et lycéens se sentent dans de meilleures conditions pour apprendre et cheminer dans leur scolarité. Tout un programme ! Le gouvernement a prévu des crédits exceptionnels : 500 M€ sur le quinquennat dont 5 M€ ont déjà été notifiés ou alloués rien que pour l’académie de Montpellier, par exemple pour financer des projets, parfois pluriannuels. “Cette enveloppe peut être abondée, si besoin”, précise la rectrice d’académie.

70 000 € pour l’école de Montredon

Des élèves de l’école primaire de Montredon-les-Corbières dans le fablab. Ph. Céline Poisson.

Pour l’école de Montredon, Céline Poisson a décroché une enveloppe de… 70 000 € ! “Nous avions déjà trois labels de l’Education nationale – sur le développement durable, l’apprentissage de l’anglais et un sur le sport, Génération 2024 en lien avec les JO à venir – et nous cherchions comment les valoriser. On s’en est servi comme d’un levier.” C’est comme cela que l’école a présenté le projet Bouger pour Apprendre Autrement et a vu sa candidature validée.

Imprimante 3D, graveuse, casques réalité virtuelle…

Ce projet d’établissement subventionné est en train de révolutionner la façon d’apprendre dans cette école audoise. Il y a d’abord des objets importants pivots d’un apprentissage qui saisit le numérique à bras-le-corps : une imprimante 3 D ; une graveuse numérique qui servent dans le cadre d’un fablab, premier volet de la trilogie. Il a fallu se familiariser avec les logiciels ad hoc ; à la découpe sur bois, notamment…

Montrer que les nouvelles technologies ne sont pas seulement des appels à la passivité. Cela a aussi des aspects positifs”

Céline Poisson, professeure des écoles à Montredon

“Intégrer ainsi l’écosystème du numérique, développe Céline Poisson, c’est aussi montrer que les nouvelles technologies ne sont pas seulement des appels à la passivité. Cela a aussi des aspects positifs. Les élèves sont acteurs.Trop de gens pensent que le numérique est une affaire de spécialistes.” Ce n’est pas faux. Mais, contrecarre-t-elle, “autant, donc, maîtriser cela dès le plus jeune âge. Nous utilisons d’ailleurs le même logiciel que celui que le collège du secteur utilise.” Et ça marche : meilleure acquisition des apprentissages ; meilleure représentation dans l’espace, d’importance quand on aborde la géométrie.

“Immersion totale dans une langue étrangère”

Des élèves de l’école primaire de Montredon-les-Corbières dispose de casques de réalité virtuelle. Ph. Céline Poisson.

Tout se met en place depuis la rentrée de septembre 2023. En outre, les élèves de l’école ont aussi à leur disposition des casques de réalité virtuelle ! C’est le second volet. “C’est un très bel outil qui permet une immersion totale dans une langue étrangère, en l’occurence l’anglais”, décrypte la professeure des écoles. L’un des scénarii est, en entrant dans un décor virtuel d’un hôtel et son environnement, de dialoguer dans la langue de Shakespeare avec le réceptionniste, par exemple. Les enfants peuvent aussi manipuler une brodeuse numérique, une machine à floquer…

Mur interactif, écrans, environnement numérique

Troisième volet du projet, une salle dite de mobilité dotée d’un mur interactif, des écrans et d’un environnement numérique au sol. Du sport mâtiné d’apprentissages : les élèves doivent par exemple lancer le ballon sur les bonnes réponses ; pour les tout-petits, on leur a facilité la tâche : tout se passe au sol… “Tout a démarré grâce à un papa qui travaille dans un fablab, à Narbonne, où, d’ailleurs, avec les collègues enseignants nous nous sommes même formés”, confie Céline Poisson. C’est lui a avait organisé la déclinaison régionale de ce que propose la Cité des Sciences, à la Villette, à Paris, baptisé Micro-Folie, plateforme culturelle mobile qui navigue dans les territoires.

“C’est vrai que cela prend beaucoup de temps, y compris le week-end, mais c’est très gratifiant pour tout le monde”

Elle dit, sincère : “C’est vrai que cela prend beaucoup de temps, y compris le week-end, mais c’est très gratifiant pour tout le monde.” L’école regorge de projets comme celui de l’une des classes de CM1-CM2 qui conçoit des maquettes de ports antiques. Ils seront exposés lors de la Nuit des Musées, fin mai, à Narbovia, musée dont Dis-Leur vous a déjà parlé ICI.

“On peut imaginer que les élèves s’engagent dans une action de prévention des feux de forêts en réalisant des écriteaux appelant à la prévention. Trois classes participent déjà à une aire terrestre éducative, support d’un projet pédagogique de connaissance et de préservation de l’environnement”, confie encore Céline Poisson qui se dit être une “institutrice heureuse”, à l’instar du maire de Montredon qui ajoute : “Sur les 37 maires  des communes du Grand Narbonne, la moitié ont soit démissionné soit sont décédés.” Un tel projet (r)anime le village.

Montredon a acquis 4 vélos cargos prêtés aux familles !

Faire pour l’école, c’est faire pour la commune. C’est pour cela qu’elle est si chouchoutée : “Même si elle est récente, de 2009, le chauffage n’était pas performant. nous avons fait poser la clim partout”, souligne le maire de Montredon. Et pour plaire davantage à sa population en âge d’élever des enfants, la commune a acquis quatre vélo-cargos “que nous prêtons pour quinze jours aux familles qui peuvent aisément remplacer quatre voitures dans le village”, permettant du “véloturage” sur le modèle du covoiturage avec les petits voisins et “faire du bien à la planète.”

“Cette dynamique a pris assez vite dans notre académie”

La rectrice d’académie de Montpellier, Sophie Béjea, à Montredon. Ph. Rectorat de Montpellier.

Rectrice de l’académie de Montpellier, Sophie Béjean, “cette démarche qui a été annoncée fin août 2022. Il s’agit d’inviter, d’encourager écoles et des établissements scolaires dans une concertation pour définir des projets. Dès janvier 2023, nous avons commencé à valider les projets à financer dans le cadre du Fonds d’innovation pédagogique. Cette dynamique a pris assez vite dans notre académie.

“Élévation du niveau des élèves et la réussite éducative ; l’égalité des chances et le bien-être”

“Au début, nous n’avions que quelques projets. On a laissé le temps aux équipes pédagogiques. Je réunis une commission de validation chaque mois. Il y a eu un effet boule de neige. Au 30 novembre, on avait validé 221 projets validés. Le principe, c’est qu’il n’y aucun projet refusé. Quand il n’est pas mûr, qu’il est incomplet, quand il y a besoin de précisions sur un financement demandé, ou quand il y a une recherche d’un partenaire, on demande aux équipes de retravailler leur projet. Nous avons, d’ailleurs, une inspectrice d’académie qui a été déchargée pour s’occuper pleinement de ce dispositif. Elle dispose d’une équipe d’appui académique dédiée pour accompagner les porteurs de projets qui se déploie dans chaque des cinq département avec une équipe départementale.” Pour présenter un projet, il y a trois thématiques assez vastes : “L’élévation du niveau des élèves et la réussite éducative ; l’égalité des chances et le bien-être.” Avec une prépondérance sur la réussite des élèves.

Dans une classe flexible, on peut faire des îlots, des espaces détente, faire que le travail ne soit pas un face-à-face pédagogique mais que la pédagogie y soit différenciée, au coeur d’un enjeu de transformation de la pédagogie”

Sophie Béjean, rectrice de l’académie de Montpellier
Un incroyable environnement numérique à Montredon. Ph. rectorat de Montpellier.

“Ce que nous encourageons, ce sont les échanges de pratiques, l’idée est de faire vivre la communauté des projets CNR que l’on appelle aussi Notre école faisons-la ensemble”, précise Sophie Béjean qui, outre, Montredon-les-Corbières, a en tête des projets exemplaires “autour des mathématiques, de la robotique, avec un lab, dans le premier degré ; il y a pas mal d’exemples de classes flexibles. Une classe flexible s’aménage avec du mobilier que l’on peut déplacer ; on peut y faire des îlots, des espaces détente, faire que le travail ne soit pas un face-à-face pédagogique mais que la pédagogie y soit différenciée, en petits groupes. C’est au centre d’un enjeu de transformation de la pédagogie, pour que les élèves soient davantage acteurs.” Plus autonomes.

La rectrice précise : “Ce que cette démarche de projet CNR permet, c’est soit de financer du matériel (pour une classe flexible, une imprimante 3D, du matériel pour un lab, pour installer un jardin pédagogique dans la cour de l’école…) Cela peut permettre de financer l’intervention de partenaires ou de prestataires ou de la formation.”

“Ces projets sont bien répartis dans l’académie”

Et même une imprimante 3 D ! Ecole de Montredon. Ph. rectorat de Montpellier.

Ces projets sont bien répartis sur le territoire de l’académie. L’Aude s’est particulièrement engagée au niveau des écoles : sur les 221 projets validés, 70 se situent dans l’Aude ; 59 dans l’Hérault ; 53 dans le Gard ; 26 dans les P.-O. et en Lozère 13. À Montredon, c’est un beau projet avec plein de choses et un beau partenariat avec la commune et quand il y a un tel beau projet, cela donne envie aux autres”, note la rectrice. Ce qui explique en partie le succès de cette démarche dans l’Aude. Il y a aussi des exemples dans le second degré. La rectrice cite le collège Philippe-Lamour, à la Grande-Motte, “à propos de tout un travail sur les pratiques artistiques, la valorisation du patrimoine, l’ouverture à la culture. J’ai aussi en tête un collège de Montpellier qui a acheté des vélos pour les élèves…”

“Ça ne change pas les conditions de travail mais cela apporte un plus très apprécié rapidement”

Ce dispositif a-t-il mis de l’huile dans les rouages dans les relations avec les enseignants ; sur l’amélioration de leurs conditions de travail ? “Ça ne change pas les conditions de travail mais cela apporte un plus très apprécié rapidement. Je suis agréablement surprise de lire des courriers de remerciements de la part de directeurs d’école – ce n’est pas si souvent – la communauté éducative est contente d’avoir des réponses rapides, des réponses positives. Et quand ils prennent le soin m’écrire, c’est qu’ils sont vraiment contents. “

“Très bien démarré dans les écoles ; collèges et lycées s’y lancent désormais”

Sur le terrain, Sophie Béjean, constate qu’il y a “un effet d’entrainement même auprès des professeurs qui n’avaient pas adhéré à la démarche au départ. Finalement, personne ne veut revenir en arrière et tout le monde est très contents. Ce qui est intéressant, également, c’est que les collectivités de rattachement (communes, conseils départementaux) sont aussi très contents. Même si, en principe, ils ont été associés à la démarche, ils se rendent compte de l’intérêt du dispositif après coup. Il y a un réel engouement.”

Les autres recteurs et rectrices ailleurs en France, qu’en pensent-ils ? “La démarche a bien pris partout. Là, où nous nous sommes distingués, dans l’académie de Montpellier, c’est qu’elle a très bien démarré dans le premier degré, dans les écoles, qui avaient moins de leviers de financement. Je m’en réjouis. Les collèges et lycées s’y lancent désormais.”

Olivier SCHLAMA

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