Harcèlement scolaire : Au collège, prévention renforcée sur tous les tableaux

Collège Gérard-Philippe, en juin 2023, à Montpellier où 6e et 4e travaillent sur une situation de harcèlement. La rectrice est présente lors d'une séance de sensibilisation au cyber-harcèlement. Photo : Christophe Renoust, académie de Montpellier

La Première ministre a décrété “la mobilisation générale” avec une série de mesures dont le renforcement du programme PHARe. Au rectorat de Montpellier, Laurence Riche-Dorlencourt, référente académique, insiste sur la nécessité de “repérer les signaux faibles”. Selon elle, malgré le tsunami attendu de signalements, les ressources seront suffisantes. Pour le président national de la FCPE, Grégoire Ensel, les moyens sont très loin de suffire. “La communauté éducative livre un combat avec des fourchettes en plastique…”, cingle-t-il.

Au tableau, à côté de l’emploi du temps aux couleurs bigarées, est écrit le nom de la “référente harcèlement”. Impossible de le louper. Après quelques mots de bienvenue lors de la réunion traditionnelle parents-professeurs, deux semaines après la rentrée scolaire, la professeure principale d’une classe de 6e de l’Hérault se lance en choisissant de remettre à plus tard son laïus sur la “laïcité” pour laquelle “tout le collège fermera une journée – mardi 3 octobre – pour se consacrer tous ensemble à une formation”, évacue-t-elle.

“Même si c’est juste une moquerie, n’hésitez pas ! Et ce n’est pas parce que l’on parle de ça dans les médias”

La prof, la quarantaine, les mains qui se nouent et se dénouent, aborde le “harcèlement scolaire”, mantra de ce début d’année scolaire. “J’espère que cela ne vous concernera pas. La référente c’est donc Mme X qui est très inventive sur ce sujet.” Et de sensibiliser pères et mères présents, tous restés religieusement silencieux pendant ce moment grave : “Même si c’est juste une suspicion de rien du tout ; même si c’est juste une moquerie, n’hésitez pas ! Et ce n’est pas parce que l’on parle de ça dans les médias.”

Illustration. DR

Elle appuie : “Cela peut partir de rien du tout ; surtout pendant les récréations ; on ne voit pas tout en tant que prof. Les élèves {qui se sentent concernés, Ndlr} peuvent m’en parler d’abord ; mais n’attendez pas une, ou pire, deux semaines. Vous pouvez directement interpeller la référente harcèlement depuis l’application smartphone Pronote (cela s’avère pour l’instant impossible… Ndlr) ; sinon, sachez que même le week-end, le collège est joignable, en cas d’urgence.” La marche à suivre si on déclenche le dispositif ?

“Y arriver avant même qu’un harcèlement ne se matérialise”

La prof principale poursuit : “On se réunit ensuite entre profs ; on peut convoquer les parents… Parfois, les enfants ne veulent pas en parler…” Peur d’être pris pour une “balance”. De ne pas être cru. De créer davantage de problèmes. “En tout cas, cela peut parfois être réglé en cinq minutes.” Ou pas. “Si l’élève parle, il dira des noms. Charge à nous tous de s’assurer d’identifier ce qui pose question ; à la cantine, dans le car, dans ses espaces de travail, dans la classe, la salle d’études… Si l’élève a du mal à parler, il faut l’entourer…”, rétablit Laurence Riche-Dorlencourt, conseillère technique de la rectrice de Montpellier pour la vie scolaire et référente académique sur le harcèlement du rectorat.

Quant aux élèves supposés être auteurs, dont on aura informé la famille, il font l’objet des mêmes attentions. “Tout ne peut pas être qualifié de harcèlement. En revanche, quand un élève a quelque chose à dire, ou que l’on peut identifier des attitudes, des besoins, ça nous préoccupe. Il faut y arriver avant même qu’un harcèlement ne se matérialise”, ajoute-t-elle.

Repérer les signaux faibles

Collège Gérard Philippe. Photo : Christophe Renoust, académie de Montpellier.

Le cas typique d’une possible victime ? Des notes qui chutent brutalement ; un mutisme… “Ce qui peut faire parler un élève c’est leur dire que tous les adultes s’occupent de ça. Et savent écouter et repérer le harcèlement qui touche au bien-être du jeune. Il ne faut pas attendre un signe fort mais être attentif aux signaux faibles.” Quels sont-ils ? “C’est un élève tout seul dans son coin ; que l’on voit partir seul ; qui est à l’écart des autres. Toujours. C’est un élève qui n’est jamais joyeux. Qui traine les pieds quand on lui demande de rejoindre un groupe. Qui est un peu perdu.” Et arriver à lui faire briser la loi du silence.

10 % des élèves seraient victimes du harcèlement scolaire soit 70 élèves sur un collège de 700…

Jadis, le mot harcèlement était inconnu. Tout au plus, on évoquait des chamailleries, des enfantillages de cours d’école ; certains se souviennent de l’antique Petit Chose d’Alphonse Daudet. Le harcèlement scolaire apparaît, aujourd’hui, enfin, dans sa réalité crue : un fléau social qui pourrit la vie de centaines de milliers d’enfants. Et qui peut conduire au suicide.

Le harcèlement scolaire touche au moins 700 000 victimes par an. Elisabeth borne évoque un million de cas. On compte deux fois plus de harceleurs puisque c’est un phénomène de groupe. Au total, 10 % des élèves en seraient donc victimes, ce qui représente pas moins de 70 cas pour un collège de 700 élèves ! “Dans l’académie, comme dans les autres académies en France, ce sont les mêmes proportions. Le harcèlement, c’est une plaie pour les victimes”, confirme Laurence Riche-Dorlencourt. C’est elle, conseillère technique de la rectrice de Montpellier pour la vie scolaire et référente académique pour le harcèlement, qui supervise le programme pHARe.

Programme de prévention globale PHARe

Expérimenté en 2019 et généralisé dans l’académie en 2021, ce programme national concerne désormais tous les collèges et s’appuie sur un protocole de prise en charge, de prévention, et de sensibilisation. Les lycées l’ont intégré en cette rentrée. Tout repose sur le dévouement des personnels et des profs volontaires.Il y a aussi une “équipe-programme”. C’est-à-dire des personnels enseignants et d’éducation chargés de dispenser dix heures de sensibilisation auprès de tous les jeunes”, précise la référente académique.

Ce plan qui comprend aussi des élèves “ambassadeurs” décline toute une politique de prévention avec un réseau de 400 référents académiques et départementaux. Il dispose d’un numéro vert, le 3018 : “Quand on est un parent démuni, ce numéro permet de dire les choses et les signaler ; qui permet aux référents harcèlement de pouvoir entrer tout de suite en contact avec les familles”. Comme avec Pronote. “On peut ainsi faire de la convergence de signalements pour en partager traitement et prises en charge”, décrypte Laurence Riche-Dorlencourt.

“Dans l’académie, on résout une grande majorité des cas”

Ce dispositif prévoit la mise en place d’une équipe ressource de cinq adultes de la communauté éducative – profs CPE, assistants d’éducation, assistante sociale, infirmière… – dans chaque établissement du secondaire. L’équipe a pour mission d’intervenir aux prémices d’une alerte en s’appuyant sur “la méthode de la préoccupation partagée”, rappelle Laurence Riche-Dorlencourt. En clair, chaque harceleur supposé est reçu “avec un ton ferme”, confient deux CPE, celui d’une enquête qui ne dit pas son nom. Avec une approche qui vise à ne pas braquer le possible harceleur, y compris pour qu’il ne redouble pas de violence envers sa victime.

Le dispositif fonctionne plutôt bien, selon la référente académique de Montpellier, qui, pour être efficace doit être précédé d’un gros travail de sensibilisation et de prévention. Selon le ministère, 80 % des cas ont été résolus, en 2022, grâce à ce programme PHARe. “Dans l’académie, on résout une grande majorité des cas”, confie Laurence Riche Rorlencourt. Même s’il n’existe pas de recette miracle et que l’on demande beaucoup à l’Education nationale qui plus est avec des profs “volontaires“, il faut arriver à faire du “cousu main”, nous explique un prof. C’est, semble-t-il, le cas au collège Gérard-Philippe, en REP plus, à Montpellier, où il y a dix-sept personnes ressources autour du chef d’établissement ; il y a des élèves ambassadeurs ; tout un travail est fait avec les parents. On peut aussi évoquer le bon travail en la matière du collège Jules-Verne, à Nîmes.

Borne en appelle à la “mobilisation générale”

Le fléau est d’autant plus difficile à résorber qu’il manque des personnels médico-sociaux partout. La vraie détresse des élèves est partout ; le nombre de médecins scolaires a chuté de 20 % en dix ans (on en compte que 900 pour 12 millions d’élèves…) Avec 1,6 millions de jeunes souffrant d’un mal-être profond soulignait la Cour des comptes en mars. Ensuite, pour le suivi tant de la victime que de l’auteur présumé il faut une prise en charge et un suivi, sachant qu’il faut le plus souvent des mois pour obtenir un rendez-vous chez un psychologue…

Après le choc, l’électrochoc. La Première ministre, Elisabeth Borne en a appelé mercredi à “la mobilisation générale” (1). Car le nombre de signalements à venir risque de s’apparenter à un raz de marée, surtout si la parole se libère comme tous les acteurs le souhaitent. Ce plan interministériel avait été annoncé en juin à la suite de la mort de Lindsay, collégienne de 13 ans victime de harcèlement scolaire. Le second suicide attribué au harcèlement cette année, après celui de Lucas, 13 ans également, décédé en janvier.

Le courrier de la “honte” du rectorat de Versailles

À la rentrée de septembre, le suicide de Nicolas, 15 ans, a clairement focalisé les projecteurs médiatiques sur l’Education nationale : une dizaine de jours après le suicide de leur fils, ses parents ont révélé avoir reçu un courrier menaçant du rectorat de Versailles, au début de mai, alors qu’ils avaient déposé une plainte. Un courrier qui fait “honte“, avait tonné Gabriel Attal, avant qu’un second père de famille, toujours dans l’académie de Versailles, ne révèle avoir reçu lui aussi le même type de missive. Un audit-flash des rectorats Gabriel Attal avait révélé que l’académie de Versailles avait fait partir 120 courriers similaires à ceux reçus par ces familles, dont 55 “posent problème”.

Nous ne partons pas de zéro. Il y a eu des choses positives de faites depuis plusieurs années et ce plan va être renforcé”

Comment faire face à ce tsunami de signalements que tout le monde redoute ? “Il faut pouvoir arriver à mieux accueillir la parole des victimes et les les signalements encore. Là, on aura la possibilité de mieux identifier les situations ; de les prendre en charge et de mieux accompagner les victimes”, pose Laurence Riche-Dorlencourt. “Nous ne partons pas de zéro. Il y a eu des choses positives de faites depuis plusieurs années et ce plan va être renforcé. Pour le moment, nous avons des ressources. S’il faut en développer et s’il y a nécessité de renforcer des pôles, ce sera fait avec des associations agréées, de psychologues, par exemple.”

Laurence Riche-Dorlencourt, du rectorat de Montpellier, va plus loin : “Il faut aussi mieux comprendre le harcèlement. Et surtout derrière le harcèlement il y a souvent d’autres difficultés pour les élèves (…) Il n’y a peut-être pas partout les ressources locales pour appliquer ce plan – les territoires sont très différents – nous avons un pool de ressources pour épauler les établissements ; nous avons des services organisées avec des assistantes sociales ; infirmières et médecins scolaires. Et s’il faut faire appel à des partenariats supplémentaires, nous le ferons. Ce qui est déjà le cas avec le réseau de psychologues scolaires, les maisons des adolescents, etc. Et ce n’est pas qu’une question de personnel. On est tous engagés, parents compris ; tous les acteurs autour des enfants. C’est une mobilisation collective.”

“S’assurer que les ressources existantes sont bien activées, bien en place et totalement opérationnelles”

Même avec des partenariat et avec davantage de personnels, cela suffira-t-il, y compris pour assurer le suivi des victimes et des auteurs ? Car si on ne s’occupe pas de ces derniers, la prévention ne sert à rien. “Il faut déjà s’assurer que les ressources existantes sont bien activées, bien en place, et totalement opérationnelles, dit-elle. Elles le sont. Maintenant, si on a affaire à une déferlante, on travaillera à des solutions. Nous travaillons déjà avec le tissu associatif, le réseau des ados, les CMP… L’Education nationale de porte pas seule ce sujet du harcèlement scolaire.

“Travailler main dans la main” avec des parents d’enfants harceleurs

Laurence Riche-Dorlencourt pointe un fait essentiel : “On reconnait la place des victime et il faut que la peur change de camp.” Quels conseils donner aux parents d’un enfant harceleur qui a sans doute suffisamment d’émotions négatives en lui qui vont le déborder et le faire agir de cette façon-là ? “Les parents doivent prendre conscience que leurs enfants peuvent avoir un comportement inadapté, dangereux, illicites parfois. C’est sûr que c’est désagréable d’entendre cela mais qu’on leur fait confiance pour travailler main dans la main pour que leurs enfants ne s’installent dans dans ces pratiques. C’est aussi les protéger de leurs propres actes. Les parents ne peuvent pas tout voir.”

“La victime n’est pas responsable : c’est ça le changement de vision, le changement de paradigme”

La spécialiste poursuit : “Et quand on dit cet élève a du mal à s’insérer ; eh bien, ce n’est pas lui qui a du mal à s’insérer, ce sont les autres qui ne l’accueillent pas. Il n’y a pas de causes au harcèlement. Il y a des comportements de harcèlement. La victime n’est pas responsable : c’est ça le changement de vision, le changement de paradigme. Et on a trop tendance à justifier le harcèlement parce que l’on n’a pas la même couleur de peau ; parce que l’on a de bons résultats scolaires ou des difficultés.Tous les élèves peuvent avoir à un moment un comportement inapproprié. La question, c’est comment on s’accepte les uns avec les autres ; comment on est dans l’empathie.” En fait, on parle de harcèlement, “mais c’est toute la dimension du climat scolaire qui est à travailler de façon globale. PHARe est centrée sur le harcèlement mais cette démarche de prévention vise à assurer à tous les élèves, personnels un climat scolaire favorable à la réussite pour tout le monde”.

Olivier SCHLAMA

  • Thérapeute, Emmanuelle Piquet dans Le Monde explique : “Comment on reconnaît un enfant victime ? Par de mauvaises notes, brutalement.” Comment faire parler son enfant alors que celui-ci se renferme ? Et qu’il dit : “Ça va bien je gère…”. On peut lui dire décrypte la spécialiste : “J’ai l’impression que c’est difficile pour toi en ce moment ; je comprends que tu ne m’en parles pas ; saches que si tu m’en parles, je ne ferais rien sans ton accord. Ça doit libérer la parole. Il faut aussi prendre le temps de réfléchir à la situation pour bien comprendre le contexte ; que l’enfant nous raconte dans tous les détails qui sont les meneurs ; qui sont les suiveurs ; la fréquence des faits pour réfléchir avec lui comment il peut faire pour réagir à cela. Souvent, la victime est tétanisée et ça envoie un signe au harceleur que ça fonctionne. Il faut trouver avec lui une stratégie différente pour faire changer l’inconfort.”

“La communauté éducative livre un combat avec des fourchettes en plastique…”

Grégoire Ensel, président national de la FCPE, le dit : “Il n’y a aucun parent qui découvre avec plaisir que son enfant est un harceleur et il n’y a pas de portrait-type de harceleur” au collège.

Le président national de la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves) livre son sentiment sur le plan national de lutte contre le harcèlement : “Ce plan parle un peu de la détection mais on le sentiment que toutes les situations vont finir devant le procureur. Or, il faut quand même ne pas oublier qu’il y a des tas de solutions comme la méthode de la préoccupation partagée” (lire ci-dessus). Attention de ne pas donner l’idée que toute situation de harcèlement qui dégénère avec des enfants conduirait devant la justice. Il faut dire à l’enfant harceleur que ce qu’il fait n’est pas acceptable ; il doit être stoppé, voire sanctionné. On peut aussi lui demander de réparer tout de suite. L’école, c’est le lieu d’apprentissage des règles et du vivre-ensemble.”

Si, aujourd’hui, le harcèlement est devenu aussi important, c’est parce que on a aussi moins d’adultes dans les établissements”

Quand aux moyens nécessaires face à la déferlante de signalements possibles, il cingle : “C’est une blague. On est aujourd’hui à au moins 10 % de harceleurs. Et c’est totalement sous-estimé, ce que le ministre de l’Education nationale corrobore face à la hausse vertigineuse des cas. Au Danemark, malgré tous leurs efforts on en est à… 37 %. On a déjà supprimé le nombre d’adultes dans l’école devant les enfants. On a supprimé des milliers de postes d’enseignants, des milliers… Il n’y a plus assez de médecins scolaires ; ni de psys ou d’assistantes sociales.”

Grégoire Ensel, président national de la FCPE. Ph. Laurent Meyer.

Conclusion de Grégoire Ensel, “Tout ce qui est repérage, signaux faibles d’un enfant en mal-être ; qui se renferme alors qu’avant il allait très bien, a disparu. Si, aujourd’hui, le harcèlement est devenu aussi important, c’est parce que on a aussi moins d’adultes dans les établissements. Il y a un proverbe africain qui le résume bien : il faut tout un village pour éduquer un enfant. Or, il y a de moins en moins d’adultes dans le village” et après on s’étonne ce soit la loi de la jungle… La communauté éducative livre un combat avec des fourchettes en plastique…”

Avoir un enfant harceleur est un “tabou”

Avoir un enfant harceleur, est un “tabou“, poursuit Grégoire Ensel, président national de la FCPE. “Il n’y a aucun parent qui découvre avec plaisir que son enfant est un harceleur. On peut tout à fait avoir réussi l’éducation de son enfant et recevoir un appel un soir par le chef d’établissement vous expliquant que, malheureusement, votre enfant s’est livré à des actes de harcèlement. C’est un point important parce que l’on pourrait penser qu’être harceleur, cela arrive à la suite d’une série de fautes, de mauvais actes de votre enfant.” Et : “Demain, n’importe quel parent peut être appelé pour un acte de harcèlement ou pour un acte passif.” Il ajoute : “Le harcèlement scolaire est un délit puni par la loi ; la LGBT-phobie est un délit, pas une opinion. Comme la grossophobie ou l’homophobie. Il ne s’agit, en aucun cas, de cautionner les harceleurs comme j’ai pu le lire çà ou là.”

Mauvaise dynamique de groupe

Comment faire pour repérer que son gosse a un comportement déviant au collège ? “Impossible à savoir. L’enfant ne donne aucun signal. En plus, l’enfant harceleur doit s’en rendre compte et l’assumer ; le plus souvent il est pris dans un effet de meute. Il y a une règle connue qui dit que vous ne feriez jamais seul ce que vous faites en groupe. Car on peut être pris dans une mauvaise dynamique de groupe. On le découvre trop tard”, note-t-il.

Y a-t-il quand même un enjeu d’éducation ? “Les sociologues vous le diront : il n’y a pas d’archétype, de portrait-type de harceleur. La classe sociale, l’âge ou le sexe ne comptent pas. Souvent l’enfant harceleur a lui-même été harcelé. Et, inconsciemment ou pas, prend une revanche. C’est plus complexe que de croire que si le gamin est méchant, il suffit d’une punition”, affirme Grégoire Ensel.

Portable, éducation à l’empathie…

Quant au téléphone portable qui peut être central avec les réseaux sociaux, Grégoire Ensel assure que “la bon conseil qui marche bien c’est, pour les parents, récupérer le portable de son enfant au moment du coucher. Comme cela, on est sûr qu’il ne fait pas d’écran la nuit” et d’être sûr que ce moment-là, il n’y pas de sollicitations. S’agissant de l’éducation à l’empathie, le président national de la FCPE juge que “c’est à tout le monde d’y prendre sa part. Que ce soit l’Education nationale qui lance cela, pourquoi pas si ça porte ses fruits. Mais si on veut que ça porte ses fruits il va falloir dix ou douze ans.”

Propos recueillis par Olivier SCHLAMA

Les annonces du gouvernement

La première ministre, Elisabeth Borne, a sonné mercredi la “mobilisation générale” pour mener “une lutte implacable” contre le harcèlement scolaire. “Vous n’êtes pas seuls”, a-t-elle lancé à l’adresse des élèves harcelés.
– Saisine systématique du procureur de la République en cas de signalement de harcèlement, “notamment grâce à une plateforme dédiée entre l’éducation nationale et la justice”.
– Le 3018, numéro d’aide d’urgence actuellement attribué au cyberharcèlement devient le numéro unique de signalement, accompagné d’une application, en remplacement des deux numéros actuels (le 3020 étant réservé aux familles et victimes).
Ce plan prévoit la formation de tous les acteurs de la communauté éducative d’ici la fin du quinquennat à la lutte contre le harcèlement. Plus globalement tous les adultes intervenant auprès de mineurs, par exemple dans le sport ou en colonies de vacances, devraient se voir délivrer une formation sur ce sujet.
Elisabeth Borne a également confirmé vouloir “développer la confiscation des téléphones, et permettre d’exclure les élèves harceleurs des réseaux sociaux”, sans donner plus de détails, et renvoyant aux “dispositions actuellement débattues au Parlement, dans le cadre du projet de loi pour réguler et sécuriser l’espace numérique”.
– Enfin, le ministre de l’éducation, Gabriel Attal, a, lui, annoncé la mise en place de “cours d’empathie inscrits dans le cursus” scolaire, comme au Danemark, qui seront généralisés à l’école à partir de la rentrée 2024.

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