La hausse des températures a des conséquences “qui pourraient être dévastatrices”, s’alarme le tout récent rapport du Réseau action climat, établi région par région. La nôtre est particulièrement exposée à toutes les avanies climatiques.
Les peine-à-jouir râleront en ces temps d’automne quelque peu classiquement mouillé. Mais la réalité est bien établie : dans toutes les régions, on constate une France meurtrie par la crise climatique. Par la multiplication des sécheresses et de ses conséquences, comme l’indique le tout récent rapport des experts du Réseau action climat qui réunit 27 associations. Et comme toutes les régions de France, l’Occitanie a connu une hausse significative de la température moyenne au cours des dernières décennies. Mais ici ce réchauffement n’est pas rien, estimé qu’il est à + 1,8 °C entre le début du XXe siècle et la période 2001-2020, dont +1,4 °C depuis 1950-1970. Pire : “Chacune des quatre dernières décennies a été plus chaude que la précédente, avec environ + 0,4 °C par décennie depuis les années 1980” : c’est la conclusion du Réseau action climat.
“Triplement de la surface moyenne concernée par la sécheresse depuis 1960”
Qui va plus loin : si tout reste en l’état, “on peut s’attendre à un réchauffement de + 1 °C supplémentaire (par rapport à 2001-2020) d’ici 2050, et de + 1,4 °C d’ici la fin du siècle” et jusqu’à +3,8 °C de plus d’ici 2100. Conséquence de cette catastrophe annoncée ?
Augmentation du nombre et de l’intensité des sécheresses qui accélèrent l’évapotranspiration, réduisant l’humidité des sols. Combiné à d’autres facteurs comme l’artificialisation des sols, la baisse de l’enneigement qui diminue, elle, l’apport d’eau dans les rivières, alors que son recours s’intensifie dans l’agriculture… Tout cela donne un “risque élevé de sécheresse”. Les premiers effets ont même été mesurés : “On a ainsi observé, dit le rapport, un triplement de la surface moyenne concernée par la sécheresse depuis 1960. Le nombre de jours secs devrait encore augmenter de 25 % si les émissions suivent leur trajectoire actuelle, et jusqu’à 50 % selon le scénario le plus pessimiste.” Rien ne va plus.
“L’Ariège devrait subir une baisse de 20 % de ses débits annuels”
Et de détailler : (…) “Certaines rivières pourraient ainsi devenir intermittentes. L’Ariège devrait subir une baisse de 20 % de ses débits annuels d’ici le milieu du siècle (par rapport à 1985-1995)”, s’alarme le Réseau. Dis-Leur vous en avez déjà parlé ICI dans un dossier récent sur l’Ariège le pourtant château d’eau des Pyrénées. Ce risque de sécheresse aura de fortes conséquences sur les usages de l’eau, en particulier durant la période estivale. Le Réseau d’expertise sur les changements climatiques en Occitanie (Reco) alerte, lui, parallèlement, sur la question de l’accès à l’eau : “L’eau est la première ressource concernée par le dérèglement climatique avec tous les indicateurs au rouge.”
Dans cette marmite de mauvaises nouvelles, s’enhardissent les conflits liés à la ressource. La guerre de l’eau fourbit ses armes. “Or, dans certains cas la demande en eau pourrait augmenter du fait {justement} du changement climatique. Par exemple, dans le secteur du canal de Gignac sur le bassin versant de l’Hérault, la demande en eau pour l’irrigation agricole pourrait augmenter de 11 à 48 %. La gestion de l’eau et notamment les usages agricoles devront être repensés pour s’adapter aux nouvelles conditions climatiques.”
“Pour l’Occitanie, 1er région viticole et 2e en grandes cultures céréalières, les conséquences pourraient être dévastatrices”
L’agriculture, qui occupe plus de la moitié des sols de la région, est particulièrement affectée par ces impacts. Au-delà des contraintes hydriques, les températures élevées perturbent la croissance des végétaux, les épisodes météorologiques extrêmes ou les épisodes de gel tardif détruisent des récoltes, l’érosion détruit des terres cultivables, les calendriers de récolte sont perturbés…
“Pour l’Occitanie, première région viticole et deuxième en grandes cultures céréalières, les conséquences pourraient être dévastatrices.” Le secteur de la viticulture subit des baisses de rendements, des modifications des caractéristiques du vin (par exemple le taux d’alcool a augmenté, de 11 à 14 degrés depuis les années 1980), ou encore des pertes de récoltes dues aux événements météorologiques extrêmes. L’élevage est également impacté, notamment par le stress thermique affectant les animaux et les déficits de fourrages dus à l’augmentation des températures.
“68 % du territoire concerné par le risque de retrait-gonflement des argiles”
Les sécheresses entraînent d’autres conséquences indirectes, dont le phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA), particulièrement marqué en Occitanie : “68 % du territoire est concerné par ce risque, soit 63,2 millions d’habitants exposés dont 1,2 millions en zone d’aléa fort. Sur les événements passés, la région représente 27 % du coût national des dommages liés au RGA, avec une explosion ces dernières années : dans le Gard, le nombre de sinistres de RGA reconnus dans le département a augmenté de 1000 % depuis le début du siècle. Alors que les sécheresses sont en augmentation et que le parc immobilier continue de s’étendre, les coûts pourraient s’envoler au cours du siècle.”
“Augmentation en fréquence et en intensité des événements météorologiques extrêmes”
Le secteur de l’énergie devra lui aussi s’adapter à ce climat plus sec. Aujourd’hui, l’hydroélectricité est la première source d’énergie d’Occitanie avec 32,7 % de la
production électrique de la région. Mais le déficit en eau que connaîtra la région dans les prochaines décennies oblige à repenser le mix énergétique de la région.
Ce n’est pas tout, ont expertisé ces spécialistes : autre conséquence du changement climatique : “L’augmentation en fréquence et en intensité des événements météorologiques extrêmes.” Les vagues de chaleur, pluies intenses et sécheresse pourraient ainsi se multiplier dans les années à venir, provoquant de nombreuses répercussions : inondations, glissements de terrain, pertes agricoles…
Trois des quatre départements les plus touchés par les inondations, tempêtes et sinistres sécheresse entre 1989 et 2018 sont en Occitanie
Alors que la région est déjà la plus impactée par les sinistres climatiques : dans l’Hexagone, trois des quatre départements les plus touchés par les inondations, tempêtes et sinistres sécheresse entre 1989 et 2018 sont situés en Occitanie (le Tarn-et-Garonne, l’Aude et le Tarn). La hausse des températures devrait notamment provoquer une augmentation de l’intensité des épisodes méditerranéens (dont les épisodes cévenols), ces phénomènes de pluie causés par la rencontre de masses d’air chaud provenant de la Méditerranée et de masses d’air froid situées en altitude.
Lors de tels épisodes, l’équivalent de semaines de précipitation peut tomber en quelques heures et provoquer d’importantes inondations et des glissements de terrain. De manière plus globale, 2,5 millions d’habitants sont exposés aux inondations en Occitanie, un risque exacerbé par l’artificialisation des sols, en forte augmentation dans la région.
Les canicules de plus en plus fréquentes
Les canicules sont, elles aussi, de plus en plus fréquentes et intenses : sur les 32 vagues de chaleur enregistrées dans la région depuis 1950, 28 ont eu lieu entre 2001 et 2023. Un été comme celui de 2019, considéré comme un été exceptionnellement chaud avec notamment le record national de chaleur de 46 °C enregistré à Vérargues (Hérault), sera banal en fin de siècle.
En effet, en 1980-2100, neuf étés sur dix connaîtront des températures similaires, et les canicules exceptionnelles de cette période seront environ 3,5 °C plus chaudes que celle de 2019. Les territoires urbains, qui regroupent 74 % de la population régionale, sont les plus impactés par ces épisodes.
La viabilité des stations de ski en question
À Toulouse, le nombre de jours de forte chaleur (c’est-à-dire avec une température maximale dépassant les 30 °C) a doublé depuis les années 1950, et devrait être encore deux à quatre fois plus élevé d’ici la fin du siècle selon le scénario d’émissions. Dans le même temps, le nombre de nuits tropicales (avec une température minimale de 20 °C) a triplé à Nîmes, passant de 8 à 24 jours par an. Il pourrait atteindre 60 jours par an d’ici la fin du siècle si les émissions poursuivent leur trajectoire actuelle et 100 dans le scénario le plus pessimiste.
Comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI, de nombreuses stations de ski dans la région sont confrontées à la question de la viabilité de leur modèle économique, alors que le nombre de jours skiables est en chute libre. Selon une étude du WWF, si le réchauffement atteint +2 °C à l’échelle mondiale, l’enneigement naturel ne serait suffisant que pour 3 stations de ski dans l’ensemble du massif des Pyrénées.
Risques de feux : jusqu’à 45 jours dans l’Aude, le Gard, l’Hérault
Le risque de feux de forêts est aussi en augmentation : “selon Météo France, le nombre de jours à risque passera de 30 à 45 jours dans l’Aude, le Gard, et l’Hérault et des Pyrénées-Orientales. Les surfaces brûlées devraient augmenter de 54,5 % dans la région selon le scénario d’émissions intermédiaires.” Les zones humides, essentielles pour leurs fonctions écologiques (stockage de l’eau, faune, flore, stockage de carbone…) sont elles aussi menacées par la hausse des températures, qui vient ajouter une pression supplémentaire à ces milieux fortement dégradés par l’urbanisation.
Enfin, les zones littorales et marines ne sont pas épargnées : l’érosion et la montée des eaux les menacent de plus en plus ; les mers subissent de plus en plus de vagues de chaleur marines : “14 se sont produites entre 2008 et 2017 contre seulement 2 entre 1982 et 1991, avec des conséquences très graves pour les écosystèmes marins.”
Écosystèmes très perturbés
Dans tous ces milieux, les conséquences du changement climatique entraînent une perturbation importante des écosystèmes. “La biodiversité en Occitanie est particulièrement riche, avec de nombreuses espèces uniques en France (bouquetin ibérique, ours brun…) voire endémiques (desmans des Pyrénées, ophrys de l’Aveyron…)” Le réchauffement provoque, entre autres, “une modification des aires de distribution des espèces contraintes de migrer vers le Nord ou en altitude, ce qui n’est pas toujours possible, en particulier pour les espèces montagnardes. De manière générale, les cycles biologiques des espèces sont perturbés, avec toujours des répercussions sur les différents écosystèmes ainsi que sur les activités humaines”.
“Répercussions sur la santé mentale…”
Enfin, tout cela peut avoir “des répercussions sur la santé mentale, du stress post-traumatique” causé par les catastrophes naturelles à l’anxiété générée chez les populations concernées. On ne parle pas des “paysages en danger” : “LOccitanie regroupe des paysages très variés dont deux massifs montagneux majeurs, puisqu’il comprend la plus grande partie des Pyrénées et une partie du Massif Central. Pour ces deux massifs, l’enneigement a déjà diminué de manière très significative depuis les années 1980, encore plus que dans les Alpes.” Et : (…) “Comme dans les Alpes, les glaciers sont tous menacés de disparition, dont certains à moyen voire à court terme. C’est le cas du glacier d’Ossoue (Hautes-Pyrénées), qui a perdu 80 m d’épaisseur et 64 % de sa surface entre 1924 et 2019. Une fonte encore en accélération, en témoigne l’année 2022 record avec une perte de 4,5 m d’épaisseur.”
Olivier SCHLAMA
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Ces épisodes météorologiques extrêmes ne sont pas sans risque pour la santé, à commencer par le danger direct qu’ils font courir aux habitants ainsi que la surmortalité en lien avec les fortes chaleurs. Les canicules peuvent, en outre, entraîner des phénomènes de déshydratation, des coups de chaleur et une aggravation de certaines maladies chroniques. Les personnes âgées et les jeunes enfants sont les plus exposés, mais les facteurs sociaux entrent également en jeu, notamment à travers l’isolation des logements ou l’exposition à la pollution de l’air, exacerbée pendant les pics de chaleur. Les maladies infectieuses comme la dengue sont par ailleurs en augmentation en raison de la propagation d’animaux pouvant les transmettre, en particulier le moustique tigre, désormais présent dans toute l’Occitanie.
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