Économie : L’Ariège veut transformer ses huit stations de ski en “stations de montagne”

Alain Naudy, président de la communauté de communes de Haute-Ariège. Ph. Olivier SCHLAMA

D’ici un an, huit stations, considérées comme indispensables à l’économie locale, seront réunies dans un syndicat unique pour pouvoir mener à bien les investissements nécessaires vers une transition quatre saisons. Le tour de table d’un plan de 78 M€ a été bouclé entre les différentes collectivités et la Région Occitanie. C’est ce qu’explique Alain Naudy, vice-président du département et président de la communauté de communes de Haute-Ariège.

“Il y a un an, le ciel était sombre ; aujourd’hui, on aperçoit un coin de ciel bleu…” Si Alain Naudy file la métaphore, c’est qu’il est heureux du dénouement qui a mis plusieurs mois à aboutir avec ses partenaires pour sauver ces huit stations de ski Ariégeoises que le territoire veut transformer en “stations de montagne”, intégrant des activités sur les quatre saisons. C’est un peu sur le modèle de Trio, syndicat dont le département des Pyrénées-Orientales est le premier actionnaire, un mariage inédit imaginé entre trois stations des Pyrénées-Catalanes, dont Dis-Leur vous a parlé ICI. Une recommandation récurrente de la Chambre régionale et la Cour des Comptes, qui pointait une “gouvernance à revoir”, qui est désormais satisfaite dans les P.-O. et demain en Ariège, donc.

L’exemple de Trio dans les Pyrénées-Orientales

Alain Naudy, président de la communauté de communes de Haute-Ariège devant le bâtiment principal du Plateau de Beille, où va passer le Tour de France. Photo : Olivier SCHLAMA

Réunies depuis un an dans une Société publique locale Trio – une première -, Cambre d’Aze, Formiguères et Porte-Puymorens ouvrent à partir de ce samedi avec le sourire. Face à l’enneigement capricieux l’hiver, s’engager dans le “quatre saisons” suscite l’espoir. Hermeline Malherbe, présidente du département, principal actionnaire de Trio, est d’un enthousiasme prudent, comme le directeur, Eric Charre. La chambre régionale des comptes rappelle que le modèle est “fragile” et qu’il faut réfléchir à l’échelle du territoire. De quoi poser la question de l’avenir de Puyvalador et Puigmal qui ont fermé, faute de rentabilité. Une chambre régionale des comptes qui donne des sueurs froides aux exploitants de stations de ski, notamment celles des Pyrénées, comme nous vous l’avions expliqué ICI.

Si on ne peut pas financer ces déficits-là, c’est que l’on n’a rien compris…”

Alors, oui, le réchauffement climatique est aussi, en Ariège, un problème économique essentiel. Certaines stations ariégoises ont dû fermer durant plusieurs semaines cet hiver par manque de neige. Presque toutes sont déficitaires. “Chez moi, dans ma communauté de communes, les stations c’est 780 000 € de déficit en moyenne. Pour un budget tout confondu de 31 M€. Seule Ax sera peut-être à l’équilibre cette année”, relativise Alain Naudy, vice-président du département et président de la communauté de communes de Haute-Ariège. “Si on ne peut pas financer ces déficits-là, c’est que l’on n’a rien compris…” Tous les acteurs politiques s’accordent sur le fait que, pour l’instant, on n’a encore rien trouvé de mieux pour y maintenir de l’emploi et faire vivre ces vallées. Pour le Syndicat de la Haute-Ariège, cela représente 115 emplois auxquels il convient d’ajouter 150 emplois à Ax-3-Domaines.

70 M€ de retombées économiques

Ph. Stephane Meurisse ADT de l’Ariège, Plateau de Beille.

Ces huit stations de l’Ariège engendreraient, ensemble, sur les territoires concernés, quelque 70 M€ de retombées économiques annuelles, selon Alain Naudy. Mais on pourrait mutualiser certains coûts. Et investir pour l’avenir. Car, pour l’instant, leur gestion est éparse : ici, une SEM ; là, une commune ou une communauté de communes. Ça avait besoin de davantage de cohérence, de cohésion et d’une gouvernance plus efficace et centralisée qui fasse poids politique. C’est le chemin entrepris ensemble par ces territoires, comme l’explique Alain Naudy.

Nous voulons faire de toutes les stations, des stations de montagne. Ce n’est plus le tout-ski mais sans le ski, tout est fini…”

Vice-président du département et président de la communauté de communes de Haute-Ariège, il dit : “Nos stations sont très hétéroclites. Quand tout va bien et que la neige est au rendez-vous, la station-phare, Ax-3-Domaines, réalise entre 8 M€ et 10 M€ de chiffre d’affaires ; Guzet, c’est autour de 1,7 M€ ; les Mont d’Olmes, 1,5 M€ ; Le Plateau de Beille autour de 1 M€ ; les autres, ce sont 400 000 €, 500 000 € jusqu’au Chioula qui fait 250 000 à 300 000 € de recettes. Quand la Région Occitanie a créé la Compagnie des Pyrénées, il y a quelques années, elle s’est positionnée. Et comme elle ne pouvait pas aider toutes les stations, elle en a avait ciblé sept ou huit, les plus importantes sur la chaîne, dont Ax-3-Domaines, Cauterets…”

“On n’est plus dans le tout-ski mais sans le ski, tout est fini…”

Guzet, Ph. Stephane Meurisse, ADT09

Alain Naudy poursuit : “Dans notre territoire, seule la station d’Ax aurait été aidée – en apport de capital et non plus en subvention… On ne voulait pas laisser tomber les autres. Car nous voulons faire de toutes les stations, des stations de montagne. On n’est plus dans le tout-ski mais sans le ski, tout est fini… On va continuer à développer là où l’on peut ; à créer des remontées mécaniques. Et là où ce n’a pas trop d’avenir, on diversifie au maximum, comme à Beille avec des balades avec des chiens de traineaux, des locations de raquettes, etc. Ou proposer des activités qui peuvent se dérouler en hiver comme en été.”

“Toute cette économie induite est indispensable aux vallées”

Alain Naudy explique : “Cela veut dire que, quand dans une station où il y a du VTT, si on change une télécabine, il faut qu’elle soit adaptée pour porter les vélos. On est allé voir Carole Delga et on lui a dit : “Ça ne va pas ; on n’est pas dans ce schéma-là d’aider que les grosses stations. On voudrait que toutes le soient. On ne veut pas laisser tomber nos stations. Nous avions fait une étude du temps de l’ancien président du département, Henri Neyrou, en 2017-2018, dont il ressortait que pour 1 € de chiffre d’affaires, il y a sur Guzet 7,30 € de retombées dans les vallées et sur Ax, 8,10 €… La Chambre régionale des comptes qui est venue nous voir au Goulier remet en cause ces retombées mais elle a tort. Prenons la station de Saint-Girons, si elle disparaissait est-ce que la station-service resterait là ? Est-ce que les écoles du coin auraient autant d’élèves ? Les commerces fonctionneraient-ils autant…? Toute cette économie induite est indispensable aux vallées et nous avons été entendus par la CRC. On s’appuie, d’ailleurs, sur les dispositions récentes de la Loi Montagne validées par la Cour des comptes.”

78 M€ d’investissement prévus sur 15 ans

Chioula, Ph. Charles Ripon, ADT09

Alain Naudy explique qu’ainsi armé, “on pourra, c’est la conclusion de notre étude, investir 78 M€ sur 15 ans, dont 45 M€ pour Ax. Qui peut le faire alors que nos stations ne sont pas à l’équilibre ? On a imaginé un financement à parité (aujourd’hui, la plupart de nos stations – hormis les cinq stations de ma communauté de communes – sont gérées par une société d’économie mixte, la Savasem). L’esprit, c’est en effet le même que Trio dans les P.-O. : se regrouper pour être plus forts. On est entendus différemment. Avec la Région, on a bataillé ; on début on en était à 68 M€ d’investissement ; il faut, par exemple, refaire l’hébergement touristique d’Ascou pour 6 M€ ou 7 M€ sinon cette station on la ferme.”

“On est en train de définir les priorités en matière d’investissement”

Il faudra auparavant recapitaliser le futur opérateur, la Savasem ou un autre à choisir, à hauteur de 20 M€, dont 10 M€ pour les collectivités du territoire (4 M€ du département – qui engageait déjà 2 M€ – et 6 M€ pour les autres collectivités) et 10 M€ des partenaires (dont 4 M€ de la région Occitanie, 3 M€ de la Banque des territoires et 3M€ apportés par la Compagnie des Pyrénées). “On est en train de définir les priorités en matière d’investissement. On sait par exemple déjà à Ax qu’il faudra sans doute remplacer le télécabine six places Bonascre-Le Saquet qui date de 1987. Mais c’est le futur syndicat qui sera le seul opérateur qui définira les priorités en fonction des sites.”

“On continuera à combler les déficits en faisant en sorte qu’il y en ait de moins en moins”

Plateau de Beille, Ph. Aude Caballero, ADT09

Quant à l’opérateur futur – d’ici un an environ – cela pourrait être la Savacem mais peut-être une autre entité que l’on connaîtra après la mise en concurrence du marché. À ce moment-là, “on donnera les moyens à cet opérateur pour investir. Quatre stations seront ainsi gérées en affermo-concessions : Ax, Guzet, les Monts d’Olmes mais aussi Beille. Cette dernière réalise déjà presque 900 000 € de chiffre d’affaires et c’est certainement l’endroit où le concept de diversification s’applique le mieux. On continuera là avec du bien-être peut-être un jour, mais déjà ça marche bien. Les autres stations – Ascou, Mijanès, Oulier, Chioula, Étang de Lers – seront gérées en régie et on continuera à combler les déficits en faisant en sorte qu’il y en ait de moins en moins.  Le jour où la neige abandonne ces stations, on en tirera des conclusions…” 

Olivier SCHLAMA

  • Quant à la station de Beille, où un incendie avait ravagé les bâtiments, “on a redémarré la reconstruction qui devrait être livré en décembre prochain. On aura peut-être le toit posé pour le passage du Tour de France !”

Des pistes pour Ax-3-Domaines

Le rapport de la chambre régionale des comptes rappelle que “des orientations tels que le thermalisme, l’aménagement urbain, la montée en gamme des lits touristiques, l’offre de restauration estivale prochaine, et l’animation dynamique par la régie culture municipale Ax anim sont envisagées pour soutenir l’attractivité de la station. En particulier, l’échéance de délégation de service public en 2026 pourrait ouvrir de nouvelles opportunités de gestion pour renforcer le plan d’actions, notamment dans le domaine du thermalisme susceptible de générer des recettes complémentaires.”

“Bulle de fraîcheur” à 2 000 mètres

Et de compléter : “Concernant le tourisme quatre saisons, un schéma directeur a été établi pour un espace ludique et sportif qui correspond à un investissement total de 2,6 M€. Il n’a pas été suivi d’effet à ce jour, la commune ne pouvant assurer seule l’ensemble des financements. Le délégataire quant à lui s’est investi en 2023 dans le champ des activités estivales à travers une offre “bulle de fraîcheur” à 2 000 mètres. Le schéma directeur quatre saisons a également pris en compte l’objectif d’envisager la transition du “produit ski” à des activités de montagne non pas à l’échelle de la seule station mais dans une approche intégrée entre les différentes stations notamment celles voisines du département.”

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