Ariège : Au festival MIMA, les marionnettes se mettent en “FolieS” !

Inauguration de 2022. Festival de marionnettes Mima de Mirepoix, en Ariège. DR.

“C’est l’endroit du subversif !” Permettant d’exprimer à l’origine ce qui était tabou, elles ont été inventées il y a plus de 4 000 ans en Asie. Quarante-six compagnies animent, du 3 au 6 août, le deuxième festival de marionnettes le plus couru de France qui rend compte du monde d’aujourd’hui. Pour sa 35e édition, le thème de la folie est le fil rouge du festival MIMA enrichi de concerts, débats, ateliers, marché de créateurs…

La marionnette, c’est un peu de chacun de nous et depuis longtemps. C’est un art et un moyen d’expression particulièrement efficaces. Voire privilégié dans certains pays comme ceux du Moyen-Orient, où la liberté d’expression est bridée. C’est un viatique pour les opprimés ; le théâtre de marionnettes c’est, aussi, à notre époque, en Occident, une façon de mettre en exergue les combats sociaux et sociétaux, comme la folie, thème de cette 35e édition du MIMA, à Mirepoix. D’où son sous-titre : FolieS.

La marionnette n’a jamais disparu, elle mute ! Elle vit une petite révolution. C’est l’endroit du subversif”

Caroline Galmot. La directrice du MIMA, en 2021 Jeudi Inauguration.

Principalement installé à Mirepoix, le festival MIMA s’opère dans plusieurs lieux emblématiques : une ancienne gare aménagée, différents lieux de la ville, associatifs notamment, transformés pour l’occasion, en castelet géant : avec gradins, projecteurs et scène. Pour en faire un théâtre provisoire. Il y a aussi des lieux dehors. “Nous scénographions aussi la place centrale qui est aussi un lieu de fête, avec des DJ le soir, par exemple”, précise Caroline Galmot. La directrice du MIMA ajoute, sur le fond : “La marionnette n’a jamais disparu, elle mute ! Elle vit une petite révolution. C’est l’endroit du subversif. Elle a permis longtemps de dire des choses taboues. Dans certains pays, on fait appel à la marionnette pour exprimer des besoins, des droits sociaux, d’expression… C’est un porte-parole de l’homme. Ce qui nous intéresse au MIMA c’est comment cette discipline rend compte du monde d’aujourd’hui.

“Le hors-normes, le handicap, les personnes dites folles”

Sensible, de Maxime Guérin, au Mima de Mirepoix, en Ariège. DR

Dans ce cadre-là, “le hors-normes, le handicap, les personnes dites folles est mise en plateau ; les metteurs en scène s’en emparent et questionne le regard de la société… C’est un médium très ouvert, la marionnette”. Il permet de faire passerelle. “Cela ne nous empêche pas de nous questionner sur notre rapport au vivant, la relation homme-femme dans ses difficultés. On programme ainsi un spectacle sur les nouvelles masculinités qu’avec des hommes en plateau.”

Caroline Galmot, directrice de ce festival MIMA (pour Mirepoix-Marionnettes) de “la marionnette actuelle” à Mirepoix et Lavelanet rappelle que l’événement aimante quelque 30 000 personnes dont 15 000 spectateurs à chaque édition. Durant quatre jours, du 3 au 6 août, quarante-six compagnies animeront ce qui est devenu le premier événement culturel du département de l’Ariège avec 116 représentations, avec dix créations dont trois premières.

Une réflexion sur la place et l’image que l’on se fait des personnes que l’on dit “folles”

Pouvoir de Céline Chariot. Festival de marionnettes Mima de Mirepoix, en Ariège. DR.

La programmation est très éclectique (lire ci-dessous). On y trouve, entre autres, sur le thème de la folie, Juste une Mise au Point, de et avec Lucie Hanoy (Big Up compagnie), une réflexion sur la place et l’image que l’on se fait des personnes que l’on dit “folles” dans notre société ; Hamlet Mania (compagnie la Pendue) autour de la figure toute shakespearienne du fou : “Prisonnier d’un temps profondément disloqué, prince Hamlet, fils du roi assassiné, transgresse le jeu sociétal imposé en incarnant la figure du fou de cette tragique histoire”… Il y aussi Pouvoir. On trouve également dans ce festival des concerts, des expos, des ateliers, un marché de créateurs…

On y trouve une nouvelle génération, entre vingt et trente ans, qui alimente cet engouement pour la marionnette actuelle”

Vingt-six compagnies dans le “off” et vingt pour le “in” auxquelles s’ajoutent des concerts, des expos, ateliers. Un marché des créateurs. Des familles. Des jeunes. Des grands-parents. Caroline Galmot dit : “Le public est très diversifié. Ouvert. Avec environ un tiers d’Ariégeois, un tiers d’Occitanie et 50 % du reste de la France. On y trouve une nouvelle génération, entre vingt ans et trente ans, qui alimente cet engouement pour la marionnette actuelle. Des Espagnols qui en sont friands, comme des Britanniques, y viennent volontiers. Il y a aussi des festivaliers réguliers qui reviennent avec leurs enfants. Quand le festival a été créé, en 1988, il a tout de suite connu un engouement parce qu’un festival de marionnettes, c’était singulier, à l’époque. Et il y avait très peu d’événements de ce type en France. Certes, il y avait celui de Charlevilles-Mézières (Ardennes), créé en 1969, mais il ne se tenait à l’époque que tous les trois ans.”

“Cela a correspondu à un besoin”

Festival de marionnettes Mima de Mirepoix, en Ariège. Le OFF en 2022. DR.

Le déclic a eu lieu comment ? L’écosytème était favorable et les volontés étaient au rendez-vous. “À Mirepoix, s’était implantée la compagnie de marionnettes d’une artiste, Annie Point ; et puis une autre, Hélène Le Roux. Enfin, la municipalité qui se posait la question de savoir ce qui serait intéressant de créer pour cette ville d’assez attractif et original. Il y avait déjà un réseau, des compagnies qui avaient peu de visibilité, ça a marché tout de suite. Cela a correspondu à un besoin“, pointe Caroline Galmot.

Le festival s’est étoffé comme cette profession qui bénéficie d’une école, à Charleville-Mézières, et d’une reconnaissance de l’Etat depuis six ans. La directrice du festival abonde : “Ça y est, on existe officiellement ! La marionnette est reconnue comme un art majeur par le ministère de la Culture depuis 2017. Il y a tout un écosystème qui se met en place sur la formation, la création, la production de spectacles. MIMA en rend compte, y compris en ce qui concerne les nouvelles tendances. Et le festival peut même contribuer à l’émergence de nouvelles tendances.” Lesquelles ?

“Le terme marionnette est pris au sens très large : il n’y a plus, seule, la figure, le pantin”

Juste une Mise au Point, de Virginie Meigné. Festival de marionnettes Mima de Mirepoix, en Ariège. DR.

La marionnette se modernise. Ce n’est pas qu’un spectacle avec un pantin. “Il y a eu un croisement avec d’autres disciplines, comme le cirque, depuis une dizaine d’années ; le corps du marionnettistes est vraiment sorti du castelet {l’élément du décor du théâtre de marionnettes, Ndlr} ; il est en plateau, pleinement visible. Il joue vraiment sa part.”

Et : “Le terme marionnette est pris au sens très large : il n’y a plus, seule, la figure, le pantin. On est vraiment autour de la matière, de la manipulation d’objets… En fait, dès lors qu’il y a un objet autre que le corps humain en plateau, on peut parler d’art de la marionnette. Avec l’idée de la manipulation, aussi, qui peut être indirect : on peut faire référence à la robotique, aux automates, etc. À la manipulation à distance. Cela oscille entre les installations plastiques, le théâtre, la danse, le mouvement… La palette est très large. Mais au centre du plateau, il y a toujours la marionnette.”

Guignol, Pinocchio, Polichinelle, Klee, Bébête Show…

Et puis sans doute que ce festival réactive le fil rouge de nos enfances et de notre inconscient collectif. La marionnette apparaît il y a plus de 4 000 ans, en Asie ; on a trace partout dans le monde, de ces pantins universels : dans l’Antiquité, à Rome… On se souvient tous de Guignol, Pinocchio, Polichinelle et, plus près de chez nous, de Paul Klee ou de Fernand Léger, sans oublier à la TV le Muppet Show, le Bébête Show, en France, qui oeuvrait à la satire de la politique française. On se souvient aussi des Sentinelles de l’Air, une série télé originale de science fiction britannique…

Festival de marionnettes Mima de Mirepoix, en Ariège. DR.

Le MIMA dispose d’un budget de 500 000 €, dont 250 000 € pour le festival lui-même. Les 250 000 € restants servent à financer une saison culturelle d’octobre à juin avec des actions culturelles et des artistes en résidence. A payer cinq permanents. C’est aussi une centaine de bénévoles. La région Occitanie, le département de l’Ariège, la communauté de communes ou la municipalité y vont de leur écot.

“L’espoir toujours d’un monde plus juste, un monde solidaire, un monde de tolérance et de justice”

Carole Delga, présidente de la région Occitanie, le justifie : “Représentations, ateliers, de rencontres, expositions, spectacles qui s’égrènent sur le territoire et notamment dans les villages alentours, répond pleinement à la stratégie culturelle de la Région Occitanie : la culture pour tous et partout. De plus, MIMA joue un rôle de catalyseur en soutenant les nouvelles créations et en accompagnant des jeunes compagnies. Au total, cette année dans le “in”, dix créations 2023 dont trois premières. Cette année le thème du festival est Folies et interroge sur la norme au fil de ses 46 spectacles dans cet espoir toujours d’un monde plus juste, un monde solidaire, un monde de tolérance et de justice.”

“La marionnette, formidable médium”

Quant à Christine Téqui, “la marionnette, aussi singulière que protéiforme, est un formidable médium pour explorer cette thématique. Preuve en est cette année avec certains spectacles comme par exemple Juste une Mise au Point de Lucie Hanoy, qui pose la question de la place et de la représentation des personnes dites “folles” dans nos sociétés ; avec Romuald Collinet de la compagnie La Pendue qui dans Hamlet Mania nous fait vivre une figure du Fou happé par le désir de vengeance ; ou encore avec Pouvoir, dernier opus des truculents belges Une Tribu Collectif où il est question de manipulation en tout genre et de folle dérive autocratique”.

A fils, à main, à tringle, la marionnette accompagne notre humanité !

Olivier SCHLAMA

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