Biodiversité : La population d’ours en hausse régulière dans les Pyrénées

Ours adulte, 15 septembre 2019. Photo : caméras automatiques de l'agence de la biodiversité.

Avec 76 individus dénombrés par l’Office français de la biodiversité, on assiste à une vraie dynamique dans le massif. Mais la population de plantigrades n’est pas encore viable, selon le directeur de l’association Pays de l’Ours-Adet. Alors que l’ours est responsable, en 2022, de 331 attaques pour 590 animaux tués ou blessés sur le cheptel domestique, l’État met davantage de moyens pour mieux protéger les troupeaux et former les bergers.

Pépite, Boet, Flocon, Blizzard, Gribouille… Goiat, Sorita… Pas moins de 76 ours se sont réveillés d’hibernation en ce printemps. C’est en tout cas le chiffre, “en hausse régulière” que l’Office français de la biodiversité (OFB) a calculé savamment dans son bilan annuel du “groupe ours”. Depuis bientôt trente ans (1996) et les premières réintroductions d’ours venus de Slovénie, on suit de mieux en mieux cet animal.

Le suivi est réalisé par une équipe de 15 agents qui se partagent ce vaste territoire ainsi que par 450 bénévoles. Ils relèvent notamment les traces de présence : des poils sur les arbres ; des empreintes au sol mais aussi des vidéos et des photos sur 60 circuits dans la nature. Par ailleurs, cinq plantigrades sont considérés “disparus“, sans doute décédés de mort naturelle.

Trente-cinq mâles et 39 femelles sur 5 700 km2

Image par Gerd Schaefer de Pixabay

Tente cinq mâles et trente-neuf femelles sont sortis de leur tanière et vivent dans le massif pyrénéen sur quelque 5 700 kilomètres carrés, soit 800 km2 de moins qu’en 2021 et 2 500 km2 de moins qu’en 2020. Cette forte diminution amorcée en 2020 “s’explique principalement par le fait que plus aucun ours n’est équipé d’émetteur GPS depuis 2020. En 2019, le mâle Goiat avait par exemple fait augmenter à lui seul l’aire de répartition d’environ 2 000 km2 par rapport à 2018”.

80 % des ours des Pyrénées ont moins de dix ans

Parmi les explication, l’OFB explique que “le fait qu’aucun indice de ce dernier n’ait été détecté depuis le 25 avril 2022 et que les ourses Claverina et Sorita se soient cantonnées sur des territoires plus restreints après leur période exploratoire post-lâcher explique aussi en partie cette baisse de l’aire de répartition”. 80 % de la population d’ours dans les Pyrénées est jeune, huit sur dix ont moins de dix ans. Au moins huit femelles ont eu une portée en 2022, soit un minimum de 13 oursons.

“90 % des oursons sont nés de seulement… trois ours”

Comminges, Haute-Garonne, Béarn, Val d’Aran, Catalogne, Aude, Couserans, Ariège, Aude, Pyrénées-Orientales, mais aussi Navarre, Aragon, Andorre… L’ours, animal protégé depuis une directive européenne de 1992 a beau avoir une population en constante progression, cela n’assure toujours pas la viabilité de cette population ursine. Alain Reynes, directeur de l’association Pays de l’Ours-Adet explique les raisons de cette réussite biologique, comme Dis-Leur vous l’avait expliqué ICI.

Une ourse et son ourson. À Bordes-Uchentein. Photo : OFB. Équipe Ours, Réseau Ours Brun.

“Certes, cette population est en hausse de 8 % par an grâce à quelques femelles productrices et qui ont relancé la dynamique démographique ; certes, le ratio mâles-femelles est à l’équilibre mais ça ne suffit pas : cette population est fragile. C’est l’une des plus petites d’Europe. Et elle a problème génétique : “90 % des oursons sont nés de seulement… trois ours. C’est-à-dire que le patrimoine génétique est faible et cela peut poser des problèmes dans le futur.” Certains scientifiques évoquent un plancher de 150 individus pour rendre cette population viable.

Effarouchement réautorisé

Alors que ce recensement a été rendu public, et que les pro et anti-ours ne manquent pas une occasion de se déchirer sur le sujet. Dans ces conditions, maintenir une cohabitation et la biodiversité reste un combat de tous les jours. Depuis quelques semaines, l’État français a, d’ailleurs, pris un nouvel arrêté ministériel autorisant l’effarouchement de l’ours, avec, notamment, des tirs avec des munitions à double détonation, la seconde claquant près de l’animal (lire ci-dessous). Gage supplémentaire de la prise en compte des positions des deux parties.

Mort d’un trailer en Italie

Cette bonne nouvelle sur la reconstitution spectaculaire du cheptel ursin est entachée d’une mauvaise nouvelle : la mort d’un trailer de 26 ans, le 5 avril dernier, Andréa Papi, tué par un ours mâle dans la région du Trentin en Italie. Cette mauvaise rencontre, Alain Reynes dit : “Même si c’est extrêmement rare, cela peut arriver. On n’a toujours pas les éléments et les circonstances précis. Mais c’est incontestable que cela peut arriver concernant un certain nombre d’espèces. Et si ce fait a été mis en avant, c’est justement c’est qu’il est rare. Toute la question, c’est: est-ce que l’on veut tout sécuriser et supprimer tout ce qui peut constituer potentiellement un danger ? Il y a du boulot ! Beaucoup d’animaux sont potentiellement plus dangereux que l’ours…” L’enquête est toujours en cours.

Le nombre d’attaques d’ours sur le cheptel domestique dans les Pyrénées françaises quasiment identique à 2021

L’ours Boët Photo : OFB. Équipe Ours, Réseau Ours Brun.

Au-delà des rares attaques envers les hommes, l’ours est l’auteur de prédations envers des animaux. Ainsi, en 2022, sur l’ensemble du versant français, le nombre de prédations “confirmées” (où la responsabilité de l’ours ne peut pas être écartée) est de 331 attaques pour 590 animaux tués ou blessés sur le cheptel domestique.

Le nombre d’attaques d’ours sur le cheptel domestique dans les Pyrénées françaises est quasiment identique à 2021, passant de 333 à 331 attaques dont quatre vaches adultes. “L’année 2022 confirme ainsi la légère baisse qui avait été amorcée entre 2020 et 2021 mais fait néanmoins partie des cinq années les plus élevées depuis les premiers renforcements de 1996-1997”, conclut l’OFB.

Pas de ruchers attaqués

Le nombre de dégâts d’ours sur cheptel domestique (nombre d’animaux tués ou blessés) est, en revanche, légèrement supérieur à 2021 mais toujours bien en deçà de 2019 et 2020. “Le nombre moyen d’animaux tués et/ou blessés par attaque est de 1,78, ce qui est comparable aux autres années lorsqu’elles ne comptabilisent pas de dérochements. Aucune attaque sur ruchers n’a été dénombrée en 2022. Comparées aux attaques sur cheptel domestique, les attaques sur ruchers sont peu fréquentes et relativement stables dans le temps”, précise encore l’OFB.

“Ces chiffres de la prédation sur le cheptel domestique sont certainement une sous-estimation de la prédation réelle”

Pour la période 2006-2016, sur l’ensemble de la chaîne pyrénéenne (France, Espagne et Andorre), le nombre d’attaques sur cheptel domestique est relativement stable malgré quelques fluctuations annuelles. Par contre, à partir de 2016, une forte augmentation du nombre d’attaques est constatée. Cette augmentation est principalement la conséquence d’une forte hausse des attaques sur le versant français alors que sur le versant espagnol la tendance était plutôt à la stabilité, voire à la baisse entre 2018 et 2021.

Enfin, l’Office français de la biodiversité reconnaît que “ces chiffres de la prédation sur le cheptel domestique sont certainement une sous-estimation de la prédation réelle car les dégâts indemnisés au bénéfice du doute ne sont pas ici comptabilisés. L’ensemble de ces chiffres, dont les dégâts indemnisés au bénéfice du doute après passage en Commission d’indemnisation des dommages, font l’objet d’une note rédigée par la Dreal Occitanie à partir des informations fournies par les Directions Départementales des Territoires (DDT(M)) du massif ainsi que par le Parc National des Pyrénées (PNP)”.

Olivier SCHLAMA

“L’État renforce ses moyens”

Le 9 mai, le groupe ours, pastoralisme et activités de montagne s’est réuni pour améliorer la cohabitation.

Pierre-André Durand, préfet de la région Occitanie, préfet coordonnateur du massif des Pyrénées et du plan d’Actions Ours Brun , a réuni, le 9 mai 2023 le groupe ours, pastoralisme et activités de montagne (Gopam), composé des élus du territoire, des représentants des professions agricoles, des associations de protection de l’environnement, des fédérations (randonnée pédestre, chasse…) et des parcs naturels.

3 M€ du ministère de l’Agriculture

Ours brun – Pyrénees – Pays de l’Ours – Adet

Il a été annoncé pour 2023, une hausse de 30% des crédits de l’État en faveur de la protection des troupeaux dont 3 M€ du ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire et de Feader pour le massif des Pyrénées (bergers, formation des pâtres, chiens, clôtures, cabanes, abris d’urgence, radio téléphones) ; 905 471 € de crédits du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires (bergers supplémentaires en foyers de prédation, bergers d’appui et chiens de protection via un soutien à la Pastorale Pyrénéenne, protection des ruchers).

Soutien financier à 500 postes de bergers

Cette mobilisation financière supplémentaire de l’État se traduira cette année notamment par le maintien du soutien financier à plus de 500 postes de bergers et éleveurs gardiens ; la contribution de la part de l’État à hauteur de 1 M€ par an aux programmes régionaux mis en oeuvre par la région Occitanie et la région Nouvelle-Aquitaine permettant la création et la réhabilitation de cabanes et d’abris pastoraux ; 100 pâtres et bergers formés avant la montée en estive ; des moyens pour protéger les troupeaux (débroussaillage, clôture, rénovation de cabanes, etc.) ; le renforcement des moyens humains : financement de deux postes de bergers d’appui supplémentaires (contre sept en 2021 et trois en 2020).

Effarouchement : arrêté interministériel

Pour prévenir les dommages causés par l’ours brun lors de la saison d’estive dans les Pyrénées, les mesures d’effarouchement sont la solution ultime de protection des bergers, des éleveurs et des troupeaux. L’arrêté interministériel d’effarouchement, qui prévoit des mesures graduées allant de l’effarouchement simple (via des moyens sonores, olfactifs, lumineux) à l’effarouchement renforcé (tirs de cartouches à double détonation ou en caoutchouc) a été publié le 5 mai.

À ce stade, l’effarouchement renforcé reste nécessaire, car certaines estives sont soumises à une forte prédation. Utilisé à 5 reprises seulement en 2022, l’effarouchement renforcé ne sera pratiqué dorénavant que par les seuls agents de l’OFB.

Pour les usagers de la montagne, la diffusion d’information sur les comportements à adopter aux abords des troupeaux gardés par des chiens de protection ou en cas de rencontre avec un ours est accentuée. “Pour ce faire, des actions de prévention se développent encore : après l’équipement de 67 sites en panneaux d’information sur les bons gestes à suivre avant de partir en randonnée, une nouvelle campagne d’information au public sera lancée prochainement.”

Pyrénées, ours, c’est sur Dis-Leur !

En Ariège, chasseur blessé, ourse tuée : Enquête ouverte pour « destruction d’une espèce protégée »

Pyrénées : Ours, une population et des naissances record