Nature : L’ours au coeur de l’actualité dans les Pyrénées

L'ours, un encombrant habitant des Pyrénées... Photo archives D.-R.

Deux randonneurs qui avaient installé leur bivouac sur le GR10 (Hautes-Pyrénées) ont été effrayés par des grognements supposés être ceux d’un ours. Ils n’ont pas demandé leur reste et trouvé refuge dans une chapelle proche… Ours ou pas ? La question n’a pas obtenu de réponse, mais relance le débat sur la réintroduction des grands prédateurs dans la région…

L’affaire fait suite à celle d’un enfant de 9 ans qui avait filmé un ours distant d’à peine 80 mètres, le 16 juin, en Ariège. Dans la foulée, le monde du pastoralisme était en émoi à la suite de plusieurs attaques de troupeaux : Dans les Pyrénées ariégeoises, l’attaque de l’ours a entraîné la disparition avérée de 311 brebis dans deux estives (pâturages de montagne), en juin et juillet derniers.

Manifestation devant la préfecture à Toulouse

Dans les Pyrénées… Photo d’archive D.-R.

Plusieurs maires et élus de villages touchés avaient décidé de manifester ce mardi 6 août devant la préfecture de région à Toulouse. Elus et éleveurs ariégeois voulaient ainsi mettre l’accent sur leurs inquiétudes. Une inquiétude soulignée par la Chambre d’Agriculture de l’Ariège qui déclare que “confrontés à des attaques d’ours quotidiennes, les éleveurs ariégeois et leurs troupeaux vivent un été cauchemardesque” et réclame “un effarouchement ciblé permettant de contenir les ours dans ces zones.”

Les associations favorables à le réintroduction de l’ours dans les Pyrénées, membres de la coordination CAP Ours, avaient quant à elles appelé toutes les personnes sensibles à la protection de la Biodiversité à s’exprimer contre l’effarouchement de l’ours à travers une pétition en ligne, souignant que “le seul moyen de réduire les dégâts d’ours est de protéger les troupeaux. Toutes les actions doivent aller dans ce sens, ce qui n’est pas le cas de ces effarouchements…”

Les réserves des associations pro-ours

Une population évaluée entre 40 et 50 ours dans les Pyrénées. Photo d’archives D.-R.

Et de souligner que, selon elles : L’effarouchement d’ours anormalement prédateur est déjà prévu et possible dans le cadre du protocole « ours à problème ». Or, aucun ours actuellement présent dans les Pyrénées ne relève de cette catégorie.” Les associations (FERUS, FIEP, Pays de l’Ours-Adetque “Les radicaux et violents ne sont pourtant pas nombreux (…) ils imposent leur stratégie jusqu’au-boutiste à la majorité des éleveurs, dissuadent ceux qui pourraient être constructifs et font taire les modérés.”

Le département concentre à lui seul 90% des attaques du plantigrade. Au total, ce prédateur a causé depuis le début de 2019 la mort de 460 brebis, soit près de trois fois plus qu’en 2018 à la même époque. A la suite de ces nouveaux épisodes de prédations, le Conseil Départemental de l’Ariège a adopté à l’unanimité une motion qui “dénonce une nouvelle fois l’inutilité économique et écologique de cette
opération de réintroduction artificielle de l’ours brun dans les Pyrénées.” (*)

“Après l’élevage et le pastoralisme, c’est donc une autre partie importante de l’économie ariègeoise, celle du tourisme et de la randonnée, qui est impactée par la présence des grands fauves et dont s’inquiète très fortement le Conseil Départemental de l’Ariège”, précise la motion.

De l’argent gaspillé par l’Etat ?

Dans un contexte particulièrement tendu et plusieurs incidents (dont l’incendie de l’un de ses véhicules), l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) a décidé d’arrêter ses constats de dégâts d’ours dans deux vallées de l’Ariège jusqu’au “retour à un climat apaisé…”

Le gouvernement a annoncé la mise en place d’un nouveau dispositif unifié pour indemniser les éleveurs des pertes liées aux attaques de loups, d’ours et de lynx. Il comporte « un barème unique pour tous les dégâts, quel que soit le prédateur », loup, ours ou lynx, ont indiqué les ministères de la Transition écologique et de l’Agriculture dans un communiqué commun. Pas de quoi convaincre les éleveurs :

“La population française s’habitue non seulement à la présence des grands prédateurs mais également à verser, sur l’argent de la PAC, des indemnisations aux éleveurs. Mais qui mesure le risque réel d’une telle propagation ? Et qui prend en compte le stress et les dégâts psychologiques causés à toute une profession ?” s’inquiète notamment Alain Pouget éleveur en Lozère et représentant de la Coordination rurale (CR) Occitanie.

Eleveurs anti-ours et associations pro-ours se retrouvent donc au moins sur un pont, l’inefficacité coûteuse des décisions du gouvernement pris entre deux feux contradictoires. On évalue aujourd’hui à 50 la population d’ours dans les Pyrénées. l’association Pays de l’Ours évoque “un effectif minimum détecté de 40 ours. 4 en Pyrénées Occidentales et 36 en Pyrénées Centrales”. Et propose même un “trombinoscope” des plantigrades à découvrir ici.

Trouver un équilibre entre défense du pastoralisme, exigences touristiques et démarche écologique… C’est le défi à relever, en espérant que ni les brebis, ni les ours, ni les hommes qui vivent et travaillent dans ces belles montagnes ne soient les victimes des décisions que prennent d’autres hommes dans de lointains bureaux…

Philippe MOURET

(*)  La motion réclame :
  • Une position claire sur les responsabilités respectives en matière d’encouragement à la pratique de la randonnée;
  • L’expression des mesures efficaces et crédibles à prendre pour les randonneurs pour qu’ils puissent fréquenter avec le maximum de sécurité les zones à ours;
  • Le déploiement immédiat des moyens nécessaires, humains et matériels, pour assurer cette sécurité qui lui incombe;
  • L’établissement d’une carte à usage du public des implantations des prédateurs, mise à jour quotidiennement, comme il s’y était engagé.

Rencontre avec un ours …

L’ours brun a peur de l’homme. Toutefois sa force physique peut le rendre dangereux, comme tout animal sauvage de grande taille (cerf, sanglier…) lorsqu’il est surpris ou se sent menacé. Il faut donc faire attention.

L’ours est par nature discret, surtout vis-à-vis de l’homme. Il a une bonne ouïe, un très bon odorat et une vue moyenne. S’il vous entend ou détecte votre odeur, il cherchera à vous éviter. Pour l’aider à vous repérer, vous pouvez manifester
votre présence en faisant un peu de bruit.

Ne suivez jamais des traces d’ours. Ne cherchez pas à vous approcher d’un ours même si vous êtes à grande distance, qu’il soit accompagné d’oursons ou seul. Gardez votre chien à proximité, ne le laissez pas divaguer car il pourrait provoquer l’ours

Si vous rencontrez un ours à courte distance (- de 50 m), aidez-le à vous identifier :
manifestez-vous calmement en vous montrant, en bougeant et en parlant, Eloignez-vous progressivement en vous écartant du trajet qu’il pourrait emprunter dans sa fuite, Ne courez pas. L’ours peut se dresser sur ses pattes arrières : ce n’est pas un signe d’agressivité. Il est curieux ; il cherche à reconnaître les odeurs et à mieux vous identifier.

Lire pour aller plus loin :

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