“Pas d’opposition de principe très forte sur les éoliennes” parmi les personnes qui se sont exprimées lors des cinq mois de concertation mais “protégeons d’abord la biodiversité et, s’il y a de la place, implantons des éoliennes en mer”. Le coordinateur pour l’Occitanie de cette concertation unique de la Commission nationale du débat public, Étienne Ballan, résume l’état d’esprit de milliers de participants.
Jusqu’à 500 éoliennes en mer : c’est l’intention de l’État français en Méditerranée. Les deux premiers parcs, au large de Fos-sur-Mer et de Port-la-Nouvelle, qui sont déjà validés, seraient in fine multipliés par cinq !
Pour que chacun ait conscience de ce projet, la Commission nationale du débat public (CNDP) a organisé une très large concertation du 26 novembre 2023 jusqu’au 26 avril 2024 dont l’éolien n’est qu’une partie. Elle a enregistré de nombreux participants sur de multiples sujets : protection de la biodiversité, cohabitation des usages, tourisme, pêches, gestion du trait de côte. Ce sujet massif des éoliennes a toutefois servi à “révéler” l’ensemble. Notamment à quel point sur cette bande côtière, aux multiples enjeux, il faut absolument alléger la pression des usages. Comment ? Notamment en “épaississant” les aires marines protégées et les aires marines côtières.
Jusqu’à 500 éoliennes de 250 mètres de haut…
Il y a d’abord quelques dizaines d’éoliennes flottantes qui doivent être réparties en deux parcs, l’un en face de Fos-sur-Mer, le second au large de Port-la-Nouvelle. Leur puissance sera de deux fois 250 mégawatts chacune à l’horizon 2031 ; puis, de deux fois 500 mégawatts en 2035. Et il est donc désormais question de passer de 4 gigawatts à 7,5 gigawatts de puissance à l’horizon 2050 pour une emprise en mer de 400 km2 à 1 500 km2. elles seront a priori placées entre 15 km et 60 km de la côte.
C’est-à-dire concrètement de voir flotter plusieurs centaines de mâts culminant à plus de 250 mètres de hauteur, peut-être cinq cents, au final. Ce passage à l’industrialisation massive et à la création d’une filière industrielle a été l’objet d’un webinaire public le 24 janvier (Pourquoi et jusqu’où développer l’éolien en mer Méditerranée ?) Et d’un second, La Mer en débat, qui sera donné ce 17 juillet sur le bilan de la concertation : attention inscription gratuite mais obligatoire ICI !
Concertation tous azimuts de la CNDP
Quel est le bilan, justement, de cette concertation – la CNDP, organisme totalement indépendant avait été saisi par le ministère de la Transition écologique et RTE – qui a été organisée du 26 novembre au 26 avril 2024 ? “Plus de 110 événements presque partout sur la façade méditerranéenne. Nous ne sommes pas restés dans les grandes villes ; on est allés presque partout.” En cinq mois de concertation tous azimuts sur l’ensemble des façades maritimes françaises, la CNDP a organisé 375 “événements” et a recueilli 20 088 contributions écrites avec plus de 4 000 arguments et propositions différentes !
“Pas d’opposition de principe très forte”
Coordinateur de cette concertation unique en Occitanie, Étienne Ballan décrypte : “Par quelque bout que l’on prenne cette concertation, les gens s’en sont emparés vraiment comme sur un débat sur la mer. Et vraiment fortement sur l’état écologique de la mer. Et plus précisément sur la biodiversité.” Ceci dit, sur l’éolien offshore, “il n’apparaît pas d’opposition de principe très forte”, résume Étienne Ballan. “Il y a des opposants, notamment associatifs, mais essentiellement pour des atteintes à la nature et de compatibilité avec les mammifères marins. Eux pensent que ce serait déraisonnable. Notamment vis-à-vis du bruit, des ondes et qui voudraient qu’il n’y ait pas du tout d’éolien en mer, par précaution.”
Avec cette nuance : “Je ne parlerais pas de majorité pour ou contre – on n’a pas organisé de vote, de référendum ou quoi que ce soit – Ce débat public ne mesure pas du tout ça.” Il préfère reformuler : “Parmi les personnes qui se sont exprimées, nous n’avons pas constaté d’opposition très puissante et structurée.” Sans parler de consensus. “On constate plutôt que pour tout ceux qui disent : “l’éolien, oui, peut-être, il y a énormément de variations dans les choix et les positionnements.”
“D’abord planifier la protection de la biodiversité”
Lesquels ? “Certains qui se sont exprimés dans ce débat disent de l’éolien flottant ont dit : “Oui, peut-être, mais pas trop et pas trop vite. Il faut d’abord planifier la protection de la biodiversité et après on peut planifier de l’éolien. Occupons-nous d’abord des zones de protection fortes ; rendons les aires marines protégées vraiment efficaces – parfois, elles ne le sont pas du tout – ; simplifions le système en lui donnant une ligne directrice sur la protection intégrale, la protection renforcée… Il faut faire en sorte que les aires marines soient bien connectées à la terre, notamment sur la bande côtière, là où il y a les plus grands enjeux. Une fois que l’on a fait tout cela, s’il reste de la place pour de l’éolien, on peut en faire mais de façon mesurée.” C’est là que tout le spectre se révèle : il y a ceux qui veulent bien un peu d’éolien ; ceux qui en veulent un peu plus et ceux qui en veulent beaucoup. “Il n’y a pas de consensus parmi ceux qui se sont exprimés pour réaliser un nombre précis d’éoliennes.”
“Pas autant, pas à ce niveau-là”
Étienne Ballan le souligne : “Globalement, les gens ont bien compris que le plan du gouvernement est de créer plusieurs centaines d’éoliennes en Méditerranée. C’est cette massification, ce changement d’échelle du nombre d’éoliennes qui fait justement réagir pas mal de gens et notamment des personnes plutôt favorables à l’éolien. En voyant les chiffres annoncés et en les comparant avec la situation de la biodiversité, ils se disent : pas autant, pas à ce niveau-là.” Notamment pour protéger la biodiversité.
“Sur la bande côtière, on a déjà beaucoup d’enjeux à gérer : tourisme, plaisance, pêches professionnelle et côtière…”
Le coordinateur de la concertation poursuit : “Certains demandent à ce qu’on implante les éoliennes plus au large pour que ça ne soit pas incompatible avec la pêche ni avec le tourisme ; pour que ça n’impacte pas trop le paysage. Il y a beaucoup de gens parmi ceux qui se sont exprimés qui revendiquent le fait de les placer plus loin parce que sur la bande côtière, on a déjà beaucoup d’enjeux à gérer : tourisme, plaisance, pêches professionnelle et côtière… L’éolien, pourquoi pas, nous disent-ils, mais au-delà. Et une fois que l’on a compris ce qui est à protéger, l’éolien sera implanté où il y aura de la place. Et puisque l’on ne veut pas en faire autant, certains disent même : réfléchissons et soyons plus sobres pour justement implanter moins d’éoliennes.”
Les ONG : “Pas d’éolien dans les aires marines protégées”
Une position sage dont le message est celui de la “modération et de prudence. Exemple, il y a deux ans, quand on a organisé le premier débat public, la plupart des ONG disaient : il faut arriver à rendre compatibles l’éolien et la biodiversité. Ce n’est pas facile ; il faut trouver des moyens, etc. Là, les ONG ont pris position en disant on ne veut pas d’éolien dans les aires marines protégées comme le disent les textes internationaux et notamment pas dans le parc marin du Golfe du Lion. Et si l’État veut en faire, on ira en justice. Ils veulent aussi protéger fortement les canyons, des endroits essentiels” Ce qui rejoint la position des pêcheurs, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI.
Enfin, la bande côtière : “C’est là qu’il faut être le plus actif en matière de protection, là où il y a le plus d’enjeux. Là il faut revoir tout le modèle ; le tourisme qui ne va pas du tout ; il faut revoir aussi la pêche même si elle va dans le bon sens depuis quelques années. Revoir aussi la question du trait de côte ; la pêche de loisir ; la plaisance… Tout ça peut fonctionner ensemble à conditions que tout le monde ait conscience qu’il faut alléger la pression.”
“Vrai besoin de cogestion dans la bande côtière”
Comment définit-on la bande côtière ? “C’est justement un point important. Il n’y a pas de définition autre qu’administrative, aujourd’hui : 3 miles (limite pour les chaluts qui y sont interdits, 12 miles (limite entre les eaux territoriales et zones d’exclusivité économique) et 20 miles nautiques (limite pour les gros navires). La limite est probablement entre 12 et 20 miles ; elle peut être aussi progressive. Ce qui est certain c’est que dans cette bande côtière il y a un vrai besoin de cogestion entre toutes les activités, la protection de la biodiversités et les pêcheurs. Avec un rôle accru des collectivités. C’est quelque chose qui est fortement demandé. Sur les pouvoirs de police, par exemple : on ne peut pas continuer de demander à l’État de tout surveiller ; les collectivités sont prêtes à s’engager à se donner les moyens d’une surveillance sur la partie la plus proche du littoral.”
Les singularités de la Méditerranée
Cela fait partie de ce que l’on pourrait appeler une recommandation du CNDP. Ce compte rendu fait donc l’objet d’un webinaire le 17 juillet.Et la suite ? “Un Conseil maritime de façade se réunit le 22 juillet. L’État aura ensuite jusqu’au 26 septembre pour répondre à toutes les questions qu’on lui a posées.”
Ce constat a “beaucoup de points communs avec d’autres façades maritimes mais la Méditerranée présente des singularités. Il y a une attente très forte de protection de la biodiversité ; sur la pêche, la Méditerranée a déjà subi des mutations assez importantes. La pêche côtière, en vente directe, à haute valeur ajoutée ne va pas trop mal. Quant à la pêche au chalut, elle est en mutation, ce qui va continuer, malgré la baisse des ventes en criées et le nombre de bateaux. Les pêcheurs que nous avons rencontrés ne veulent pas davantage de bateaux ou des bateaux plus gros. Ils sont inquiets de voir la diminution du nombre de bateaux mais ils savent que cela a des effets positifs ; ils veulent des bateaux qui consomment moins de gazole. La demande est plutôt axée sur l’amélioration des conditions d’exploitation, d’une meilleure valorisation. Tout cela est envisageable. Enfin, la focale sur le tourisme est plus forte en Méditerranée.”
Olivier SCHLAMA
La consommation électrique de 13 millions d’habitants
Directeur du projet éoliennes en mer à la Dreal Occitanie, service déconcentré de l’Etat, Frédéric Autric avait souligné que “7,5 GW cela représente 50 % de la consommation électrique annuelle des deux régions (Paca et Occitanie, Ndlr) ou la consommation électrique résidentielle annuelle de plus de 13 millions d’habitants”. Le coût ? “Le coût total d’un projet éolien s’élève à environ deux milliards d’euros pour un gigawatt installé et financé par le développeur. Auquel il faut ajouter le coût du raccordement financé par RTE.” Le raccordement, selon les estimations, est évalué entre 10 % et 15 % du coût total.
Dis-Leur !, ce n’est pas du vent !
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