Montpellier : Un procès fictif pour lutter contre les violences faites aux femmes

Procès fictif avec Nadia-Bakiri. Ph. Nanda Gonzague

Décrypter la mécanique de la violence conjugale est au coeur de la démarche, comme l’explique l’élue régionale Nadia Bakiri, alors que l’on enregistre un record de faits en France : 244 000 en 2022 (+ 15 %). Montpellier s’intéresse à cette initiative organisée par la Région Occitanie qui réfléchit à un observatoire régional.

Une femme accusée de tentative de meurtre sur son conjoint, dont elle a subi les violences depuis de nombreuses années et qui se termine par la reconnaissance de la légitime défense : le procès fictif pouvait faire penser immédiatement à celui, historique, de Jacqueline Sauvage, affaire judiciaire qui marqua la société française il y a dix ans. Une femme condamnée pour avoir tué son mari qui lui faisait subir des violences, puis graciée pour légitime défense.

“C’est aussi pour montrer les cycles de violence et le mécanisme de l’emprise”

“On est dans le même registre à la différence près que le mari ne meurt pas dans le procès fictif que nous avons organisé ce jeudi 23 novembre, à l’hôtel de Région, sur les violences sexistes et sexuelles. C’est aussi pour montrer les cycles de violence et le mécanisme de l’emprise. Et ce que la victime a subi pendant son enfance et comment l’auteur a pu se retrouver dans des postures d’homme violent” : Nadia Bakiri, conseillère régionale déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les violences faites aux femmes, ajoute que cette initiative avait l’intention de “bousculer un peu les choses… C’est la présidente Carole Delga qui a décidé d’organiser ce procès fictif pour sensibiliser les jeunes sur l’égalité entre les hommes et les femmes et sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles”, résume-t-elle.

Les femmes osent de plus en plus franchir le pas d’un dépôt de plainte contre leur agresseur

Procès fictif dans l’hémicycle de la Région Occitanie à Montpellier, avec Nadia-Bakiri. Ph. Nanda Gonzague

C’était une première. Une centaine de lycéens et lycéennes y ont assisté, en amont de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, ce 25 novembre et après une première représentation couronnée de succès à Toulouse le 8 mars dernier. Une première “représentation” du procès fictif qui “avait beaucoup plu aux lycéens qui ont pris conscience de cette réalité des chiffres”.

Comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI, dans un contexte de libération de la parole, même si une victime sur quatre ose déposer plainte, la nouvelle enquête annuelle du ministère de l’Intérieur signe une hausse de 15 % des violences conjugales avec 244 000 faits, après une hausse en 2021 de 21 % par rapport à 2020 qui était déjà en hausse… Les femmes osent de plus en plus franchir le pas d’un dépôt de plainte contre leur agresseur qui, dans leur très grande majorité, est français.

“La lutte contre les violences faites aux femmes est un combat qui nous concerne toutes et tous”

Ce jeudi, lors du procès fictif, une dizaine d’experts et expertes ont apporté leurs analyses et leurs propositions à cette occasion et des échanges avec les scolaires à l’issue du faux procès. Carole Delga l’a exprimé : “La lutte contre les violences faites aux femmes est un combat qui nous concerne toutes et tous et que nous avons décidé de mener sans relâche en Occitanie. Pour faire évoluer les mentalités et modifier les comportements, la Région se mobilise, notamment auprès de la jeunesse.” 

Au cours de cette journée, juristes, représentants des forces de l’ordre et membres d’associations spécialisées ont aussi proposé aux élèves “une expérience immersive inédite pour leur offrir un regard pluriel sur ces sujets sensibles”. “On a voulu partir de la genèse des violences faites aux femmes ; on a donc choisi les intervenants dont le professeur de médecine Costes, un spécialiste ; on a aussi choisi des éducateurs spécialisés ; des associations qui accompagnent les femmes battues au quotidien. Et des structures d’aide aux auteurs de ces violences.”

“On aimerait ainsi capitaliser ce procès fictif. On aimerait qu’il soit joué dans des lycées”

“Ce que espérons c’est que ce procès fictif inspire d’autres initiatives. J’espère que d’autres collectivités s’en empare.” C’est le cas de Montpellier : “Cela fait un moment que je réfléchis à une initiative similaire. Aujourd’hui, cela m’a convaincu que cela pouvait être une bonne idée”, confie Fatma Nakib, élue aux droits des femmes. “À Toulouse, reprend l’élue régionale Nadia Bakiri, on avait filmé le procès ; à Montpellier, on l’a diffusé en direct sur le réseau interne des agents de la Région qui avaient souhaité assister à ce procès ; près de 250 ont pu le faire. On aimerait ainsi capitaliser ce procès fictif. On aimerait qu’il soit joué dans des lycées. Mais il faut refaire appel aux intervenants qui sont venus bénévolement. En tout cas, nous avons réussi à fédérer autour de cette cause les forces de l’ordre ; des médecins ; des associations ; des compagnies de théâtre…”

Un observatoire régional

La Région Occitanie travaille, par ailleurs, à la création d’un observatoire des violences faites aux femmes. “Cette action majeure d’information et de sensibilisation doit permettre à notre jeunesse de mieux comprendre et appréhender les mécanismes complexes qui mènent aux violences conjugales et intrafamiliales, pour ne plus jamais accepter l’inacceptable”, avait déclaré Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, à quelques jours de l’événement.

Trois établissements de l’Hérault ont participé à cet événement : les Lycées Jules-Ferry de Montpellier, Jean-François-Champollion de Lattes et Auguste-Loubatières d’Agde. Neuf jeunes avaient été tirés au sort pour être jurés.

Olivier SCHLAMA

Un plan d’actions en Occitanie

En 2017, la Région Occitanie s’est dotée d’un plan d’actions dédié à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Dans ce cadre, un appel à projets est lancé chaque année pour soutenir les initiatives innovantes en lien avec cette thématique. Depuis 2017, la Région a ainsi soutenu à hauteur de 750 000 € des actions de lutte contre les violences sexistes et sexuelles en Occitanie.

Via le dispositif Génération Egalité, la Région Occitanie mène également dans les lycées et écoles de la deuxième chance une action d’information et de sensibilisation sur l’égalité entre les filles et les garçons et sur les violences sexistes et sexuelles. Depuis 2017, plus de 220 000 jeunes ont déjà pu en bénéficier.

Le 16 novembre dernier, réunis en Assemblée plénière, les élus régionaux ont adopté la résolution Safe place 4 women. Initiée au niveau européen, elle vise à encourager les pouvoirs publics et les collectivités locales à renforcer leurs actions pour garantir la sécurité de toutes et créer des espaces sûrs pour les femmes et les filles.

À lire aussi sur Dis-Leur !