Renouveau : L’avenir “très prometteur” du tourisme sur le canal du Rhône à Sète

Canal du Rhône à Sète à Aigues-Mortes. Ph. DR.

Longtemps délaissé, le canal du Rhône à Sète, voie d’eau la plus méditerranéenne d’Europe, a frôlé la disparition. Ambitieux, État, collectivités et région Occitanie placent le tourisme et le cyclo-tourisme au coeur de ce ruban bleu qui relie Camargue, lagunes, étang de Thau et canal du Midi et qui colle aux aspirations toujours plus vertes. Le point avec Guillaume Chauvel de VNF et Katy Guyot, élue régionale.

Deux cent cinquante ans après son creusement, l’heure du renouveau du canal du Rhône à Sète est enfin venue. Une étude et une feuille de route permettent d’engager cette voie d’eau, qui aurait bien pu disparaître compte tenu des défis à relever, vers une destination éco-touristique. Le 17 mars, VNF a présenté un plan de développement touristique ambitieux sur ce trait d’union de 65 km et 110 km, avec les branches secondaires.

Camargue, lagunes, étang de Thau, canal du Midi…

Canal du Rhône à Sète, ici à Saint-Gilles. DR.

Le canal du Rhône à Sète relie la Camargue, les lagunes, l’étang de Thau et le canal du Midi. Au coeur de paysages sublimes et diversifiés, accueillant une biodiversité exceptionnelle et une richesse culturelle. Cet environnement est ainsi propice au développement apaisé des loisirs et d’un tourisme fluvial et fluvestre pour tous. Et sans écluses ! Le canal est la meilleure voie pour découvrir autrement des destinations incontournables : Aigues-Mortes, Carnon ou encore Sète et des sites encore secrets du Gard et de l’Hérault en slow tourisme.

“Vélo et cyclo-tourisme en plein essor sur le canal”

C’est donc l’heure là aussi de rencontrer de nouvelles pratiques : un plan d’actions éco-touristique de slow tourisme – 17 M€ de retombées économiques par an, en 2019, avec plaisance, fréquentation des communes alentours par les plaisanciers en visite, croisières de luxe, bateaux promenade… mais sans le cyclotourisme. Et qui devrait représenter bien davantage dans les prochaines années. Pour cela, ont été engagés des travaux conséquents. Le projet colle aux aspirations éco-touristiques : de quoi trancher avec le pessimisme ambiant.

Responsable du canal du Rhône à Sète chez VNF, Guillaume Chauvel explique : “Le vélo et le cyclo-tourisme sont en plein essor sur le canal. On est en plein sur des tracés de grande itinérances européennes : Via Rhôna : du Lac Léman à la Méditerranée, Méditerranée à Vélo qui part de la Roumanie pour aller jusqu’en Espagne… Nous faisons des travaux pour rendre accessibles et installer sur les chemins de halage ces grands points de mobilité douce qui serviront également aux habitants de ce territoire de pouvoir s’en servir.” Guillaume Chauvel précise : “Concernant la fréquentation de la véloroute européenne Via Rhôna entre Gallician et Aigues-Mortes sur les berges du canal du Rhône à Sète, on compte entre 50 000 et 100 000 passages par an.”

Nous allons construire cette offre avec les collectivités et les acteurs du tourisme le plus de solutions possibles. Nous sommes au début de quelque chose d’extrêmement prometteur”

Guillaume Chauvel, VNF
Le canal du Rhône à Sète. Ph. DR

Des haltes adaptées pour réparer son destrier ; des snacks pour se restaurer ; des gîtes ou des solutions pour dormir une nuit ou encore des boxes pour mettre son vélo en sécurité si l’on veut aller visiter un site : VNF construit toute cette offre. “Il faut aussi que ce slow touriste ait des choses à visiter, précise Guillaume Chauvel. Il faut que nous racontions une histoire sur le canal. Il faut de l’information régulièrement sur le chemin ; du ciblage vers les sites à visiter alentour ; des services… Il y aura aussi un vrai défi à relever pour proposer des solutions d’hébergement à la nuit aux touristes, sur les parties gardoise et héraultaise. Nous allons construire cette offre avec les collectivités et les acteurs du tourisme le plus de solutions possibles. Nous sommes au début de quelque chose d’extrêmement prometteur.” 

Ce volet tourisme fluvestre – mise en lien les activités liée à la voie d’eau et à ses berges – va peu à peu prendre forme. “D’ici un an, nous aurons un itinéraire en site propre, sécurisé, à proposer aux cyclo-touristes, les derniers travaux sont en cours entre Beaucaire et Aigues-Mortes”, note encore le responsable de VNF. La sécurité est importante dans ce cas de figure : ce sont des touristes qui se déplacent souvent chargés, en famille avec des enfants… “Nous sommes très optimistes.”

Les États du Languedoc lancent en 1773 la construction du canal servant à l’origine à affranchir le commerce entre le Rhône et Sète de la navigation sur le Petit-Rhône. Guillaume Chauvel supervise aujourd’hui d’autres travaux, aménagements et ambitions du canal du Rhône à Sète, chez Voies navigables de France (VNF).

Des travaux colossaux notamment de dragage

Canal du Rhône à Sète, ici le port de Bellegarde. DR.

Pour faire venir davantage de touristes, il faut que le canal retrouve toute son intégrité. Guillaume Chauvel dit : “Une première tranche de travaux prioritaires qui avait été évaluée à 60 M€, inscrite dans le plan Rhône-Saône (Etat-Région Occitanie) sur la période 2021-2027 {dont 25 M€ par VNF}. Ces travaux ont démarré en 2021 et portent sur la reconstruction des berges là où elles sont très menacées, menaçant du coup l’existence-même du canal en tout cas sa navigabilité. Cela comporte aussi un grand volet sur les mouillages pour l’ensemble de la navigation par des dragages réguliers et la gestion des sédiments extraits. Un défi à part entière.”

En effet : il s’agit d’extraire de ce canal 100 000 mètres cubes de sédiments chaque année ! Ce représente 15 terrains de foot recouverts d’un mètre de sédiments. Cela coûte cher. Trouver des filières de recyclage durables pour ces montagnes de déchets est “un axe de travail” pour VNF. Rien que le dragage-recyclage représente une somme colossale : 30 M€ entre 2021 et 2027. C’est 20 % du budget dragage de VNF pour l’ensemble de ses canaux !

Le canal, aspirateur à sédiments lors de tempêtes

D’où viennent ces sédiments ? C’est un canal intercepte l’ensemble des bassins versants et qui se situe entre ceux-ci et la Méditerranée ; il est connecté aux fleuves côtiers (Vidourle, le Lez), il fonctionne comme un aspirateur à sédiments : dès qu’il y a des crues, des tempêtes, ils “aspire” les sédiments des fleuves et des étangs. Maintenir le mouillage est crucial y compris pour maintenir le trafic de marchandises avec le port de Sète. Le Lez a par exemple fait une crue “modeste” en novembre 2023 : le canal a “accueilli”, à cette occasion, de part et d’autre 50 centimètres et parfois un mètre de sédiments et ce, sur plusieurs centaines de mètres.

Maintenir le trafic fluvial du fret du port de Sète

Canal du Rhône à Sète. Ph. DR

Par ailleurs, cette ambition touristique doit, autre défi, se conjuguer avec le maintien de l’activité fret du port de Sète. Cela représentait 200 000 tonnes transportées en 2019 mais la crise du covid a fait chuter le trafic de moitié, depuis, même si l’activité remonte régulièrement.

“Le covid a fait très mal au trafic maritime qui a été partout ralenti. On retrouve les mêmes conséquences sur le trafic fluvial partout en France. Mais la tendance commence à s’inverser. A Sète, on ne s’est pas encore relevés de cette crise et des autres crises qui ont suivi. En 2024, on a eu une hausse de 30 % par rapport à 2023, à 120 000 tonnes. Le canal est très précieux pour le transport d’objets aux dimensions et aux poids exceptionnels.” Ce fut le cas il y a deux semaines d’un transport jusqu’à Arles de la part de l’usine Saipol de Sète. Il s’agissait d’un transfert de plateforme flottante qui faisait 11,40 mètres de large, plus que la largeur maximum autorisée. Il faisait aussi 105 mètres de long. Cela aurait sans doute été nettement plus difficile par la route.

Proposer des offres touristiques dans les territoires ; arrimer le bateau et de partir à vélo visiter ; participer à une ferrade ; un événement taurin ; s’arrêter à Gallician pour y découvrir le Butor étoilé…”

Katy Guyot, conseillère régionale

Conseillère régionale, Katy Guyot décrypte : “Les collectivités avaient déjà pris la mesure de l’intérêt touristique de ce canal. Il y a déjà une offre touristique qui génère une centaine d’emplois directs avec des bateaux de location sans permis ; des barques ; canoës ; des péniches de croisière… Mais il n’y avait pas encore d’actions et de travail coordonnés. Tout l’objectif de l’étude est de faire travailler les collectivités, les offices de tourismes, metteurs en marché ensemble pour un, plan d’actions.” Également première adjointe à Vauvert (Gard) et vice-présidente de la communauté de communes de Petite Camargue, Katy Guyot ajoute que “chaque commune procède à ses propres investissements en la matière. Notre communauté de communes gère et valorise, par exemple, un port qui avait été aménagé il y a 20 ans ; effectue les travaux nécessaires. Mais il n’y a pas encore de travail en commun.” 

“Il nous reste à décliner nos cinq ambitions”

Halte canal du Rhône à Sète. DR.

“L’idée centrale de cette étude, le tourisme, qui est issue de la conférence du canal de 2020 animée par le préfet Lalanne dont Dis-Leur vous a parlé ICI, précise-t-elle, c’est que le canal serve de fil conducteur à du tourisme. Que ce canal devienne une marque. Qu’à partir de cette voie d’eau, on puisse proposer des offres touristiques dans les territoires ; arrimer le bateau et de partir à vélo visiter ; participer à une ferrade ; un événement taurin ; s’arrêter à Gallician pour y découvrir le Butor étoilé, un oiseau. Nous avons pour cela des pépites : la Camargue et des sites majeurs comme Saint-Gilles ; Aigues-Mortes ; Sète…” Et : “Il nous reste à décliner nos cinq ambitions (lire ci-dessous). Comment on fait à partir de là des fiches action opérationnelles.” Comme aménager des points de vue “en permettant d’amarrer son bateau et descendre et circuler à pied, à terre ; monter sur un aménagement pour pouvoir observer des oiseaux. Il y a des fiches actions prioritaires qui sont sorties”.

“Une référence en matière d’éco-tourisme, accessible à tous et génératrice de richesses pour nos territoires”

Pour la Région Occitanie, “le canal du Rhône à Sète est un ouvrage emblématique de notre territoire, un trait d’union entre nature et culture, entre patrimoine et modernité. Il répond en tout point aux enjeux que s’est donnée la Région avec son Pacte vert : Fret fluvial en lien avec le port de Sète-Frontignan, slow tourisme sur l’eau ou à vélo, linéaire de vie et de loisirs pour les habitants. Grâce à la feuille de route ambitieuse, nous allons renforcer son attractivité tout en respectant son environnement exceptionnel, et poursuivre le travail partenarial engagé dès 2020 avec l’ensemble des acteurs et parties prenantes”. La collectivité veut en faire “une référence en matière d’éco-tourisme, accessible à tous et génératrice de richesses pour nos territoires”, a expliqué Carole Delga, présidente de la Région Occitanie.

Olivier SCHLAMA

  • L’offre touristique est variée : cyclotourisme, location de bateaux habitables sans permis (4 bases de location pour 88 unités), location de bateaux/barques sans permis à la journée (2 bases), bateaux promenade (7 bateaux pour 750 places), péniches de croisière (8 bateaux de luxe), plaisance privée (850 bateaux à flot et 450 bateaux à terre). Plus de 4 000 bateaux de tourisme sont ainsi comptabilisés au pont levant de Frontignan chaque année. On compte également des centaines de pratiquants dans les clubs d’aviron et de kayak.

Cinq ambitions et des actions concrètes

Sur la base de cette vision, cinq grandes ambitions se sont imposées, qui se déclineront par des actions concrètes.

• Un “canal nature”, qui a vocation à révéler ses richesses en préservant les espaces naturels et sensibles (aménagement de “spots” nature, mise en place d’outils de médiation et de sensibilisation à l’eau et à la biodiversité, etc.) ;
• Un “canal évasion”, qui doit permettre de structurer et qualifier l’offre fluviale et

Canal du Rhône à Sète. Ph. DR

fluvestre (montée en gamme des niveaux d’équipements et des services fluviaux dans les ports et tout au long du canal, soutien à l’implantation de nouvelles activités nautiques et de loisirs, etc.)
• Un “canal connecteur”, visant à raccorder les ports, les destinations et les territoires (implantation d’une signalétique marquante, création d’itinéraires et boucles avec l’arrière-pays et valorisation des produits locaux, renforcement des liens avec le canal du Midi, etc.)
• Un “canal en commun”, support de développement de liens humains et de synergies (animation d’une gouvernance ouverte, développement d’événements à l’échelle du canal, mutualisation des outils de communication et de promotion, etc.)
• Un “canal innovant”, susceptible de générer les conditions propices à l’expérimentation et au développement local (ouverture aux nouvelles pratiques touristiques, prise en compte des enjeux d’inclusion, aménagements sobres et résilients utilisant des matériaux responsables, etc.)

Des lieux à aménager prioritairement ont également été identifiés pour montrer la dynamique de transformation. Il s’agira notamment de réenchanter l’itinéraire entre Gallician, Saint-Gilles et Beaucaire.

À noter quatre actions prioritaires d’ores et déjà engagées ou sur le point de l’être :
• La continuité cyclable entre Beaucaire et Aigues-Mortes d’ici fin 2025 ;
• La remise en service, par VNF en lien avec les gestionnaires de ports, des bornes de dépotage (collecte des eaux usées) et à terme le déploiement de nouvelles bornes pour un maillage en continuité avec celui du canal du Midi ;
• L’organisation à l’initiative de VNF de la 2ème édition de Canal en fête (du 23 au 25 mai) avec de nouveaux partenaires (comme la fédération de pêche), des nouvelles activités (comme la gastronomie) et davantage d’inclusion.
• Le lancement à l’initiative de VNF d’une étude de développement des 4 ports de plaisance en concession (printemps 2025).

Étude stratégique lancée sur le potentiel touristique

Canal du Rhône à Sète. Ph. DR

Une étude partenariale, socle d’une destination éco-touristique majeure avait été lancée à la suite du consensus territorial qui s’était dégagé en faveur de la vocation touristique du canal du Rhône à Sète et de son potentiel à devenir une destination éco-touristique fluviale et fluvestre majeure pour les visiteurs français et étrangers mais également pour les habitants de la région (conférence du canal lancée en 2020 par le préfet de la région Occitanie).

Son financement a été assuré, dans le cadre du Plan Rhône Saône, par VNF (53,2%) avec le soutien de la préfecture de région Auvergne-Rhône-Alpes (27,9 %), la Région Occitanie (6,3 %), le département du Gard (6,3 %) et le département de l’Hérault (6,3 %). Sa réalisation a été assurée par le cabinet EGIS. En tout premier lieu, il s’est agi de sonder en septembre 2023 via les réseaux sociaux un panel représentatif de 500 habitants, 500 touristes français et 300 touristes étrangers pour mesurer la notoriété du canal, évaluer son image et identifier les leviers potentiels pour mieux le valoriser.

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