Seule ville d’Occitanie sur Google Arts : Visitez les musées de Nîmes depuis chez vous

Musée de la Romanité de Nîmes. Ph. Olivier Arquès

Nîmes est la seule ville d’Occitanie à avoir signé un partenariat avec le géant américain sur la numérisation de près de 7 000 objets et plus de 4 000 manuscrits. Le projet, qui propose aussi la visite virtuelle de quatre de ses six musées – une ouverture sur le monde -, se nomme Nîmes Eternelle. Tout un programme qui pose des questions, comme le dit Agathe Bougon, secrétaire générale adjointe du Conseil national du numérique. Google, qui se défend de toute exploitation cachée, affirme que “rien ne remplace l’expérience physique d’un musée”.

Pactiser avec le diable a parfois du bon. C’est l’avis de la ville de Nîmes qui a signé le 15 novembre un partenariat avec Google Arts & Culture, la branche culture numérique, de très belle facture, qui réunit plus de 2 000 institutions culturelles de 80 pays. Un joli coup, à l’heure où Montpellier-Sète et 140 communes alentour tentent de décrocher, d’ici le 13 décembre prochain, le label Capitale européenne de la culture ; où la concurrence entre les deux capitales, l’une du Gard, la seconde de l’Hérault ne s’est jamais éteinte.

Attirer les digital natives qui préfèrent leurs consoles de jeux…

Cette rivalité ancestrale qui se transmet “sans raison”, comme l’explique si bien la géographe Catherine Bernié-Boissard dont Dis-Leur vous a parlé ICI… Nîmes a décidé de faire valoir des atouts millénaires. Et d’attirer les digital natives qui préfèrent leurs consoles de jeux à la visite d’un musée fût-il avec des lunettes de réalité augmentée. Certains devront être incités pour pousser la porte de musées spécialisés comme celui, magnifique, de la Romanité ou du Musée des Beaux-Arts. L’idée est d’embrayer sur les habitudes en distanciel prises lors de la pandémie et profiter de la technologie numérique qui a progressé à pas de géant.

Rayonnement international espéré

Musée de la romanité. Ph. Stéphane Ramillon – Ville de Nîmes

“Les sabots furieux de la bête, la poussière du combat s’envolant avec les cris, les rires, les bravos, les beuglements, le grondement du monument plein.” Alphonse Daudet, Numa Roumestan, 1881, peut-on lire dans le chapitre Google Arts & Culture consacré à la capitale du Gard, où les pages consacrées à la culture nîmoise sont en effet bluffantes de beauté et de réalisme. À l’heure où la Maison Carrée de Nîmes a été inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, ce projet marque le coup comme un porte-voix unique de son espéré rayonnement international.

Projet du nom de Nîmes Eternelle

Nîmes, la petite Beaubourg ou Nîmes, la petite Rome… La capitale du Gard a tout d’une grande ! Pour accéder au projet de la ville de Nîmes baptisé Nîmes Éternelle, ce n’est pas si évident. Si vous passez directement par Google Arts, tapez le mot-clé “Nîmes” dans le moteur de recherche. Une page s’ouvre et deux sujets y sont associés, cliquez sur Nîmes, Discover the history and heritage of the city of Nîmes. S’offrent alors à vous quatre visites virtuelles ; 70 histoires ; 9 000 images, etc. Foisonnant et encore incomplet, certes, mais quelle ouverture sur le monde !

En quelques clics, on se fait une idée claire de cette culture si forte et qui peut donner même envie d’un séjour touristique… Les six musées de la ville y font leur entrée. Avec des images en HD et des technologies comme Street View. On peut ainsi admirer des oeuvres depuis son canapé grâce notamment à quatre visites virtuelles du musée des cultures taurines ; du Vieux Nîmes ; des Beaux-Arts et de la bibliothèque du Carré d’Art (lire ci-dessous).

“Certaines familles n’ont pas l’argent pour aller au musée…”

Pourquoi la ville de Nîmes a-t-elle choisi cette solution ? N’accueille-t-elle pas assez de visiteurs dans ses lieux de culture ? Adjointe à la culture, Sophie Roulle y répond : “J’en attends davantage de visites. Le but est de valoriser les collections de nos musées et celles des bibliothèques. Et nos associations culturelles du territoire. Et puis s’adosser à une marque comme Google, c’est bénéficier d’un référence à une échelle mondiale.” Autre argument, la plateforme “est accessible au plus grand nombre”, relève Sophie Roulle qui ajoute : “Certaines familles n’ont pas l’argent pour s’acheter un billet d’entrée aux musées. Et cette plateforme est accessible pour le futur touriste qui veut préparer son prochain voyage.”

Pas de concurrence entre le musée tangible et la visite virtuelle

Papillons Morpho. collection Muséum d’Histoire naturelle de Nîmes Ph. Ville de Nîmes

N’y a-t-il pas un risque de “cannibalisation” ? Avec deux propositions qui pourraient se faire concurrence, un accès gratuit depuis le net et un accès payant dans les musées tangibles…? “Non, répond Sophie Roulle, je ne le crois pas. C’est un moyen pour le touriste qui veut préparer son voyage ou celui qui ne sait pas où aller du tout et qui va découvrir Nîmes sur Google qui va le diriger vers Google Arts & Culture…” Et d’ajouter :“On s’est posé la question, bien sûr. Mais, justement, on a eu des chiffres stipulant que trois fois sur quatre ce genre de partenariat initie une visite. Chaque mois, on ajoutera des contenus à cette plateforme. En 2024, il y aura une Biennale d’art contemporain qui y trouvera ensuite sa place.”

Ouvert aux associations culturelles de Nîmes

On peut donc y admirer depuis son canapé les collections des six musées de la ville mais pas seulement : “On a voulu que ce soit ouvert à l’ensemble de la culture nîmoise, dont les associations culturelles, par exemple l’association le Spot qui travaille autour de l’art urbain et le graf’ ; il y a aussi Nîmes s’illustre, qui est un festival d’illustration.” Tout ce qui est visuel y a sa place. Et ouvre la perspective d’autres projets avec Google.

Cela peut préparer aussi à la visite d’une classe dans l’un de nos musées. Et vice-versa : on peut faire visiter un musée aux enfants et ensuite poursuivre le travail en classe. C’est aussi un outil pédagogique”

Sophie Roulle espère que le corps enseignant s’en emparera. Dans les écoles élémentaires et au collège, notamment. Elle explique : “Cela peut préparer aussi à la visite d’une classe dans l’un de nos musées. Et vice-versa : on peut faire visiter un musée aux enfants et ensuite poursuivre le travail en classe. C’est aussi un outil pédagogique.” Elle affirme : “Nîmes est la première ville d’Occitanie à signer ce partenariat. Et on est la 3e ville en France, après Lyon et Bordeaux, à signer ce partenariat. Et comme nous l’a dit Benoît Tabaka, le secrétaire général de Google France, en termes de contenus, Nîmes se place loin devant.”

“Voir des réserves de musées, comme cela, c’est quand même super intéressant. Chaque conservateur a pu apporter le contenu de ce que tout le monde peut voire en ligne”

Le festival Nîmes S’Illustre. Ph. ville de Nîmes.

N’empêche, Google n’est pas une entreprise philantropique. Qu’a-t-elle à y gagner ? D’abord tout le contenu est gratuit pour la firme. Et elle y gagne en terme d’image et “de mécénat avec une part de défiscalisation, je pense. De notre côté, nous n’avons rien eu à payer à Google, à part le travail des agents municipaux qui ont travaillé sur le projet, confie encore Sophie Roulle. Google a en tout cas scanné en très haute définition certains des contenus des réserves de nos musées – dont certaines ne sont pas visibles par le public qui se rend sur place. Quand on zoome, par exemple, sur la collection de papillons du musée d’histoires naturelles, on s’aperçoit que c’est de grande qualité. Voir des réserves de musées, comme cela, c’est quand même super intéressant. Chaque conservateur a pu apporter le contenu de ce que tout le monde peut voire en ligne.” 

Quel avenir pour les données récupérées ?

Parade au confinement en 2020, à la déculturation et à la fainéantise éternelles, la numérisation à tous crins, est-ce aussi une façon pour Google de ripoliner à son avantage son image écornée ? Et de prendre le pouvoir. Google Arts et Culture
 met à portée de main les collections de plus de 1 800 musées à travers le monde.

Street art – quartier Gambetta – Nîmes © Dominique Marck – Ville de Nîmes

C’est, certes, aussi, “un moyen immersif d’explorer l’art, l’histoire et les merveilles du monde, du plafond de l’Opéra de Paris, en passant par les archives de la Seconde Guerre Mondiale et le Taj Mahal”. C’est aussi un moyen de développer “des technologies qui aident à préserver et à partager la culture, et permettent aux conservateurs de créer des expositions attrayantes en ligne et in situ, au coeur des musées”. Mais cela pose encore et toujours des questions sur la position hégémonique de la firme de Mountain View. Et de l’avenir des données et des datas récupérées.

Agathe Bougon est secrétaire générale adjointe du Conseil national du numérique. Son propos est clair : “Nous portons beaucoup d’intérêt au sujet, à celui de la numérisation des oeuvres d’art. Cela est aussi intéressant dans le suivi avec l’intelligence artificielle ; comment va-t-on utiliser les données demain ? Il n’y a, aujourd’hui, pas beaucoup de transparence sur l’utilisation de ces données. La question aussi c’est de faire en sorte que tout le monde s’y retrouve : Google, potentiellement d’autres entreprises ; des institutions culturelles et les citoyens. C’est un terrain d’expériences et d’apprentissage sur ces sujets.”

Olivier SCHLAMA

Les collections nîmoises s’ouvrent sur le monde

En décembre 2022, la ville de Nîmes avait déjà mis en ligne son Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine numérique. Une première en France. Doté du label Ville d’Art et d’Histoire, renouvelé en 2017, ce site internet fait découvrir à tous les publics l’histoire et l’évolution urbaine, architecturale et paysagère de Nîmes.

Grâce à la plateforme Google Arts & Culture, seront désormais accessibles au public une grande partie des collections des musées de la ville : 6 949 objets numérisés pour le Museum d’Histoire naturelle (collections entomologiques et botaniques), 4 211 images numérisées pour Carré d’Art Bibliothèque (manuscrits et cartes postales).

Quatre visites virtuelles proposées

La Maison Carrée – Nîmes © Dominique Marck – Ville de Nîmes

Dans le cadre du mécénat de compétences offert par Google, ces œuvres ont été scannées en très haute définition pour pouvoir zoomer aisément et découvrir les détails. On trouvera également quatre visites virtuelles (Carré d’Art Bibliothèque, Musée des Cultures taurines, Musée des Beaux-Arts, Musée du Vieux Nîmes), ainsi que 73 histoires thématiques.

Explorer la culture dans toute sa diversité

Toutes les histoires sont en anglais et français, avec un onglet traduction pour toutes les autres langues. Cette nouvelle visibilité permet d’imaginer des retombées au niveau international pour la Ville de Nîmes, du fait de la renommée de Google.

La plateforme permet d’explorer la culture dans toute sa diversité : art, musique, histoire, cuisines et coutumes locales, sites patrimoniaux… Elle permet aux visiteurs de développer une certaine intimité avec l’art, mais aussi de se confronter à différentes cultures par l’intermédiaire d’articles accessibles sur des artistes, des œuvres, des lieux et des traditions…

En collaborant avec les institutions pour innover et développer des outils technologiques qui répondent aux besoins des partenaires, la plateforme développe des outils de narration interactifs : numérisation en ultra haute résolution des collections, 3D scanning, réalité augmentée, intelligence artificielle, street views…

Élargir et fidéliser tous publics

Google Arts & Culture permet aux institutions culturelles de partager leurs collections et ainsi d’atteindre de nouvelles audiences. La plateforme vise avant tout le grand public qui s’intéresse à l’art mais qui, potentiellement, ne fréquenterait pas les musées. Mais elle s’adresse aussi à un public d’internautes non initiés, aux chercheurs et aux professionnels du milieu des arts et de la culture.

L’application offre également accès à des contenus ludiques. Grâce à Art Projector, les œuvres d’art s’invitent chez les particuliers en réalité augmentée. Cet outil numérique permet d’insérer une œuvre d’art individuelle grandeur nature dans son environnement. Sur tablette ou smartphone, des tableaux tels que Visite de François Ier aux monuments de Nîmes d’Alexandre Colin, 1836, ou la Mosaïque de Penthée, sont révélés en taille réelle à votre domicile.

“Rien ne remplace l’expérience physique d’un musée”

Simon Delacroix est manager du programme de Google Arts & Culture.

Qu’est-ce que Google Arts et Culture ? Qu’est-ce que ça représente en France ?

Google Arts & Culture est une application et une plateforme en ligne qui met à la disposition de tous, les trésors, les histoires et les connaissances de plus de 3 000 institutions culturelles de plus de 80 pays.

Nous mettons gratuitement à disposition de nos partenaires des technologies conçues pour le secteur culturel. Nous collaborons avec les institutions pour innover ensemble et développer des outils technologiques qui répondent à leurs besoins : outils de narration interactifs, numérisation en ultra haute résolution des collections, 3D scanning, Réalité Augmentée, Intelligence Artificielle, Street views et bien d’autres).

Société nationale des meilleurs ouvrier de France, Château de Versailles, Le Carton Voyageur…

Nîmes, la Rome Française.Collection Musée du Vieux Nîmes © Ville de Nîmes

Nous collaborons avec plus de 170 partenaires en France, que vous pouvez retrouver sur la page “Collections” de notre plateforme. Elles représentent une grande variété de savoirs-faire, d’œuvres, de lieux et de connaissances allant par exemple de la Société nationale des meilleurs ouvriers de France, au Château de Versailles ou encore Le Carton Voyageur – Musée de la carte postale.

Google Arts & Culture, ce sont aussi plus de 7 millions de photos, de vidéos, de manuscrits et d’autres documents sur l’art, la culture et l’histoire. Plus de 400 000 œuvres d’art. Et plus de 20 000 expositions numériques, disponibles sur la plateforme Google Arts & Culture.

Combien de villes en France y ont-elles recours ? Et en Occitanie ?

La plateforme est avant tout pensée pour les institutions culturelles, qui peuvent la rejoindre à titre individuel et bénéficier des technologies offertes par Google Arts & Culture. La page Nîmes Eternelle est donc un regroupement de onze partenaires individuels liés à la ville de Nîmes et à la direction des musées et du patrimoine. Plus de 3500 institutions culturelles dans le monde ont rejoint Google Arts & Culture, dont plus de 170 en France.

Avant Nîmes, nous avons collaboré avec de nombreuses institutions culturelles pour mettre en valeur les richesses du territoire français. On peut retrouver toutes ces collections sur la page “Merveilles de France”, qui contient des chapitres sur la Nouvelle Aquitaine, les Châteaux de la Loire, ou encore les Trésors de Lyon, parmi beaucoup d’autres.

Quel en est l’intérêt pour elles et pour Google ? De faire du bien à son image ? Attirer les digital natives ?

Carré d’art – Nîmes © Dominique Marck – Ville de Nîmes

Si la mission de Google est de rendre les informations du monde plus accessibles, celle d’Arts & Culture est de rendre la culture du monde accessible à tous, partout. C’est une porte d’entrée pour explorer la culture dans toute sa diversité, y compris l’art, la musique, l’histoire, les cuisines et coutumes locales, les sites patrimoniaux et bien plus encore. Nous nous positionnons également comme un partenaire d’innovation pour les institutions culturelles et à ce titre nous espérons que les technologies que nous mettons à disposition gratuitement peuvent pleinement bénéficier au secteur culturel et créer de la valeur.

Est-ce aussi une façon par la suite de pouvoir attirer des touristes vers ces villes qui y ont souscrit ?

Nous espérons que notre collaboration avec les institutions culturelles de Nîmes leur offriront une nouvelle vitrine qui permettra à leur collections de rayonner en France et à l’étranger et de donner au plus grand monde l’envie de la visiter. En proposant une expérience en ligne, elle permet à ceux qui ne pourraient pas se déplacer d’en apprendre davantage sur ses trésors culturels.

Est-ce parce que les villes ne veulent (peuvent) pas investir autant que Google pour numériser leurs œuvres ?

Nous ne pouvons répondre à la place des villes ou de nos partenaires, mais nous sommes heureux, dans le cadre de notre partenariat, de pouvoir leur mettre à disposition des outils de numérisation gratuits.

Pouvez-nous nous donner le bilan d’une ville comme Lyon qui y participe ?

La plateforme est utilisée par les institutions culturelles individuelles et non par les villes directement. Ces institutions ont toutes accès gratuitement à nos outils de numérisation, de storytelling en ligne, et peuvent mesurer leur audience sur leurs pages.

N’est-ce pas un danger pour les musées ? N’y a t-il pas de cannibalisation ; de moindre fréquentation dans ces musées ?

Portrait de Pepe Hillo par Eugenio Lucas Y Velazquez – collection Musée des Cultures taurines © Ville de Nîmes

Nous avons le plaisir d’avoir pu collaborer avec plus de 3 000 institutions culturelles au cours des treize dernières années et notre collaboration et n’avons pas reçu de retours de ce type de la part de nos partenaires. Nous croyons que leur présence en ligne permettra au plus grand nombre d’accéder à la richesse de leurs collections et leur donnera envie de les visiter physiquement, car rien ne remplace l’expérience physique d’un musée.

Les musées gardent-ils leurs droits sur les œuvres ?

Oui nos partenaires gardent l’intégralité des droits sur leur oeuvres, y compris sur les images numérisées par nos équipes. Nous ne gardons aucun droits.

Votre plateforme est-elle ou sera-t-elle monétisée ? Les données et les datas que vous récupérez sont-elles monétisées ? Le seront-elles ?

Non, la mission de Google Arts & Culture est de rendre la culture du monde accessible à tous, partout, et d’être un partenaire d’innovation pour nos institutions culturelles partenaires. Dans cet esprit, la plateforme et ses données ne sont pas monétisées.

Propos recueillis par Olivier SCHLAMA

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