Racisme, antisémitisme : Le Tour de France de jeunes militants du vivre-ensemble

Rencontres avec l'espace Sango de Plateforme Solidarité Internationale, avec Vernet au Féminin et le Foyer Laïque du Haut Vernet, à Perpignan. Ph. DR.

Des jeunes engagés auprès de SOS Racisme organisent des rencontres, des débats, notamment, en Occitanie, à Perpignan, Toulouse et Montpellier. Le but : “On ne peut pas laisser en permanence dans les médias et les discours de certains politiques émerger cette idée, fausse, qu’il y aurait nécessairement de la haine entre les communautés et qu’il y ait une fatalité à cela.”

On se rappelle tous la Marche des Beurs pour l’égalité et contre le racisme, en 1983, la première du genre en France. Plus de 40 années plus tard, le sujet est toujours d’actualité : le racisme et l’antisémitisme gangrènent la France. Sous la forme de forums, il y a six ans, de jeunes Français, juifs et arabes, ont décidé de s’unir pour proposer d’échanger lors d’un Tour de France par étapes. Le projet s’appelle Salam, shalom, Salut (bonjour en arabe, hébreu et français), à l’initiative de SOS Racisme. Il s’agit de renouer le dialogue sans filtre entre communautés qui, parfois, ne se parlent plus. Or, s’écouter, se comprendre, c’est l’une des solutions contre la haine véhiculée à l’envi, en gardant l’espoir d’un vivre-ensemble respectueux.

Perpignan, Montpellier, Toulouse…

Ph. DR

Après un lancement du projet à Paris, un groupe d’une vingtaine de jeunes engagés à SOS Racisme se mobilisé pour aller porter la bonne parole dans une douzaine de villes en France dont Bordeaux, Perpignan le 15 février (1), Montpellier, Lyon, Marseille, Lille, Toulouse, Strasbourg, Sarcelles, Aubervilliers, Nanterre et Saint-Denis. Dans chacune de ces villes, une étape de Salam Shalom Salut se décline typiquement en plusieurs temps : des rencontres avec des jeunes dans des collèges, lycées et centre sociaux ; des rencontres avec des associations Et une conférence-débat rassemblant les habitants de la ville. Il s’agit “de recréer des espaces de discussion susceptibles de s’adresser au plus grand nombre et en particulier à la jeunesse”. Alors que l’antisémitisme est au plus haut.

On ne peut pas laisser en permanence dans les médias et les discours de certains politiques émerger cette idée, fausse, qu’il y aurait nécessairement de la haine entre les communautés et qu’il y ait une fatalité à cela”

Romain Montbeyre-Soussaud, qui a en charge ce Tour de France à SOS Racisme, dit : “Ce projet est né en 2018 au moment d’une succession de crimes racistes et antisémites. Notamment celui de Mireille Knoll, 85 ans, rescapée de la Rafle du Vel d’Hiv, et qui a été assassinée en mars 2018 par son voisin. La justice a reconnu le meurtre antisémite par son voisin. Le meurtre va être instrumentalisé par l’extrême droite. Il y a eu, à peu près à la même période, le meurtre de Saïd El Barkaoui, à Ychoux (Landes). Un père de famille tué par son voisin là aussi de cinq balles sous des cris racistes. Il y a eu une volonté de jeunes militants de SOS, de Jalons pour la Paix, une association d’Auberviliers, et l’Union des étudiants juifs de France, de se dire : on ne peut pas laisser en permanence dans les médias et les discours de certains politiques émerger cette idée, fausse, qu’il y aurait nécessairement de la haine entre les communautés et qu’il y ait une fatalité à cela.”

“S’opposer au discours de haine d’où qu’il vienne. Et le dénoncer avec énormément de fermeté”

Ph DR.

La genèse de ce projet est de “sortir de ce cliché insupportable qu’il y aurait une haine entre juifs et musulmans en France. Nous organisons des rencontres, des interventions dans des classes avec des jeunes qui parlent de leur identité, de leur parcours. Sans pour autant être naïfs sur leur communauté : il y a des réalités d’antisémitisme dans une partie de la communauté arabo-musulmane ; de haine anti-musulman dans une partie de la communauté juive. Mais comment peut-on arriver à dépasser cela ? Ces jeunes engagés prônent de porter un message positif et de montrer l’exemple en disant : regardez, si nous on peut le faire, le vivre-ensemble est possible. Il n’y a pas de fatalité à la haine. Il s’agit, aussi, de s’opposer au discours de haine d’où qu’il vienne. Et le dénoncer avec énormément de fermeté.” Ce projet a, depuis, été élargi. Parce que “les questions identitaires traversent les jeunes français dans toutes leurs diversité.” 

Documentaire de Hanna Assouline sur le projet

Ce sera plus difficile de renouer les liens du dialogue, davantage qu’il y a 40 ans. “La période n’est pas favorable, consent à dire Romain Montbeyre-Soussaud. On a énormément de difficultés ; ce n’est pas simple parce que les communautés, parfois, ne se parlent plus ; il y a aussi des fractures assez flagrantes ; parce que aussi l’on n’est pas forcément aidés par des municipalités… Mais on y croit. À Perpignan, par exemple, où la municipalité est très dure avec certaines associations et acteurs locaux, eh bien, ces acteurs-là sont très impliqués et demandeurs. Hanna Assouline, dont le mouvement les Guerriers de la Paix est nommé au prix Nobel de la Paix 2025, a effectué un documentaire (A Notre Tour, lire ci-dessous) sur notre projet lors de sa première année.”

“Des actions contre le racisme, l’antisémitisme, la haine contre les musulmans et les discriminations”

Ph DR.

Ces espaces de dialogue permettent d’aborder en profondeur la question des identités et du vivre ensemble, dans un format interactif propice aux échanges, tout en mettant en avant les associations locales qui travaillent au quotidien à la citoyenneté et l’engagement des habitants.

Et au-delà ? “Le Tour de France n’est pas une fin en soi. Il est même plutôt un début. Car, ce que nous ambitionnons pour chacune des étapes du Tour de France, c’est amener les médias à parler en termes positifs de notre passage dans chacune des villes visitées ; pousser les responsables politiques à prendre position en faveur du vivre-ensemble, au-delà de mots creux et de positions d’un seul soir ; convaincre les jeunes à s’engager à nos côtés en déployant dans chaque territoire des actions contre le racisme, l’antisémitisme, la haine contre les musulmans et les discriminations.

Olivier SCHLAMA

  • (1) Samedi 15 février à Perpignan, soirée, débats, concerts au Nautilus, à 18 heures, entrée gratuite. Toulouse, samedi 1er mars, à 19h30, Pavillon République, soirée rencontre-débat, entrée gratuite sur inscription. Pour Montpellier, la date n’est pas encore fixée.
  • À Perpignan, en septembre 2022, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI, le maire RN baptise une place Pierre Sergent, SOS Racisme avait saisi préfet et ministre. Les élus d’opposition et la vice-présidente de la Région, Agnès Langevine, sont déjà montés au créneau. C’est désormais Dominique Sopo, président de SOS racisme, qui demande au préfet contre, selon lui, “l’illégalité” d’une délibération qui met à l’honneur un dirigeant de l’OAS. Pour Louis Aliot, “nous sommes une ville qui entretient avec cette mémoire-là des liens particuliers…” Le tribunal administratif de Montpellier vient d’annuler cette dénomination. La ville de Perpignan annonce son intention de faire appel.

À lire également sur Dis-Leur !

Manif contre l’antisémitisme à Montpellier : “Plus que jamais, lutter contre les clichés sur les Juifs”

Président du Crif à Montpellier : “La bataille de l’antisémitisme est difficile mais pas perdue”

Festival Nostre Mar/Perpignan : “Il y en a assez que l’antiracisme rase les murs”