Éolien flottant : Pourquoi les “vent debout” ne s’essoufflent pas

éoliennes flottantes, illustration.

Le vent, source d’énergie et de… polémiques inépuisables. Du Moulin de Daudet à la récente dépression météo Patricia, la tramontane nous arrose continument de sa surpuissance. Cela a de quoi ajouter de l’eau au moulin. Les contempteurs s’opposent, toujours nombreux, à la création d’éoliennes en Méditerranée,  d’ici dix ans, de… 250 mètres de haut ! Le compte rendu de la dernière réunion publique sur ce sujet, en juillet, à Marseille montre une nouvelle fois l’ampleur de l’émoi.

Souveraineté et indépendance énergétiques obligent, la décision est prise depuis longtemps mais on continue la… « concertation ». Avec certains grincements de dents : certains garants, à l’image d’Antoine Landeau que nous avions interrogé ICI, ont rendu leur tablier, ne voulant plus cautionner ce projet. Interpellé, ce dernier est resté injoignable. Nouveau garant, Bernard-Henri Lorenzi a expliqué que “l’ancienne équipe a démissionné car il y a eu un désaccord entre les trois garants”, depuis lors remplacés.

Les garants démissionnent contre le “manque d’écoute vis-à-vis du public, des associations et des pêcheurs”…

Éoliennes flottantes, illustration. 2017; pH; Shaun Dakin, Unsplah

Reprenant une information du journal La Marseillaise, le site Marsactu va plus loin : les garants entendaient ainsi “dénoncer un manque d’écoute vis-à-vis du public, des associations environnementales et des pêcheurs, que le projet inquiète. Quatre réunions de concertation ont eu lieu depuis avril 2022 dans lesquelles l’Etat présentait son projet, c’est de la communication tout au plus, on ne peut pas appeler cela de la concertation”, dénonce ainsi l’un des démissionnaires. Un projet à marche forcée. Ce n’est pas tout. “Réponses partielles, manque de moyens : les boîtes mails des trois garants, censées être le canal principal par lequel le public peut saisir les garants, n’ont pas fonctionné jusqu’au mois de décembre, huit mois après le début de la concertation qui a débuté en avril 2022″…

Nouvelle réunion à Marseille le 12 juillet

Bref, “suite à la confirmation faite par le gouvernement de la localisation du second parc éolien flottant en Méditerranée”, une réunion publique s’est tenue le 12 juillet, à Marseille dont un compte rendu a été dressé. L’objectif ? “Dresser le bilan des évolutions et de l’état d’avancement du projet, de répondre aux questions des habitants et de recueillir leurs propositions. Elle permettra de faire le point sur le choix de la zone accueillant le second parc et son extension, et sur les études techniques et environnementales menées, ainsi que sur la procédure de dialogue concurrentiel visant à attribuer les deux premiers parcs de 250 MW, pour laquelle 13 candidats ont été sélectionnés en août 2022.”

Secrétaire général adjoint pour les affaires régionales de la préfecture de Paca, Olivier Teissier a expliqué lors de cette réunion comment cette démarche s’inscrit dans la “stratégie nationale de lutte contre le réchauffement climatique (…)” avec un objectif cohérent avec celui de l’union européenne de miser sur la neutralité carbone du pays en 2050.

“Attendez les résultats des études sur les éoliennes pilotes…”

Évidemment, les craintes, voire les oppositions, se sont montrées nombreuses. Ghislain Dubois, d’ENR pour tous, par exemple, a demandé des précisions sur la concertation ; Anthony Faiges, patron pêcheur, a demandé, lui, comme beaucoup l’ont déjà fait avant lui, “d’attendre les résultats des études réalisées avec les trois éoliennes pilotes {en Occitanie par la Région, Ndlr} avant de s’engager dans la construction d’un parc.”

“La pêche chalutière qui ne sera plus possible…”

Réunion pêcheurs Sète sur débat public sur éoliennes flottantes en Méditerranée le 27 août 2021. Olivier SCHLAMA

Frédéric Autric, directeur de projet éolien flottant à la Dreal Occitanie, a répondu : “Sur les fermes pilotes, les facteurs de charge sont estimés autour de 45 %. Pour l’éolien commercial, les estimations sont autour de 50 %, confirmées par des études de Météo France (…)” En ce qui concerne l’envergure des parcs, “les éoliennes seront espacées de un à deux kilomètres. Les parcs se situant au-delà des douze milles nautiques, les activités ne concernent que très peu les petits métiers mais plutôt la pêche chalutière qui ne sera plus possible compte tenu de la présence des lignes d’ancrage et des câbles électriques”… Coup de froid…

Militant pour un “éloignement de ces parcs, un habitant présent, Djillali Guenniche, a considéré, lui, “qu’à cause de leur trop petite taille, ces deux parcs sont morts-nés (…) La technologie de courant continu est rentable à partir de 1 GW…” Frédéric Autric lui a répondu que, pour lancer la filière, il fallait une “montée en puissance”.

“Les éoliennes se seraient retrouvées au niveau d’un canyon sous-marin…”

Un autre patron pêcheur, Nicolas Hauny, du Grau-du-Roi (Gard) a déploré que “les pêcheurs n’aient pas été consultés au moment du choix des zones {faux, a répondu Eric Levert, directeur interrégional de la Méditerranée} et que l’on ne se soucie pas de la suppression d’une économie locale. Cette installation d’éoliennes risque fortement d’impacter bon nombre d’emplois du secteur.” Sur la possibilité d’éloigner ces parcs, Pascal Martin, responsable de la concertation région Paca-RTE a souligné “au-delà des contraintes technico-économiques pour le raccordement, les éoliennes se seraient retrouvées au niveau d’un canyon sous-marin, dans des profondeurs bien plus importantes que celles retenues.”

Les conclusions de l’étude scientifique seront disponibles en 2025. Il n’est donc pas possible d’affirmer que les données environnementales ont été prises en compte pour le choix du site N°2″

Pierre-Yves Hardy, de WWF France
Photo D.-R.

De son côté, Pierre-Yves Hardy, de WWF France, a pointé : “Les conclusions de l’étude scientifique seront disponibles en 2025. Il n’est donc pas possible d’affirmer que les données environnementales ont été prises en compte pour le choix du site N°2.” Il est relayé par Anthony Faiges souhaitant que “l’impact sur les poissons soit également étudié comme cela se fait pour les oiseaux. En tant que pêcheur, je veux savoir si je pourrais vivre de mon activité ou non dans le futur…” Frédéric Autric, de la Dreal Occitanie a répondu “qu’il y a bien des études sur les poissons, mollusques et crustacés avec un certain nombre de programmes d’actions partagés avec les deux comités régionaux des pêches (…) Le programme FISHOWF porté par France énergies marines, vise à mettre en place des méthodes de suivi télémétriques.”

Il a engagé la “profession à lancer des programmes de recherche. L’observatoire de l’éolien en mer, mis en place par l’État avec un budget de 50 M€, entre 2022 et 2024, a lancé un appel à projets en juin pour mieux documenter la connaissance du milieu marin, les interactions entre éolien et environnement et toutes les solutions d’évitement et de compensation. 15 M€ sont ainsi prévus pour financer des projets d’un montant minimal de 200 000 € avec une première relève au 15 septembre et la prochaine en fin d’année”.

On ne peut pas laisser croire qu’il y aura des pêcheurs en Méditerranée qui pourront pêcher à l’intérieur des parcs éoliens…”

Bernard Pérez, président du comité régional des pêches

Un certain Thomas Sérazin a dit : “Le secteur de la pêche concerne 5 000 personnes. Les pêcheurs se posent beaucoup de questions…” De son côté, le président du comité régional des pêches, Bernard Pérez considère qu’il est “vraiment nécessaire que les garants continuent de suivre les travaux au vu des problèmes avec la profession (…) On ne peut pas laisser croire qu’il y aura des pêcheurs en Méditerranée qui pourront pêcher à l’intérieur des parcs éoliens : les chalutiers ne pourront pas le faire tout comme les palangriers et la majorité des petits métiers.”

“Biodiversité des canyons à préserver…”

La Camargue vue du ciel avec ses flamants roses. Photo : Jean Jalbert

Les élus n’ont pas été en reste. Anne Claudius-Petit, conseillère régionale Paca et présidente du Parc naturel de Camargue, a rappelé que “la biodiversité est particulièrement riche et spécifique dans les canyons en faisant plutôt des zones à préserver”. Maire de Saintes-Marie-de-la-Mer, Christelle Aillet, a exprimé “l’inquiétude de mes administrés, notamment chasseurs et pêcheurs, quant à la zone d’implantation des éoliennes sur un axe majeur des migrations et dont la moitié des espèces sont protégées. Le projet est en contradiction avec les régimes de protection tout autour, évoquant la réserve marine et la zone de protection spéciale au titre de la Directive oiseaux”.

Sur le bruit généré par les machines, Frédéric Autric confirme qu’un “rapport du CNRS a été publié. La connaissance doit progresser et les études à venir doivent répondre aux interrogations des différentes parties prenantes (…) La mise en service étant programmée pour 2031, il reste du temps pour aboutir à la connaissance de l’impact de ces projets.”

“Le bruit d’un bateau qui navigue…”

Enfin, Alexandra Gigou, de l’Office français de la biodiversité (OFB), a souligné que “le bruit d’une éolienne en mer correspond environ au bruit d’un bateau qui navigue. Le bruit serait donc restreint. Et au périmètre du parc sans se propager au-delà. Un projet de caractérisation du bruit ambiant, financé par l’observatoire de l’éolien en mer, a été lancé par l’OFB dans le Golfe du Lion sur trois ans. Cinq campagnes seront lancées au moment des plus fortes fréquentations maritimes, en août et en hiver, puis, avant, pendant et après l’installation des premiers parcs pilotes. Des observations seront aussi réalisées pour caractériser les interactions du bruit avec les cétacés, dont les grands dauphins”.

Réduire les émissions de gaz à effet de serre

éoliennes flottantes. Dr

L’Etat s’est en effet engagé à diversifier ses sources d’énergie et à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. D’où la floraison de projets d’éoliens en mer : deux fois 250 mégawatts (MW) en Méditerranée (validés le 19 juin dernier) puissance susceptible d’être doublée dans le futur ; 600 MW au large de Dunkerque ; 1 GW au large de la Normandie ; 250 MW au large de la Bretagne Sud ; de 500 MW à 1 GW en atlantique Sud et 1,5 GW de plus en Normandie.

700 M€ pour un seul parc et des éoliennes hautes de 250 mètres chacune

En Méditerranée, deux zones ont été retenues : au large de Fos-sur-Mer et au large de Port-la-Nouvelle. Avec la désignation des lauréats cette année pour une mise en service dès 2030. La Commission nationale du débat public – une instance indépendante – avait été saisie avec un débat public du 12 juillet au 31 octobre 2021. Le compte rendu avaient fait grincer des dents {retrouvez le dossier complet ICI}. Le 17 mars 2022, les pouvoirs publics décident de la poursuite du projet.

Le gouvernement a décidé, en mars dernier, de se lancer dans cette vaste entreprise. Selon une étude de l’Ademe, un seul parc de 250 mégawatt (20 machines), hors raccordement, coûtera autour de 600 M€ à 700 M€.

Les caractéristiques précises des éoliennes (puissance et hauteur notamment) ne sont pas connues à ce stade et seront affinées au cours de la vie du projet. Mais, “considérant les récentes évolutions techniques du secteur, il est cependant probable que celles-ci aient une puissance unitaire supérieure ou égale à 13 MW, et une taille supérieure à 250 mètres de hauteur”, avait précisé le ministère. Ce n’est pas rien !

Olivier SCHLAMA

À lire également sur Dis-Leur !

Méditerranée : Éoliennes flottantes, le grand saut, c’est maintenant !

Méditerranée : Top départ pour les éoliennes géantes !