Énergies renouvelables : Éoliennes géantes en Méditerranée, l’État met les gaz !

Guerre en Ukraine, recherche de l’indépendance énergétique, présidentielle… Le cocktail a eu raison des atermoiements. Personne ne s’attendait à une décision aussi rapide. Deux parcs d’éoliennes flottantes géantes – hautes comme la Tour Eiffel ! – pousseront au large de Port-la-Nouvelle (Aude) et de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) avec l’ambition de couvrir 10 % des besoins en électricité de l’Occitanie et de Paca. Si Macron est réélu, on déploiera ainsi 50 parcs éoliens en mer d’ici 2050.

D’une visite, le sort de la Méditerranée est scellé : notre horizon va fleurir de deux parcs d’éoliennes flottantes – chacune haute comme la Tour Eiffel ! – pour battre le vent et produire notre électricité du futur. On n’a rien inventé, on a juste décuplé. La France était jadis parcourue de milliers de moulins à vent, la Grande Bleue va s’offrir des moulins géants à 22 kilomètres du littoral… Une première en France.

Deux mois après les conclusions du débat public

En espérant que la zone devienne une attraction touristique et un vivier à poissons plutôt qu’un repoussoir… À peine le débat organisé par la Commission du débat public est-il achevé que le gouvernement lance dans la foulée une procédure de mise en concurrence pour le développement des deux premiers parcs. Avec une attention “toute particulière à la biodiversité, aux activités de pêche et même au recyclage des pales d’éoliennes”, promet-on au cabinet de Jean Castex.

Au large de Port-la-Nouvelle et de Fos-sur-Mer

Didier Codorniou, 1er vice-président de la région Occitanie, Jean Castex, Premier ministre, et Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique à Port-la-Nouvelle, lundi. Photo : Services du Premier ministre.

Le contexte est triple : une guerre au coeur de l’Europe, en Ukraine, de recherche d’une indépendance énergétique et d’une campagne présidentielle éclair. Nourrie par ces crises, l’annonce du Premier ministre à Port-la-Nouvelle est retentissante.

En visite, notamment dans l’Aude, Jean Castex a annoncé ce lundi le lancement de deux parcs éoliens off shore, au large de Port-la-Nouvelle (Aude) et de Fos (Bouches-du-Rhône). “Sous réserve des résultats d’études environnementales, notamment l’étude Migralion sur l’avifaune migratrice dans le golfe du Lion”, souligne-t-on dans l’entourage du Premier ministre. “Sinon, un plan B serait mis en oeuvre au large de Sète, Agde ou Perpignan, par exemple.” Chacun de ces parcs de 250 mégawatt a “vocation à s’étendre jusqu’à 750 mégawatts”. La procédure sera lancée d’ici 2023 pour une mise en service sept ans plus tard, en 2030.

Chaque parc occupera une superficie de 50 km2

À trois semaines du premier tour de la présidentielle, l’État met les gaz avec deux parcs de vingt machines. La concertation s’est terminée en octobre 2021. Ces moulins à vent qui vont fleurir à l’horizon sont censés alimenter les communes littorales en électricité tout au long de l’année. Le coût total se situe à plusieurs milliards d’euros. Les deux parcs occuperont une superficie de 50 km2 chacun et les extensions environ 100 km2 chacune, alors que les superficies des zones retenues sont chacune de l’ordre de 300 km2. Par ailleurs, des études techniques et environnementales seront poursuivies sur une zone située au centre du Golfe du Lion, à plus de 34 km des côtes.

Une très large concertation

Réunion du monde de la pêche à Sète sur le projet d’éoliennes flottantes en Méditerranée le 27 août 2021. Photo : Olivier SCHLAMA

Comme la loi l’y obligeait, c’est une instance indépendante, la Commission nationale du débat public, qui a mené une très large concertation. Ce serait une première en France qui a pris beaucoup de retard dans le secteur des énergies renouvelables. “Savez-vous combien il y a d’éoliennes flottantes en France ? Il n’y a qu’une… seule à Saint-Nazaire et expérimentale…”, questionnait un spécialiste du secteur sur Dis-Leur ! ICI. “La France a pris du retard. Plusieurs autres pays comme la Hollande, la Belgique ou l’Allemagne ont déjà leurs parcs qui fonctionnent bien”, disait-il.

Une exigence très forte d’information du public…

En janvier 2022, après avoir rencontré 4 000 personnes dans 34 communes, recueilli des milliers de témoignages, organisé 131 événements et ateliers, la Commission du débat public a publié son compte rendu, consultable ICI. “L’un des arguments majeurs, c’est l’exigence très forte d’information du public pour attendre les enseignements des fermes pilote” qui… n’existent pas encore. L’Etat et RTE avaient jusqu’au 31 mars pour fournir “des réponses précises et argumentées”. Et dire s’ils poursuivent ou non le projet de 50 machines géantes en Méditerranée.

La décision est donc prise. Quant aux réponses aux questions des habitants… “Ce projet s’inscrit dans une ambition globale”, tranche-t-on simplement dans l’entourage du Premier ministre. “Il s’agit, d’ici 2050, de se passer des deux tiers de notre consommation de pétrole.” Le contexte s’y prête plus que jamais. D’où cette accélération historique due à la guerre en Ukraine, à l’explosion du prix du gaz et de l’essence. Sans oublier l’enjeu climatique et du pouvoir d’achat.

50 parcs d’éoliennes pour 50 gigawatts d’électricité

Emmanuel Macron en Polynésie en août 2021. Photo : Olivier SCHLAMA

Cette décision de Jean Castex s’inscrit aussi dans la droite ligne de l’annonce faite par Emmanuel Macron à Belfort, sur le site de GE Steam Power, souhaitant, le 10 février dernier, outre la relance du nucléaire (avec la création de six nouveaux EPR et huit autres à l’étude), qu’il y ait aussi la création de “50 parcs d’éoliennes en mer pour produire 40 gigawatts d’électricité”, précise-t-on au cabinet de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili.

Des éoliennes flottantes, une première en France

Actuellement, des chantiers d’aérogénérateurs sont en cours de construction mais uniquement sur la façade atlantique, à Saint-Nazaire, au large de Fécamps et Saint-Brieuc, notamment. Ils font tous appel à la technologie des éoliennes posées, là où les fonds sont peu profonds. Une technologie impossible en Méditerranée. 

“Le projet d’éoliennes en Méditerranée sera le premier du genre, après le lancement de quatre fermes pilote dont trois en Méditerranée. Beaucoup de chemin a été parcouru. Et on a tenu compte de tous les enjeux, notamment de biodiversité et ceux liés à la pêche”, souligne-t-on à Matignon. Chaque machine sera, quand même, de l’aveu des différentes sources, “l’équivalent en hauteur d’une Tour Eiffel avec un flotteur de 150 mètres de côté. D’où l’importance d’amorcer une filière ad hoc qui commence par le lancement d’appels à manifestation d’intérêts” (ci-dessous).

Créer une filière, multiplier les emplois par quatre

arnaud brasseur
Arnaud Brasseur, chargé du projet de Port-la-Nouvelle expliquait en 2019 à Dis-Leur que les “travaux permettront d’assembler les premiers flotteurs d’éoliennes… ” Photo : Olivier SCHLAMA

C’est aussi pour cela que le Premier ministre a annoncé 32 M€ d’investissement pour “transformer le port de La Nouvelle “(ci-dessous). “L’éolien en mer ne sera pas le photovoltaïque de demain : nous recherchons à créer une vraie filière avec des retombées industrielles en France. Il y a un vrai enjeu d’innovation sur les flotteurs. C’est l’une des ambitions de notre politique industrielle pour l’emploi. L’idée de la ministre Barbara Pompili c’est de multiplier par quatre le nombre d’emplois dans la filière d’ici 2035. Pour cela notre but c’est d’atteindre un niveau de fabrication locale d’au moins 50 % du projet”, insiste-t-on au cabinet d’Annick Girardin, ministre de la Mer.

Un soutien de 300 M€ pour les éoliennes flottantes

Dans le cadre de France 2030, ce sont de l’ordre de 300 millions d’euros qui seront dédiés au soutien de cette industrie de l’éolien flottant, émergente innovante, vertueuse et appelée à se développer de façon massive. La filière, qui compte déjà 5 000 emplois, est appelée à se développer “massivement”. Elle s’engage, disent les services du Premier ministre, “à quadrupler le nombre d’emplois directs et indirects liés à l’éolien en mer d’ici 2035, à engager plus de 40 milliards d’euros d’investissement au cours des 15 prochaines années et à atteindre un contenu local à hauteur de 50% sur les projets”.

“Nous pourrions être la première nation à sortir de la dépendance du gaz, pétrole et charbon…” a réaffirmé le candidat à sa succession Emmanuel Macron, cet après-midi en présentant son programme.

Olivier SCHLAMA

  • Selon le gouvernement, “ces deux parcs éoliens flottants, d’une capacité d’environ 250 MW chacun, feront partie des premiers projets de ce type à l’échelle mondiale, après celui situé au large du sud de la Bretagne. Ils seront complétés ultérieurement de deux extensions de 500 MW chacune, situées à proximité. L’ensemble de ces parcs permettront de produire un volume d’électricité équivalent à la consommation électrique d’environ 2,9 millions d’habitants, soit près de 10 % de la consommation électrique cumulée des régions Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur.”

Carole Delga : “C’est une filière d’avenir”

Se félicitant de cette décision, Carole Delga, la présidente de Région a réagi à cette annonce : “Dès 2016, j’ai souhaité engager ce projet d’extension du port qui donne un souffle nouveau à tout un territoire et offre de réelles perspectives pour la création d’une énergie propre, renouvelable et locale. En 2018, nous signions le pacte de Narbonne avec plus de 500 acteurs.”

“L’Occitanie fait figure d’exemple en France”

Photo : Matignon.

Cela débute il y a deux ans. “Début 2020, avec les régions Bretagne, Pays de la Loire et Sud, poursuit-elle, nous obtenions deux parcs de 250 MW en Méditerranée au lieu d’un seul comme le prévoyait initialement la programmation pluriannuelle de l’énergie. L’éolien en mer flottant est une filière résolument d’avenir sur laquelle nous avons su miser en mobilisant les moyens nécessaires. L’engagement financier de l’Etat et l’annonce du premier parc commercial au large de Port-La Nouvelle confirme que l’Occitanie fait figure d’exemple en France. A ce titre, la Région s’engagera aux côtés de la filière dans le Pacte éolien en mer annoncé aujourd’hui par le Premier ministre.”

Fermes pilotes, de l’électricité pour 100 000 habitants

“À elles seules, les fermes pilotes de Leucate – Le Barcarès et de Gruissan, rendues possibles grâce à l’extension du port de Port-La Nouvelle, produiront l’équivalent des besoins énergétiques de 100 000 habitants. La plus-value environnementale de l’éolien en mer est donc réelle. Elle est aussi économique puisque ce projet impulse une nouvelle dynamique sur le littoral avec l’implantation d’activités innovantes et créatrices d’emplois. Ici, nous mixons économie bleue et transition verte pour créer un écosystème attractif, innovant et durable, un moteur pour l’ensemble du territoire régional” a notamment déclaré Carole Delga en marge de ce déplacement.

Port-La-Nouvelle : l’État apporte 32 M€

Nouveau bassin portuaire de 100 hectares avec la construction et le prolongement de 3,6 kilomètres de digues, en vue d’accueillir des navires jusqu’à 225 mètres de long ; aménagement d’un quai dédié à l’éolien flottant en mer de 250 mètres, sur lequel seront assemblés dès 2022 les premiers flotteurs des fermes pilote… C’est une aide de 32 M€ annoncée au titre du plan de relance, pour contribuer au financement de la première phase des travaux d’extension du port de Port-La-Nouvelle, sous maîtrise d’ouvrage de la Région Occitanie.

La Nouvelle : production de l’hydrogène vert

Port-la-Nouvelle : Les éoliennes flottantes, c'est pas du vent !
Port-la-Nouvelle : Les éoliennes flottantes, c’est pas du vent !

“Ces travaux d’agrandissement s’inscrivent dans un projet ambitieux qui vise à faire de Port-La-Nouvelle le hub de la transition énergétique de la Méditerranée, autour de l’éolien flottant en mer et aussi de l’hydrogène vert. Ainsi, dans le cadre du projet HYVOO déjà soutenu par l’État à hauteur de 11,4 M€ (crédits de l’Ademe et France Relance), un électrolyseur sera installé dès 2024 sur le port pour produire de l’hydrogène vert à partir de l’électricité des éoliennes flottantes.”

À cette occasion et dans le cadre de France 2030, deux appels à manifestations d’intérêt sont lancés pour favoriser le développement d’infrastructures portuaires à même d’accueillir des activités industrielles liées à l’éolien flottant et la structuration de ces activités industrielles. Dans le cadre de France 2030, 300 M€ seront dédiés au soutien de l’éolien flottant.

Limiter l’impact sur la pêche

La ministre de la Transition écologique dit s’engager, en marge, à “demander aux futurs développeurs des parcs de proposer des mesures pour limiter les impacts sur la pêche, de poursuivre les études techniques et environnementales sur les zones retenues et mettre en place un suivi scientifique du projet et communiquer régulièrement le public sur l’avancement de ces projets sur le site internet : www.eoliennesenmer.fr.”

Un observatoire de l’éolien en mer

Le gouvernement va également créer l’Observatoire national de l’éolien en mer, doté de 50 M€ sur trois ans pour aider au développement de ce secteur et répondre aux préoccupations des acteurs, notamment sur les impacts sur la biodiversité marine et sur la ressource halieutique. Les travaux pour mettre en place l’Observatoire ont débuté dès l’automne 2021 et ont associé les conseils scientifiques des comités de façade.

Cartographie des frayères en Méditerranée

Jean Castex, Premier ministre. Photo : Service du Premier ministre.

Le travail réalisé a permis d’établir un premier programme d’études pour l’Observatoire et des premières études seront menées dès 2022. Le Premier ministre a notamment annoncé le lancement d’un programme de grande ampleur sur les migrations de l’avifaune et des chiroptères sur l’arc Atlantique. Il est également prévu que l’Ifremer lance un travail de cartographie des frayères en Méditerranée.

Afin de se prononcer sur l’intérêt et la qualité scientifique des études, un conseil scientifique national va être mis en place. Ce conseil sera épaulé dans son action par un comité des parties prenantes regroupant des représentants des principales ONG environnementales, de la pêche, des industriels, des énergéticiens, des élus littoraux, des associations de riverains, des services de l’Etat, etc.

Dis-Leur ! ce n’est pas du vent !