Les objets de l’été (3) : Le cendrier de poche contre le fléau des mégots

Johanna, du bar-tabac le Virgil's à Sète. Photo : Olivier SCHLAMA

Alors que les incendies font rage, l’opération de distribution gratuite de cendriers de poche de la Confédération nationale des buralistes tombe à pic. En partenariat avec les sapeurs-pompiers, quelque 100 000 cendriers seront distribués dans vingt départements ciblés, dont l’Hérault, avec Sète comme site pilote avec 5 000 de ces objets préventifs. Le but : prévenir les feux et éviter de polluer la Méditerranée. Par ailleurs, l’association Projet Rescue Ocean prévoit de distribuer elle aussi 5 000 cendriers de plage, tout comme la ville de Sète qui en prévoit, elle, 6 000 unités.

Mégot, fléau. Polluant et dangereux. Entre 30 et 40 milliards de mégots de cigarettes sont jetés au sol chaque année en France. Vous trouvez ça énorme ? Asseyez-vous : dans le monde, 4 300 milliards de mégots sont jetés par terre chaque année, soit 137 000 mégots par seconde, selon Éco Volontaire International. Le mégot, c’est zéro. Il y a même des challenges #FillTheBottle, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. Sans parler des incendies…

80 % des feux d’origine “malveillante”

La grande majorité, environ 80 %, des feux sont d’origine malveillante. Quand on dit malveillante, cela veut dire non naturelle”, indique le lieutenant-colonel Jérôme Bonnafoux des pompiers de l’Hérault. “Ce n’est pas forcément un mégot qui met le feu mais si la température dépasse les 30 degrés au sol ; si dans le même temps le vent dépasse les 30 km/h et, troisième paramètre, si le taux d’humidité se situe en-dessous des 30 % – la fameuse règle des “30”, alors un mégot jeté déclenchera à coup sûr un feu.” Le mégot a tout pour plaire…

Deux sites pilotes en France : Sète et Lacanau

Le remède ? La prévention. Le cendrier de poche, citoyen, fera-t-il partie des habitudes estivales de prévention ? Ce geste éco-citoyen est censé également limiter le risque d’incendie. C’est, en tout cas, le pari de l’été des pompiers qui ont commencé à distribuer, en partenariat avec la Confédération nationale des buralistes, quelque 100 000 de ces objets préventifs, à raison de 60 centimes pièce. Avec deux sites pilotes : Sète, dans l’Hérault, et Lacanau, en Gironde.

“Même ma fille de six ans sait que l’on ne jette pas un mégot…”

Le gérant du tabac-presse, près de la Poste de Sète, n’en croit pas ses yeux. En une semaine, les quelque 300 cendriers de poche sont partis en fumée… “À chaque achat de paquet de cigarettes acheté, je l’ai proposé. Tout le stock est parti très vite…”, témoigne-t-il. À quelques volutes de fumée de là, la gérante du bar-tabac le Virgil, le dit sans détour : “Il m’en reste quelques exemplaires. Je donne spontanément un cendrier de poche aux clients. Ça leur fait plaisir. C’est aussi un geste pour protéger la planète. Même ma fille de six ans sait que l’on ne jette pas un mégot par terre…”

Traumatisme des incendies dans le Sud

Car le traumatisme des incendies se répète dans le Sud année après année à l’heure où Météo France place sept départements de la vallée de la Garonne, notamment en Lot-et-Garonne, Tarn et Haute-Garonne (Occitanie) et de la basse vallée du Rhône en vigilance orange canicule. Tout le monde se souvient des grands incendies, à Mèze, dans l’arrière-pays héraultais ; celui, en 2016 dit de l’abbaye de Fontfroide, à Villeveyrac mais aussi celui de Grabels ensuite.

Avec une “accentuation” de la chaleur d’ici dimanche partout en France. Favorisés par cette canicule, deux incendies sont en cours depuis mardi après midi en Gironde qui s’embrase avec des milliers d’hectares de pins ravagés. Le 7 juillet dernier, déjà, c’était le nord du Gard a être la proie des flammes ; dans les Bouches-du-Rhône, les pompiers enregistraient une trentaine de départs de feux…

Déjà plus de 15 000 hectares ravagés cette année

Au ministère de l’Intérieur, on précise que “l’année 2021 se place en dessous de la moyenne décennale : 12 800 hectares de forêt ont été parcourus par les feux, représentant près de 2 300 incendies. Les feux d’espaces naturels (friches et parcelles non cultivées) ont détruit 2 000 hectares, en forte baisse en comparaison avec les deux dernières années”. Au total, en 2021, la surface brûlée en France représentait 14 800 hectares occasionnée par 4 628 incendies. En espérant que les statistiques de 2022 soient moins tristes… “Neuf feux sur dix sont d’origine humaine”, selon Gerald Darmanin. Le ministre de l’Intérieur ajoute que “depuis le début de l’année, plus de 15 000 hectares ont été ravagés par des incendies contre moins de 1 000 hectares à la même période l’an passé.” Dont 3 800 en quelques jours en Gironde.

L’opération de distribution des cendriers tombe à pic

Philippe Coy, président national des buralistes. DR.

L’opération de distribution de cendriers de poche de la Confédération des buralistes tombe à pic. Philippe Coy dit : “A Sète, ville-test de notre opération, il est prévu de distribuer quelque 5 000 cendriers de poche. Cette idée est née naturellement dans le cadre des actions que nous menons en partenariat avec l’Entente Valabre, spécialisée dans la formation des acteurs de la sécurité civile, comme la promotion au volontariat et les enjeux de prévention, sur les gestes qui sauvent et les incendies et vis-à-vis de la protection de l’environnement.”

Les Landes, le Var, Bouches-du-Rhône…

À ces deux villes de deux départements pilotes, vont bientôt s’ajouter des bureaux de tabac “dans les Landes, le Var, les Bouches-du-Rhône, etc.”, révèle Philippe Coy qui estime qu’au moins donc 20 départements vont peu à peu participé à cette opération, avec, à chaque fois, 5 000 cendriers nomades distribués gratuitement et qui sont payés par la société Bic.” Il y a de quoi faire avec les quelque 23 500 buralistes de l’Hexagone, sachant que “70 % des fumeurs achètent leurs cigarettes dans le réseau officiel”.

En parallèle à cette opération nous avons aussi lancé une opération de sensibilisation citoyenne dans dix villes-tests en France sur le mégot dans l’espace public…”

Philippe Coy, président national des buralistes

Philippe Coy le reconnaît volontiers : “C’est vrai que 5 000 cendriers par site, cela peut paraître peu finalement au regard du flux de fumeurs mais c’est un test et la remise de ces cendriers se double d’un échange sur la prévention… Par ailleurs, en parallèle à cette opération nous avons aussi lancé une opération de sensibilisation citoyenne dans dix villes-tests en France sur le mégot dans l’espace public. En 2019, par exemple, nous avions distribué 25 000 cendriers de poche dans la Métropole de Montpellier en partenariat avec l’association Clope (collecte locale organisée pour l’environnement), et que nous prévoyons ce même type d’action en 2023 dans des métropoles ou des syndicats mixtes.”

“Nous en profitons pour parler prévention…”

À Sète, dix-sept, soit la quasi-totalité des buralistes, ont accepté de jouer le jeu depuis le 5 juillet, le lancement de l’opération”, précise le président des buralistes de l’Hérault, Jérémie Pézières. Ce n’est pas seulement une distribution : “Nous en profitons, évidemment, pour parler prévention et sensibiliser le client à ne pas écraser sa clope au sol.” Ni les enfouir sous le sable de la plage. Encore moins la jeter par la fenêtre quand on circule sur autoroute. “Le 7 juillet dernier, le préfet s’est d’ailleurs vu offrir l’un de ses cendriers de poche portant l’inscription “stop mégot” et aussi : “Un seul mégot dans ce cendrier de poche peut sauver une forêt tout entière…”

5 000 cendriers de plage aux postes de secours

Ce n’est pas tout. Toujours à Sète, l’association Projet Rescue Ocean, qui oeuvre pour l’environnement, et dont Dis-Leur vous a déjà parlé ICI, lance elle aussi une opération cendrier ! Son fondateur dit : “Grâce à un partenariat avec le SDIS de l’Hérault, explique Benoît Schumann lui aussi pompier, on va distribuer d’ici les prochains jours plus de 5 000 cendriers de poche payés par le Sdis. Ce seront des cendriers de plage qui seront disponibles aux postes de secours.”

“Les gens ne se rendent pas compte…”

Benoît Schumann, fondateur de Project Rescue Ocean. DR

L’enjeu, là, vise certes à prévenir les incendies mais aussi à protéger l’environnement, la plage et donc la Méditerranée. Il ajoute que “les gens ne se rendent pas forcément compte qu’un mégot jeté dans la rue a 80 % de “chances” de finir dans une bouche d’égout, dans le réseau pluvial et finir dans la mer. Un seul mégot contamine pour longtemps plus de 500 litres d’eau. Et cela peut détruire des centaines d’hectares à cause du feu qu’il peut provoquer…” 

La ville de Sète va distribuer 6 000 cendriers aux touristes

Ce n’est pas tout. La ville de Sète prévoit également de fabriquer et de déployer 6 000 cendriers de poche là aussi à destination des vacanciers sur les plages dans une optique de protection de l’environnement également. Avec ce slogan : “C’est ta mer, préserve-la”. En mairie, on explique la démarche : “Nous avons quatre jeunes en service civique qui sont déjà sur des missions de sensibilisation sur des incivilités ; du respect du calme la nuit ; de préservations d’espaces naturels ; d’opérations de nettoyage de plage… Avec ces cendriers, ils auront la mission complémentaire de sensibiliser les gens sur les plages.” 

Brigade bleue, Wings of Ocean…

L’Agglopôle de Thau dispose d’une brigade bleue depuis un an qui organise des opérations de nettoyage d’envergure, notamment avec une barge à fond plat, et de promouvoir des actions associatives. Elle a déjà à son actif 12,5 tonnes de déchets ramassés ! La même collectivité et la ville de Sète ont signé un partenariat avec l’association Wings of the Ocean, dans le cadre de sa Mission Étang de Thau 2022. Il s’agit d’une mission de six mois, débutée en mai dernier, qui a pour but de collecter des déchets dans plusieurs zones autour de l’étang ainsi que de sensibiliser locaux, enfants, touristes et plaisanciers sur la consommation du plastique dans notre quotidien.

Certains vont déjà même au-delà et proposent un idée plus vaste qu’un simple cendrier (il faudra qu’il serve bien à accueillir des mégots et non pas de la petite monnaie ou ses Air Pod et/ou qu’ils ne finissent pas à leur tour, remplis, abandonnés dans la rue…) : des “poubelles de plage pour recueillir les polluants chewing gum, les papiers de bonbons, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI…

Olivier SCHLAMA