Chronique occitane : “L’identité est aussi linguistique”

Les libraires d'Occitanie ont du choix à proposer... Avant vous pouvez vous rendre à la médiathèque de Sète pour la Semaine occitane ! Photo D.-R.

Coma te dison ? Cossí t’apèlas ? Comment t’appelles-tu ? Tous les débutants en occitan se souviennent de cette première leçon qui détermine tout le reste du cursus. Dans sa chronique mensuelle, Miquelà Stenta, présidente du Cercle occitan de Sète et ex-professeur d’occitan à l’université de Montpellier, en livre tout le cheminement, une suite logique de ses dernières chroniques sur les patronymes, la toponymie… À quelques jours du centième anniversaire du grand Robert Lafont.

Coma te dison ? Cossí t’apèlas ? Autrement dit : Comment t’appelles-tu ?
La question figura dins la primièra leiçon das manuaus d’aprendissatge de l’occitan. Que lo nom determina la persona, es essenciau a la comunicacion, a la socializacion. Tota persona a un nom, e mai las bèstias ! Dire que le nom porte l’identité n’a rien de bien original. Sauf que cette identité est aussi linguistique. E aquí, mèfi a l’explicacion asardosa… !

Nom d’habitation, de métier, d’une particularité naturelle

Miquela Stenta. Dessin de Stella Bagioni

Entau, s’es pogut ausit dire [on a pu entendre dire] que Delmas, Delga e d’autres… son de noms espanhòus. Error ! Inutile d’anar cercar “tra los montes” çò qu’avèm jos los uòlhs e las aurelhas. On sait ce qu’est un mas (du latin mansum) : les “mas”, comme noms de domaines sont légion en pays d’oc.

Et, quand il a fallu différencier les gens autrement que par un seul prénom, soit quand s’est créée la patronymie, on a pris tout simplement le nom de leur lieu d’habitation, de leur métier, d’une particularité naturelle ou physique, d’un défaut, d’une qualité… Entau Delmas o Daumas designa lo.la que demòra o ven “del mas” (de la ferme, du domaine). Delga, ven de “ga”, gué (dau latin vadum) que designa un passatge a sec o quasi [presque] sus una ribièra.

Aigas Mòrtas, Aigas Vivas, Aiga Bèla, Aiga Persa…

E justament, anam passar lo ga ! Nos vaquí amb los toponimes faches sus “aiga”.
Et ils sont nombreux : Aigas Mòrtas (Aigues Mortes, dans le Gard), Aigas Vivas (Aigues Vives, dans l’Hérault, le Gard, l’Ariège, l’Aude et la Haute-Garonne), Aiga Bèla (Aiguebelle, dans le Var), Aiga Persa (Aigueperse, dans le Puy-de-Dôme), Chaudas Aigas (Chaudes Aigues, dans le Cantal), Entre Aigas (Entraigues, le Vaucluse), e tanben Eygurande (en Corrèze), e un molon d’autres.

Éviter la simplification

Là aussi, il faut éviter de suivre le courant de la simplification. À Toulouse, la rue Joutz-Aigues n’a jamais été “sous l’eau”. “Josaica” est en effet une forme ancienne occitane qui a le sens de “judaïque”. Et cette rue se trouve au centre du quartier juif médiéval. On a aussi avancé l’hypothèse d’un ruisseau qui traversait cette rue. La plaque actuelle en occitan porte “carrièra de l’aiga dels jusieus” avec la référence de 1180 “carrera judeis aquis”.

Centenaire Robert Lafont

Per demorar [rester] dins la tematica de l’aiga, l’onomastica fai la part bèla a la basa “font” [source], qu’asaiga [qui arrose] noms de luòcs e de personas. Lo mai espandit [répandu] es Lafont. Justament, lo CIRDOC-Institut de cultura, celebra lo 16 de març lo centenari de la naissença de Robèrt Lafont, escrivan, poèta en occitan, et en français essayiste en matière politique, médiéviste aussi.

Longtemps professeur à l’Université Paul Valéry de Montpellier, il a formé de très nombreux étudiants dont beaucoup sont devenus écrivains, enseignants, créateurs en langue d’oc. Una mòstra [exposition] li es consacrada que l’estrena se’n farà doncas aqueste jorn a Besièrs (lire aussi ci-dessous).

Miquelà STENTA

Centième anniversaire du romancier Robert Lafont, le 16 mars

Ce jeudi 16 mars marquera le centième anniversaire du romancier, poète, linguiste et médiéviste occitan, Robert Lafont. À cette occasion, Le CIRDOC – Institut occitan de cultura propose une soirée d’hommage à cette figure incontournable de la littérature et de la pensée occitanes. 

Photo André Hampartzoumian / Design graphique : Camille Boyer

👥Au programme de cette soirée aux côtés de Fausta Garavini : le vernissage de l’exposition de Marie-Hélène Bonafé, Robert Lafont, Le Roman de la langue, dans une toute nouvelle version, des lectures de poèmes, une performance des écrivains et universitaires Sylvan Chabaud et Jean-Claude Forêt ainsi que la projection d’extraits du film de Christian Passuello, “Un écrivain dans le siècle”

📍Rdv le 16/03 à 18h30 à la Mediatèca occitana. Événement sur réservation auprès du : 04.67.11.85.10. ou secretariat@oc-cultura.eu

🧐Robert Lafont laisse derrière lui une œuvre colossale : plus d’un millier de publications en occitan et en français, brassant théâtre, poésies, romans, essais et œuvres historiques et linguistiques. Sa correspondance compte plus de 20.000 lettres issues de près de 3.500 correspondants différents, conservées au CIRDOC – Institut occitan de cultura. Il est aussi un combattant acharné, depuis la Résistance jusqu’au Plateau du Larzac dans les années 1970. Défenseur de la revendication occitane, il participe à la fondation de l’IEO et du Comité Occitan d’Etudes et d’Action. Il sera même candidat aux élections présidentielles de 1974.

Dis-Leur ! en langue d’Oc … Chroniques :

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