La gratuité pour les quelque 500 000 habitants de la métropole a fait bondir la fréquentation de ce réseau de transports collectifs : + 23,7 % en quatre mois ! Même le coût, près de 40 M€ selon la chambre régionale des comptes, serait moindre explique Mickaël Delafosse grâce notamment au versement mobilité des entreprises. Le Clapas devrait voir ces bons chiffres continuer à augmenter avec l’arrivée, en 2025, de la 5e ligne de tram, d’un réseau de trambus et 70 bus à haut niveau de service.
Pierre, un touriste venu en famille pour le pont du 1er-Mai cherche, en vain, une borne pour y glisser son ticket de transport : un jeune Montpelliérain voyageant aussi dans le tram coloré lui explique, sourire aux lèvres, que sa recherche est obsolète : “Les bornes ont été enlevées parce que pour tous les Montpelliérains, c’est gratuit !”, lui dit-il. “D’ailleurs, on ne se prive pas de monter dans le tram grâce à notre pass gratuité”, accessible juste avec un justificatif de domicile.
Gratuit pour les habitants, pas pour les touristes
Une gratuité universelle préférée à un dispositif de tarifs sociaux sans doute pour éviter ce que l’on appelle le “non-recours” : ces personnes qui n’activeraient pas leur gratuité ou leur réduction par méconnaissance ou pour ne pas se sentir stigmatisées. La gratuité a des limites : si on n’habite pas la métropole de Montpellier, on doit s’acquitter d’un ticket à 1,60 € le trajet. Ces recettes de ventes exogènes “se maintiennent à un bon niveau : 500 000 € par mois, soit 30% des recettes maintenues”, dit-on à la métropole.
Quelque 500 000 habitants répartis dans les 31 communes de la Métropole bénéficient ainsi de la gratuité des transports en commun depuis le 21 décembre 2023. Est-ce une mesure sociale qui permet, par dessus tout, de moins polluer ? A l’image de Dunkerque ou de Tallin, capitale de l’Estonie, la capitale du Languedoc-Roussillon respecte une promesse de campagne faite par le nouveau maire PS, Mickaël Delafosse. La réponse à la question est claire : oui, ça roule !
C’est une mesure qui permet une économie de 1 470 €/an pour une famille de quatre personnes par exemple”
Pour preuve, cette action d’écologie populaire et bénéfique pour le climat se traduit en chiffres très officiels : la gratuité – qui existe dans 45 villes en France – a fait progresser la fréquentation des transports en commun de près de 25 %. 358 000 habitants de la métropole ont déjà activé au moins une fois leur “pass gratuité” en quatre mois alors que la métropole comptait, en 2019, 86 000 abonnés. De quoi limiter sensiblement l’usage de la voiture en trajets courts et interurbains, ceux qui polluent finalement le plus.
C’est la plus grande métropole d’Europe à franchir ce pas que certains critiquent vertement rappelant que rien n’est gratuit et que la mesure coûte. La chambre régionale des comptes l’a d’ailleurs calculé : 40 M€ par an, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI : 42 M€ exactement a calculé la CRC ; 29 M€ avait rétorqué la métropole. Le groupement des autorités responsables de transport dit pour sa part que l’offre du réseau doit être prioritaire par rapport au prix.
En tout cas, la mesure est très populaire. “C’est une mesure qui permet une économie de 1 470 €/an pour une famille de quatre personnes par exemple”, certifie-t-on à la métropole. Très précisément, la fréquentation des quatre lignes de tram (une cinquième est sur les rails tout comme l’extension de la ligne 1) et des 41 lignes de bus a augmenté de 23,7 % par rapport à 2019 (avant le covid). Un afflux de voyageurs signifie-t-il davantage d’incivilités ou, pire, de délinquance… ?
Les incivilité ont reflué de 26 %
Non, jure encore la métropole qui a même créé une police des transports qui a fait ses calculs : les problèmes ont reflué de 26 %, toujours par rapport à 2019 : 161 incivilités au 1er trimestre 2019 contre 119 au 1er trimestre 2024. Le maire de Montpellier concrétise ainsi une promesse de campagne, qui s’adressait aussi aux Gilets jaunes, et qu’il convient d’apprécier dans un cadre plus large : les ex-coronapistes se sont transformées en vraies voies pour vélos et se sont multipliées comme le covoiturage (1). D’ailleurs, dans sa vision systémique, le maire de Montpellier a aussi augmenté la place du vélo. Lui-même, cycliste, Mickaël Delafosse annonce une progression de 16 % en 2023 de la pratique du deux roues, électrique ou musculaire.
Pas de hausse des impôts locaux
Mickaël Delafosse réaffirme que cette gratuité n’engendrera pas de hausse des impôts locaux. Avec un argument-choc : une bonne partie de cette gratuité est financée par le versement mobilité dont s’acquittent les entreprises de plus de onze salariés. Une participation des acteurs économiques qui a progressé parce que l’activité est toujours dynamique dans le Clapas. Précisant que “les sommes perçues via le versement mobilité ont augmenté de 30 millions d’euros depuis 2020″. La collectivité ajoute à son calcul la volonté de rationaliser les coûts, en supprimant deux tiers des distributeurs de billets soit une économie de 1,5 M€ par an.
Un milliard d’euros d’investissement sur le mandat
Cette gratuité pour tous avait été initiée il y a trois ans avec la gratuité le week-end et accentuée en 2021 avec la gratuité pour les moins de 18 ans et les plus de 65 ans tous les jours, elle concerne depuis le 21 décembre 2023 à 19h, l’ensemble des habitants de la métropole, et devient ainsi une mesure universelle visiblement populaire. Alors que 140 000 véhicules entrent et sortent chaque jour dans Montpellier (soit 280 000 déplacements dégradant la qualité de vie des habitants par les embouteillages et les nuisances), les transports en commun sont plus économes en énergie (par personne transportée comparé à l’autosolisme).
En plus de la 5e ligne de tram pour 2025, le maire promet un réseau de bustram (bus à haut niveau de service) ainsi que 77 rames de tramway supplémentaires et 70 bus électriques. La décarbonation de la mobilité en ville est une priorité affirmée de la Métropole avec un investissement d’un milliard d’euros sur la durée du mandat (lire ci-dessous).
Rendre les transports collectifs – bus, tramways, métros – gratuits est-ce envisageable ? Souhaitable ? Pour Laurent Chapelon, professeur à l’université de Montpellier, spécialisé dans les mobilités urbaines, que nous avions interrogé ICI en 2019, avant les élections municipales, c’est un choix fort qui engage une ville dans une voie apaisée et plus vivable. “Il y a une condition fondamentale qui joue un rôle de choc psychologique. C’est l’efficacité. Si la gratuité se fait au détriment de l’efficacité, alors ça ne sert à rien. C’est la fréquence, l’amplitude et la couverture du réseau.”
Olivier SCHLAMA
Une mesure favorable au commerce
La première phase de gratuité, lancée en septembre 2020, le week-end, pour l’ensemble des habitants de la métropole avait été un marqueur économique pour accompagner l’attractivité du centre-ville et des commerces de proximité. L’attractivité du centre-ville se confirme : 4 millions de visiteurs entre janvier et août 2022 dans le centre-ville, Mytraffic constate une hausse de 12 et 10 % de plus que les moyennes enregistrées en 2020 et 2021. La seconde phase de gratuité, lancée en septembre 2021, pour les – de 18 ans et les + de 65 ans, tous les jours, a été un marqueur social pour accompagner le pouvoir d’achat des familles et des retraités.
La gratuité, c’est une économie de 321 € /an pour les personnes de plus de 65 ans et de 196 € /an pour les jeunes de moins de 18 ans. Avec la gratuité totale, l’économie sera de 1470 € /an pour une famille de 4 personnes. Une liberté de déplacement attestée par les hausses de fréquentation : au lendemain de la gratuité partielle, la fréquentation des moins de 18 ans s’est multipliée par 2 ; celle des plus 65 ans par 1,5.
Aides au vélo électrique
38 225 aides de 500 € à l‘achat d’un VAE accordées par la Métropole (au 11 avril 2024), soit 10% de la population cible. Sur les 38 points de mesure vélo comparables entre 2022 et 2023 : le nombre moyen journalier de cyclistes augmente de 16,2% sur la Métropole, L’augmentation est de 17,2% pour les stations de Montpellier.
Déploiement du covoiturage
La métropole de Montpellier a déployé depuis mars 2021 une offre de covoiturage permettant d’offrir une alternative à la voiture individuelle pour les territoires peu ou pas desservis par une offre de transports en commun ou encore lorsque le trajet en vélo s’avère trop long. Ce dispositif a d’abord été mis en place auprès des entreprises afin de créer la dynamique sur les trajets domicile-travail, avant de l’ouvrir au grand public depuis le 1er janvier 2022. La Métropole de Montpellier fait donc partie des Métropoles pionnières sur le sujet. Les agglomérations voisines, Pays de l’Or Agglomération et Sète Agglopôle Méditerranée, ont rejoint la Métropole de Montpellier dans le financement du covoiturage.
Plus de 36 000 usagers
D’après le baromètre du covoiturage quotidien Blablacar Daily (ex Klaxit), la métropole de Montpellier est devenue le premier territoire de France avec le plus grand nombre de trajets réalisés en covoiturage quotidien (hors Île-de-France) avec 31 652 trajets en février 2024. Pour la Métropole, en près de 3 ans jusqu’à fin 2023, ce sont 36 000 usagers qui se sont ainsi inscrits sur la plateforme de l’opérateur Klaxit (contre 5 000 début 2022), Au total, ont été réalisés 710 000 trajets totalisant près de 17 millions de kilomètres covoiturés.
Police métropolitaine des transports
Pour accompagner cette gratuité, la métropole a créé, depuis septembre 2023, une police métropolitaine des transports a été créée pour renforcer la sécurité sur l’ensemble du réseau bus et tramway de la métropole. La police métropolitaine des transports, composée à terme de 42 agents, travaille de concert avec les 82 agents d’assistance, contrôle et sécurisation TaM.
Olivier SCHLAMA
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