Mobilité : Une plate-forme de covoiturage gratuite et solidaire pour l’Aude et au-delà

Covoiturage

Le département de l’Aude propose un système de partage de voiture innovant et solidaire, sans commission. Le système a été mis au point avec la coopérative Mobicoop qui a aussi développé des plate-formes dans l’Hérault et bientôt dans le Gers. La Région regarde tout cela de près pour proposer peut-être un modèle pour l’Occitanie.

À l’heure où l’essence flambe et les pauvres s’appauvrissent, Mobil’Aude arrive à un moment charnière. C’est un réseau de covoiturage gratuit entre particuliers qui réunit tout à la fois un site internet, un site mobile et une application pour smartphones : le département de l’Aude l’a lancé voici 15 jours. Dis jours après son lancement, près de deux mille recherches ont été effectuées sur le site et 250 personnes s’y sont inscrites. Ce n’est pas un système encore très partagé mais c’est normal et habituel en pareil cas. Il faut du temps pour que s’amorcent des changements d’habitude.

“On peut s’inscrire aussi pour des trajets réguliers, tous les jours si l’on veut, comme pour un domicile-travail”

Kattalin Fortuné, conseillère générale EELV chargée des mobilités au département de l’Aude. Ph. DR.

Très simple : après inscription, soit on propose un trajet à telle date, telle heure. Et la plate-forme vous propose des possibilités. À travers l’application ou le site, les conducteurs et les passagers échangent des messages pour se donner rendez-vous. “On peut s’inscrire aussi pour des trajets réguliers, tous les jours si l’on veut, comme pour un domicile-travail. De Quillan à Couiza, par exemple. L’avantage de l’application, c’est que si notre horaire s’est décalé ou que l’on a un trajet imprévu à faire on peut activer le GPS et activer la recherche sur une possibilité de covoiturage d’un point A à un point B d’une heure sur l’autre.”

Aider les autres à faire leurs courses

Photo Mobicoop.

Autre volet proposé, une mobilité solidaire. Cette possibilité s’adresse aux conducteurs volontaires. Nouvelle conseillère départementale de l’Aude, déléguée aux mobilités, Kattalin Fortuné (EELV) explique : “Si tel jour, vous êtes libre, en RTT, par exemple, vous pouvez vous proposer pour aider quelqu’un à l’accompagner faire de petites courses. C’est un vrai plus pour celles et ceux qui n’ont pas les moyens et/ou pas de voiture.” L’application met les protagonistes en contact. Ensuite, ceux-ci se fixent rendez-vous.

 Les Maisons des solidarités et Ehpad démarchés pour que les personnes âgées soient aidées à en bénéficier

Covoiturage. Ph. DR

Ce covoiturage solidaire “c’est quelque chose d’à part. Et on se dit qu’il va falloir accompagner pas mal cette innovation, explique Kattalin Fortuné, responsable par ailleurs du service biodiversité au Parc naturel de la Narbonaise. On le porte beaucoup auprès des CMS, Maisons départementales des solidarités, des Ehpad… On va continuer à démarcher les établissements qui sont dans le social et les familles des personnes âgées. Et ces personnes âgées sont souvent les mêmes qui sont “déconnectées” de l’usage du numérique. On va donc expérimenter dans deux secteurs de l’Aude – la Haute vallée de l’Aude et Tuchan – un accompagnement particulier soit à la prise en main de Mobil’Aude soit à mettre un intermédiaire dans une association, un Sivom, etc., pour faire le lien avec les demandeurs.”

Faciliter les déplacement en réduisant le bilan carbone

Kattalin Fortuné précise : “Utiliser ce réseau pour aller travailler ou se déplacer ne coûte rien à l’utilisateur. Il n’y a aucune commission à payer en utilisant cette plate-forme de covoiturage, contrairement à d’autres comme Bla Bla Car. De façon indicative, la plate-forme vous indique que vous pouvez partager les frais ou participer à ceux-ci. Mais c’est tout. Nous avons développé cet outil avec une scoop, Mobicoop qui a créé cet outil pour nous, désormais géré par nos services. L’idée est de faciliter les déplacements des Audois qui peuvent, bien évidemment, grâce à ce réseau sortir de leur département. On peut en théorie faire Sète-Carcassonne, par exemple. Le tout, en réduisant le bilan carbone.”

50 % des déplacements avec une seule personne à bord

Covoiturage. Ph. Mobicoop

Dans un département rural comme celui de l’Aude, il y a une “très forte dépendance à la voiture individuelle”, environ “la moitié des déplacements se font avec une seule personne à bord : le conducteur. On parle alors d’autosolisme. Il y a donc une marge d’amélioration énorme. D’autre part, certains habitants n’ont carrément pas de voiture (19 %) ou alors elle leur coûte très cher en entretien. Cette dépendance peut être un frein aussi.” À partir de l’application, on peut aussi consulter horaires de trains – et à terme ceux des bus – si d’aventure on poursuit son trajet au-delà du covoiturage en voiture.

On peut aussi créer des communautés

Pour l’élue, c’est davantage qu’une simple plate-forme de covoiturage : “C’est une plate-forme “plus plus” : certes, on inscrit son trajet entre deux villes comme sur une plate-forme classique mais on peut aussi créer des communautés, par exemple des parents d’élèves d’écoles pour l’école de rugby de leurs enfants. On peut en créer une dans son entreprise ou une communauté de salariés dans la collectivité où l’on travaille, comme c’est le cas au département de l’Aude.” La plate-forme donne aussi la possibilité de créer des événements – un match, un festival par exemple ou le 14-Juillet à Carcassonne ! – et tous les gens qui se rendent à cet événement-là peuvent plus facilement covoiturer.

L’idée a germé lors d’un forum

“L’idée de Mobil’Aude a germé après l’organisation d’un forum sur la transition écologique, Accel’air, en 2020. Il y avait déjà une plate-forme mais elle n’était pas opérationnelle. C’est à ce forum que la demande a émergé. Cela a pris 18 mois” après que Mobicoop eut remporté un appel d’offres. La région Occitanie regarde de près ce que nous faisons”, précise l’élue, peut-être pour imaginer créer une plate-forme de covoiturage plus importante.

Expériences similaires dans l’Hérault et le Gers

DR.

Anaelle Guillaud est responsable de projet à la coopérative Mobicoop (30 salariés, 500 000 utilisateurs). Elle précise que d’autres territoires ont recours à un système de covoiturage gratuit, comme Picholine (du même nom de la délicieuse olive) dans le Pays Coeur d’Hérault qui existe depuis deux ans et a quelque d’utilisateurs inscrits et celui à venir, pour 2022, pour l’agglo du Grand Pic Saint-Loup.

À chaque fois, ce genre de plate-forme met du temps à convaincre. Et c’est normal. Les gens sont habitués à leur voiture et attendent de voir si cette plate-forme va durer ; quels en sont les inconvénients réels, etc. “Il y a un gros travail de communication à faire”, convient Anaelle Guillaud, chef de projet de Mobicoop qui a déjà une très longue expérience, y compris dans l’auto-stop partagé, le fameux Rézo Pouce dont Dis-Leur vous a parlé ICI et avec qui la coopérative a fusionné en juin 2021.

En discussion avec la Région Occitanie

D’autres territoires concoctent un projet similaire. “Le Gers prépare avec nous un covoiturage gratuit pour 2022”. Ces expériences pourraient-elles peut-être un jour se rejoindre en une seule ? Comment ? “Nous sommes en discussion depuis deux ans avec la région Occitanie qui analyse les expériences peut-être pour se positionner sur un modèle. La collectivité attend de voir ce que donnent les projets actuels ; attendre qu’ils atteignent ce que l’on appelle une masse critique pour faire boule de neige. La motivation première pour les gens qui décident d’utiliser le covoiturage, ce n’est pas la protection de l’environnement mais la possibilité de faire des économies, surtout quand ils passent deux heures par jour dans les bouchons… Les gens ne changent de moyen de locomotion que pour un mieux…”

Olivier SCHLAMA 

Dis-Leur ! vous transporte