Métropole de Montpellier : La chère gratuité des transports en commun…

Le 21 décembre prochain, les transports en commun seront gratuits pour tous les habitants dans la métropole de Montpellier. Ils ont quand même un coût : 42 M€ a calculé la chambre régionale des comptes ; 29 M€ rétorque la métropole. Le groupement des autorités responsables de transport dit pour sa part que l’offre du réseau doit être prioritaire par rapport au prix.

À l’heure du ticket de bus universel pour tout l’Hexagone, comme le défend le ministre des Transports, Clément Beaune ; du TER à 1 € dans la Région Occitanie – une réussite incontestée dont Dis-Leur vous a parlé dont plus de 90 000 billets vendus rien que le week-end dernier, voici le transport en commun gratuit. Enfin, gratuit pour l’usager. Cela se passe à Montpellier. Cette décision a été actée conformément à la promesse de campagne de Mickaël Delafosse.

Économie de 481 € par an par habitant

Une rame de la ligne 1 du tramway de Montpellier aux couleurs du Pacte Vert de l’Europe. photo Marie SARFATI

C’est déjà le cas pour tous les habitants de la métropole pendant les week-ends depuis 2020. La gratuité élargie tous les jours a été décidée ensuite pour les plus de 65 ans et les moins de 18 ans depuis septembre 2021. Ce qui représenterait selon la Métropole, une économie de 481 € par an pour un salarié. Enfin, la gratuité pour tous 365 jours par an sera effective le 21 décembre prochain, Montpellier rejoignant plusieurs autre villes en France comme Dunkerque (Nord), Aubagne ou Niort (Deux-Sèvres).

Usure prématurée des rames et matériels, 5e ligne d’ici 2025…

Cette gratuité n’est… pas gratuite. Selon la chambre régionale des comptes qui vient de publier un rapport sur la TAM, il en coûterait 42 M€ à la Métropole. Cette somme rondelette correspond en premier lieu à la perte de recettes de la TAM, concessionnaire, liée à la vente actuelle des billets. Sans tenir compte de l’usure sans doute prématurée des rames et des matériels qu’il va falloir changer plus tôt vu la hausse prévisible de la fréquentation et/ou ajouter de nouvelles rames.

Michaël Delafosse – Maire de Montpellier et Président de Montpellier Méditerranée Métropole. DR

Surtout que le réseau va s’agrandir d’une 5e ligne d’ici 2025 ! Le président de la Métropole défend, lui, que le coût de ce service offert à la population métropolitaine sera moindre, de l’ordre de 29 M€. Selon la métropole, “les économies potentielles que pourrait permettre de dégager le redéploiement d’une partie des missions devenues inutiles, voire leur suppression. Ainsi, en est-il de la fonction de contrôle dont le coût est de 6 M€ par an, ou encore celui des investissements prévus pour la billettique fixé à 3 M€. Ce travail d’évaluation n’a pas été mené au préalable”.

Traduction financière d’un audit du pratimoine

Dans le rapport, on peut, d’ailleurs, lire : “Le tracé sinueux, l’importance des croisements des quatre lignes de tram, la charge- voyageurs ont une conséquence sur l’état du matériel roulant mais entraînent également une usure du réseau. Le diagnostic établi sur les voies en 2017 montre un état d’usure des rails très important sur la ligne 1, sur les tronçons communs du centre-ville dans les courbes ainsi qu’une usure importante des appareils de voie25. La traduction financière de l’audit du patrimoine préconisait un montant d’investissement nécessaire qui s’établissait à une enveloppe comprise entre 28 M€ et 32 M€ pour la période 2018-2025 et entre 46 M€ et 51 M€ pour la période 2018-2032. Cette évaluation chiffrée a été connue par la seule métropole après la remise des offres.” 

Une vétusté déjà vérifiée : la TAM a dû, en 2022, débourser 70 M€ en urgence pour rénover des infrastructures obsolètes. Sachant qu’un audit du patrimoine interne, cite la chambre régionale des comptes, estime qu’il faudra dépenser encore 50 M€ minimum jusqu’en 2032…

Rendre les transports collectifs – bus, tramways, métros – gratuits est-ce envisageable ? Souhaitable ? Pour Laurent Chapelon, professeur à l’université de Montpellier, spécialisé dans les mobilités urbaines, c’est un choix fort qui engage une ville dans une voie apaisée et plus vivable, comme Dis-Leur vous l’a expliqué, ICI.

Ce que veulent les usagers ? Des bus et des trams correspondant à leurs trajets, avec des fréquences importantes et des passages en nombre

Le Groupement des autorités responsables de transport (GART) a mené une étude début octobre 2022 sur la gratuité des transports. Que dit-elle ? Que l’offre du réseau doit être prioritaire par rapport au prix. Évidemment que qui dit gratuit dit utilisateurs en nombre. Mais ce que veulent les usagers, pour abandonner leur voiture, c’est des bus et des trams correspondant à leurs trajets, avec des fréquences importantes et des passages en nombre pour ne pas avoir à réfléchir à son mode de transport, à lui préférer le plus souvent sa voiture. Ensuite, l’étude pointe une zone grise : on ne sait pas d’où viennent les nouveaux adeptes du bus ou du tram quand ils deviennent gratuits : s’ils utilisaient déjà un mode doux (à pied, à vélo, trottinettes…), est-ce un progrès…?

Différence entre petits et grands réseaux

Gare Saint-Roch, en 2016. Montpellier. Photo : Laurent Chapelon.

On compterait ainsi une trentaine de réseaux de transports en commun dans l’Hexagone d’accès gratuit. Mais il semble qu’ils étaient avant la gratuité des réseaux peu performants avec des recettes commerciales, avec une billetterie, assez faible au regard du potentiel. La gratuité, dans ce cas là, coûte peu cher. Dans les grands réseaux des grandes métropoles où les recettes se comptent en centaines de millions d’euros et où les heures de pointe sont déjà cauchemardesques, est-ce envisageable tant du point de vue du manque à gagner que de l’offre à forcément démultiplier sous peine d’échec ? Et si chacun payait en fonction de ses moyens ? En fonction du quotient familial, comme pour la cantine ou les classes de neige…?

La gratuité des transports en commun est avant tout un choix politique. L’agglomération de Montpellier fait office de laboratoire dans notre région. Carole Delga le réaffirme dans un tweet ce jeudi : “Nous proposons un nouveau modèle de développement avec Michaël Delafosse : gratuité des transports, RER métropolitain, intermodalité (…)”

Le tram ne dessert ni la gare Sud de France ni le littoral

C’est dans ce contexte que la chambre régionale des comptes s’est donc penchée sur la gestion de la TAM qui gère le réseau de transports de Montpellier. Le réseau s’étend sur 31 communes et près de 481 000 habitants, sans desservir, pointent les magistrats, l’aéroport de Montpellier et sans aller jusqu’à la mer. Fort de quatre lignes, il va s’enrichir d’une 5e d’ici 2025 au nord de l’agglomération pour relier Clapiers et Montferrier-sur-Lez à Lavérune.

Un constat : “Concentré à Montpellier, le réseau du tramway ne dessert que marginalement les autres communes (…) aucune cependant ne va jusqu’à la nouvelle gare Sud de France, seule une navette-bus ayant été mise en place. Elle relie rapidement la gare à Odysseum mais il faut compter en moyenne 40 minutes pour rejoindre le centre de Montpellier. Ce temps de trajet est considérablement accru en deuxième partie de soirée car la fréquence de l’offre est plus faible, raréfiée pour le tramway et quasiment inexistante pour le bus.”

“Plusieurs projets de développement…”

La métropole assure, de son côté, que “plusieurs projets de développement qu’elle a relancés vont modifier ces constats, notamment la réalisation de la nouvelle ligne 5 de tramway, l’extension de la ligne 1 vers la gare Sud de France, ou encore la création de cinq lignes de bus à haut niveau de service qui permettront de desservir des communes suburbaines avec des transports en site propre. Selon ses estimations, sept habitants métropolitains sur dix seraient desservis par le réseau en 2025”. 

Olivier SCHLAMA

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