Animée par un projet de développement rural, la fabrique, dans la Haute Vallée de l’Aude, est la dernière en France à produire des chapeaux d’exception avec sa propre laine d’Arles. La coopérative est encore fragile mais a l’espoir de continuer à bâtir sur ses savoir-faire rares. Ce qui lui a ouvert les portes de la Grande Exposition du Fabriqué en France. Une reconnaissance nationale. L’Occitanie, région la plus représentée, envoie 15 de ces entreprises patrimoniales à Paris.
Pour les chapeaux en laine de feutre Montcapel, c’est une revanche en forme de consécration : un siècle après avoir vu le jour dans la Haute-Vallée de l’Aude, à Montazels, l’usine de chapeaux a été sélectionnée, comme 122 autres produits régionaux – parmi 2 200 dossiers déposés – dont 15 sont des lauréats d’Occitanie à la fameuse Grande exposition du Fabriqué en France, à l’Elysée, dont c’est la quatrième édition (lire ci-après). “Notre projet c’est aussi de faire vivre et de développer le monde rural”, résume Sonia Rielke, présidente bénévole de Montcapel.
À la Grande Exposition du Fabriqué en France, la chapellerie présentera des modèles uniques : un chapeau French Connection, un couvre-chef Napoléon et bonnet… phrygien, clin d’oeil aux JO, à peine terminés. Dans l’Aude, elle y fabrique toutes sortes de chapeaux. Y compris des couvre-chefs militaires, historiques. “Même celui des Tirailleurs Sénégalais pour les besoins d’un film parce que l’on possède le moule adéquat…” Les machines, elles aussi, sont historique- elles ont entre 50 ans et 100 ans – que vous ne verrez nulle part ailleurs en France.
Trois cents coopérateurs ont investi !
Créés en 1923, dans un contexte industriel très favorable, les ex-Chapeaux de France, où travaillaient plusieurs centaines d’ouvriers jadis – dix actuellement – sont la dernière usine de ce type en France. Transformé en coopérative avec un nouveau nom, Montcapel, le site a failli disparaître en 2018, faute de repreneurs. Mais a heureusement été ressuscité en 2021 par ses sept puis trois cents (!) coopérateurs qui y ont investi et sauver son patrimoine à la fois industriel, de valeur nationale, touristique (des visites y sont organisées, y compris par l’association CapelArt) et même faire vivre le beau village où cette usine est installée.
Cette transmission des savoirs c’est se rendre compte que quelque chose est plus grand que soi-même…”
Une façon aussi de lutter contre la désertification dans cette haute vallée de l’Aude qui, jadis, comptait une quinzaine de chapelleries et qui a tant souffert de la désindustrialisation. “S’il y a eu autant de coopérateurs, c’est que les gens et pas seulement les locaux ont été touchés par cette belle histoire qui n’est en rien du marketing mais une vraie histoire humaine. Les gens ont compris cela et se sont mobilisés. Cette transmission des savoirs c’est se rendre compte que quelque chose est plus grand que soi-même…”
“La dernière chapellerie en France à fabriquer sa propre matière première, sa laine“
Pour acquérir un couvre-chef 100 % fabriqué dans l’Aude, il faut pour l’instant se rendre à Montazels, directement à la chapellerie. “La vente directe ne représente pas plus de 5 % à 10 % de la production. Tout le reste est acheté par des professionnels. Nous avons commencé à investir, grâce aux coopérateurs, quelque 200 000 € pour entamer des réparations pendant seize mois pour relancer une première ligne de production de feutre dans cette usine unique puisqu’elle est la dernière en France à fabriquer sa propre matière première, sa laine“, confie Sonia Rielke, présidente bénévole de Montcapel, ajoutant, en substance, que l’équilibre financier est encre fragile.
Les locaux de Montcapel appartiennent à la commune avec laquelle s’est “nouée une vraie coopération”. “Notre première “cloche” (matière première en feutre) est sortie en janvier 2021.” On peut, bien sûr, trouver des artisans qui fabriquent leur propre laine mais ce sont des productions à l’unité. Là, c’est une fabrication en séries. Etre en coopérative, cela a plusieurs avantages pour ceux de ces amoureux qui ne sont pas des magnats et qui n’ont pas, seuls, de fortune personnelle. “C’est aussi une façon d’attirer des salariés.”
“Un autre choix, de qualité, différent de ce qui est fabriqué à bas coût en chine, Portugal, République Tchèque, etc.”
Irlandaise – de mère française -, mais très attachée au village dont sont originaires ses grands-parents et où elle venait en vacances, mariée à Allemand, lui-même artisan luthier, Sonia Rielke a compris en novembre 2018 que cette “chapellerie avait un potentiel”. Elle dit : “Entre les années 1970 et 2000, toute l’industrie avait disparu. Je me suis alors mise à rencontrer entre 2018 et 2019 les confrères d’autres chapelleries, modistes…” Il a fallu réussir, parallèlement, tout un travail de RH – le secteur où elle bosse – pour rendre peu à peu les dix ouvriers plus polyvalents.
Abri pour femmes et enfants fuyant le franquisme
Montcapel a commencé à séduire des acteurs du monde de la mode et du luxe. “Les modistes, ça leur donne des arguments de vente d’expliquer que notre laine qu’ils utilisent est réalisée en France et puis nous leur apportons un autre choix, de qualité, différent de ce qui est fabriqué à bas coût en chine, Portugal, République Tchèque, etc.” Pas question, non, d’en faire un musée ! Le site a aussi une histoire ayant même servi lors de la retirada à accueillir six cents réfugiés espagnols – femmes et enfants – fuyant le franquisme dormant au milieu des machines – certaines ont aujourd’hui un siècle ! Là aussi il y a un trésor : “Nous possédons plus de 1 500 moules en fonte d’aluminium dont 500 sont des modèles différents ; certains proviennent d’autres chapelleries qui ont fermé…”
“Ça ne tient pas chaud, c’est même thermo-isolant !”
Et d’où vient la laine ? “D’un mélange de mérinos d’Arles venu de Mazamet (Tarn) et de rebuts de filatures d’Allemagne”, vu que la filière n’y est pas florissante… Un chapeau, chez nous, ce sont 30 étapes de fabrication. “Contrairement aux idées reçues, la laine ne tient pas plus chaud qu’un chapeau de paille. C’est même thermo-isolant !” Quel sont les gestes de production que Sonia Rielke préfère ? “L’enroulage : on enroule la laine pour en faire des cônes avant de le feutrer ; le feutrage c’est triturer la laine pour que les fibres s’entremêlent et que ça devienne très dense. Il ne reste qu’une seule personne en France à savoir faire ce geste très particulier. La prochaine étape : réussir cette transmission des savoirs.” Une fois cela réalisé, “tout se passe ensuite à la vapeur”, autre geste technique que la présidente apprécie. “La vapeur sert à étendre les fibres et contribuer à réaliser des formes de chapeaux.”
L’Occitanie, région la plus représentée de France
La Grande Exposition du Fabriqué en France en est à sa 4e édition, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. L’événement met à l’honneur les entreprises, les artisans, les producteurs, les industriels et les associations engagés dans une démarche de fabrication française. Et parmi les 122 produits nationaux sélectionnés cette année, la région Occitanie compte quinze lauréats sur son territoire, ce qui en fait la région la plus représentée de France, ex-æquo avec la Nouvelle-Aquitaine (lire ci-dessous).
Produits du quotidien, spécialités locales, innovations…
Ces produits lauréats sont des objets du quotidien, des spécialités locales ou des innovations qui illustrent la richesse des savoir-faire français et de ses territoires ; ainsi 47 % des lauréats sont des produits industriels, 33 % artisanaux et 10 % alimentaires. Et aussi : parmi les entreprises sélectionnées, 14 % sont des start-up, 16 % des TPE, 46 % des PME, 9 % d’ETI, 3 % de grandes entreprises, et une association.
“Ce patrimoine-là c’est aussi l’identité de nos régions”
Pour Olivia Grégoire, ministre : “On parle bien souvent de notre patrimoine culturel, culinaire ou encore de la richesse de nos paysages, et à raison, mais nous avons la chance de pouvoir compter, en France, sur un immense patrimoine entrepreneurial et de savoir-faire, parfois séculaires. Ce patrimoine là c’est aussi l’identité de nos régions et départements, il fait vivre notre économie locale et fait rayonner la France à travers le monde. Cette exposition c’est l’occasion de renforcer la visibilité du savoir-faire à la française et de valoriser le travail assidu de nos entrepreneurs. Un immense bravo à toutes nos entreprises candidates, mes félicitations aux lauréats et hâte de découvrir en octobre leurs bijoux.”
Olivier SCHLAMA
09 Ariège – Le Haut du Panier : Panier ovale en osier brut
11 Aude – SCIC MontCapel : Chapeaux French Connection, Napoléon et Bonnet
Phrygien
12 Aveyron – Maison Fabre SAS : Le gant Larzac
12 Aveyron – SARL Yves Combes : Roquefort Le Vieux Berger
30 Gard – Ceclo Experience : Catamaran Ceclo Original ybride
31 Haute-Garonne – OLFIT SAS : Le Tee-shirt anti-noyade
32 Gers – Varela Design : Radiateur design VD4608
34 Hérault – Vaonis : Téléscope smart Vespera
46 Lot – Occitanie Pierres : Dallage Auberoche antique
48 Lozère – Atelier TUFFERY : Pantalon droit Naturel Gabi
65 Hautes-Pyrénées – SAS LTH : Maison mobile éco-conçue sur-mesure Lou Tiny
House
66 Pyrénées-Orientales – Les Toiles du Soleil : Sac en toile coton laize ANNA
81 Tarn – SAS Pan Business & Consulting : Borne de recharge ANY S
82 Tarn-et-Garonne – L’Atelier d’Octave : Jeu de pierres à surfacer les cheminées de
saxophones
82 Tarn-et-Garonne – Villeroy & Boch SAS : Receveur de douche Le Valence
Dis-Leur ! apprécie le “fabriqué en France”
Made in France : Bijoux, maison en bois, guitares… : Les artisans d’Occitanie en force à Paris
Pays de Cocagne : Labège et le Pastel… Occitanie, trois couleurs Bleu
Haut-Languedoc : Mazamet et la laine… Occitanie, trois couleurs Blanc
Pays Catalan : Prades et le Grenat… Occitanie, trois couleurs Rouge
Conso : Acheter made in France, c’est “un engagement citoyen global…”