Emblème de la Camargue : Et si vous adoptiez un flamant rose pour Noël ?

Ph. Tour du Valat

Son image joliment rosée est indissociable du delta de la Camargue au même titre que les endémiques cheval blanc et le taureau noir. La Tour du Valat, institut de recherche, renouvèle son opération. Depuis 2020, il y a eu 3 500 “parrains”, de quoi financer la recherche sur ce mystérieux et emblématique oiseau. “Ces parrainages ne sont pas que des actes de militantisme ou juste pour la bonne cause. Cela crée une émotion…”, souligne le naturaliste Jean Jalbert, directeur général de la Tour du Valat.

Rosalie, Joé, Poupouille… Avec le puissant cheval blanc et le taureau noir, l’élégant flamant a pris toute sa place dans le coeur des gens. Ce samedi matin, une soixantaine de personnes, qui ont symboliquement adopté un flamant rose, étaient invités à une journée d’accueil des “parrains” au parc ornithologique du Pont de Gau pour découvrir ce que deviennent leurs oiseaux “filleuls” qui avaient été bagués en leur présence.

Visites et échanges avec les experts en ce samedi

Ce samedi matin, sur le domaine de la Tour du Valat, des “parrains” et des flamants roses “adoptés”. Photo : Jean Jalbert.

En guise de remerciement, ils ont assisté en ce samedi 11 novembre à des visites et à des échanges avec les experts de la Tour du Valat et du parc ornithologique du pont de Gau “sur la vie extraordinaire du flamant rose”, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. Pour mieux connaître la biologie de l’espèce, ses comportements. Au total, on dénombre 3 500 personnes qui, depuis 2020, ont parrainé au moins un flamant rose. L’opération, originale, avait été lancée dans les années 1990.

“Opération décalée, humoristique, dont le but est de faire passer des messages…”

Jean Jalbert livre une anecdote pour illustrer le lien fort entre le flamant adopté et son parrain. “Nous avons le cas d’une marraine qui a adopté un flamant rose qu’elle n’a pas pu voir depuis des années ; on lui a proposé alors de changer de flamant. Et elle a répondu par la négative. Et six ans après, son flamant est réapparu dans nos observations. C’était émouvant. Ces parrainages, ce ne sont pas que des actes de militantisme ou juste pour la bonne cause. Cela crée une émotion. C’est une opération décalée, humoristique, dont le but est de faire passer des messages…”

Baby boom de flamants roses : “Cet oiseau nous interroge sur notre rapport au vivant…”

Chaque flamant est bagué – entre 500 et 900 sont ainsi bagués chaque année et ce, depuis 1977 – avec une bague métallique et une autre en PVC avec un numéro que l’on peut lire à 300 mètres de distance avec des jumelles. “Des observateurs, nous en avons un peu partout autour de la Méditerranée qui, dès qu’ils voient un flamant bagué, nous le disent. Cela peut venir de Tunisie, Turquie, Espagne… Et le parrain reçoit lui aussi aussitôt un message, comprenant une petite carte interactive montrant les déplacement de leur oiseau, de Camargue en Turquie, Tunisie, etc.”

Un site internet dédié : monflamant.com

Ce samedi matin, sur le domaine de la Tour du Valat, des “parrains” et des flamants roses “adoptés”. Photo : Jean Jalbert.

L’opération, qui rencontre déjà un vif succès, vise à récolter des fonds pour mieux étudier ces oiseaux emblématiques de Camargue dont les habitats sont menacés. Le réputé institut de recherche de la Tour du Valat, basé à Sambuc, à Arles (Bouches-du-Rhône), a donc lancé une initiative unique en son genre. “Nous avons créé un site internet : monflamant.com, grâce auquel tout citoyen peut en quelques sorte adopter un flamant rose”, confie Jean Jalbert qui dirige cet institut. Attention, pas question de repartir avec l’un de ces grands oiseaux sous le bras. Il s’agit d’un parrainage qui consiste à verser une somme (plusieurs niveaux sont proposés entre 25 € et 100 € suivant plusieurs offres).

Flamants roses Photo : Renaud Dupuy de la Grandrive

L’argent sert à financer des programmes de recherche qui ont du sens. Un peu comme ceux qui visent à aider à sauver tigre ou panda, par exemple, notamment ceux du WWF. “La différence c’est que le parrain de l’un de nos flamants roses est un vrai parrain : il reçoit régulièrement des informations de son animal “filleul”, une carte régulière, etc. Et la période de Noël, c’est l’occasion forte de se faire plaisir et au-delà de contribuer à sauver l’un des joyaux de nos lagunes et de nos zones humides”, expliquait Jean Jalbert.

Un programme de recherche sur les risques vis-à-vis des futures éoliennes flottantes en Méditerranée

Certains flamants sont équipés de GPS, dans le cadre d’un autre programme de recherche lié à la future installation d’éoliennes flottantes géantes en Méditerranée. “Il s’agit, là, de mieux comprendre leurs déplacements des différentes espèces à travers la Méditerranée. Et d’en comprendre les risques de rencontres avec les éoliennes. On a donc équipé des flamants mais aussi beaucoup d’autres espèces. On va pouvoir les suivre en temps réel et quand ils traversent la Méditerranée, savoir où les flamants passent et à quelle altitude.”

Domaine tour du Valat. Ph. Jean Jalbert

On compte, peu ou prou, quelque 50 000 flamants roses sur la façade méditerranéenne française. Le nombre de poussins varie entre 3 000 et 5 000 poussins par an. Cela peut aller jusqu’à 10 000. “selon les années, il y a plus ou moins de reproductions. Le nombre de couples reproducteurs est fonction de la taille du lido sur lequel ils peuvent aller et, ensuite, dès un gros événement météo, une grosse pluie, par exemple, des poussins meurent. Le succès de reproduction varie donc d’une année à l’autre.”

Habitat artificiel pour un réensauvagement réussi

Il y a un certain baby boom de flamants roses. Dans les années soixante, l’espèce a failli disparaître car il y avait très peu de sites existant sur lesquels cet oiseau farouche pouvait nicher en toute tranquillité en Méditerranée française. Et pendant dix ans, aucun site n’était propice et, pendant dix ans, il n’y avait pas de reproduction. “C’est là qu’avec la compagnie des Salins du Midi, nous avons construit un habitat artificiel. Ça a été le début de la relance du flamant. Cette méthode a été reprise dans d’autres sites en Espagne, Turquie…”

Les flamants roses adorent les salins

Quelque 150 bénévoles baguent le 09 août 2017 590 juvéniles flamants roses. Le baguage est organisé par la Tour du Valat sur le site des Salins d’Aigues Mortes.

C’est aussi un bel exemple de réensauvagement artificiel. “Oui. On les aide. On les pousse. On les suit. Et, en plus, les flamants roses aiment beaucoup la production salinière qui leur donne des milieux très stables.” Cela peut paraître bizarre qu’une espèce sauvage s’amourache d’une activité industrielle mais c’est ainsi. “La beauté de la chose, c’est que les Salins du Midi, par le fait que c’est très étendu ; qu’il y a peu de dérangement, les flamants adorent ces lieux”, relativement inaccessibles à des prédateurs comme des chiens errants.

50 000 flamants roses en Méditerranée française

Depuis sa création, la Tour du Valat mène un programme d’études sur les flamants. En 1977, l’institut met en place un programme de recherche et de baguage des flamants roses pour percer les secrets d’un animal intelligent et énigmatique. “La population est d’environ 50 000 spécimens en été mais la moitié part en hiver. Elle part où ? C’est la grande question à laquelle commencent à répondre nos scientifiques et notre réseau d’observateurs présents autour de la Méditerranée.”

“Faire du flamant rose un ambassadeur de la cause des zones humides…”

“Faire du flamant rose un ambassadeur de la cause des zones humides… En général, quand on parle de ces endroits, c’est pour évoquer les moustiques, ce qui n’est pas très attractif. Nous, on dit que le flamant rose, par son capital de sympathie, sa beauté, l’attraction qu’il génère, peut être cet ambassadeur. En plus, si on protège cet oiseau, on protège pleins d’autres espèces peut-être moins sexy mais out aussi nécessaires.” C’est ainsi que le naturaliste Jean Jalbert résume l’ambition de l’institut de recherche de la Tour du Valat qui mène depuis des décennies des actions de préservation pour l’un des emblèmes de la la Camargue.

“Vols” de semi dans les rizicultures

Opération exceptionnelle de baguage de poussins flamants roses en Camargue, grâce à l’aide de 150 bénévoles. De quoi mieux comprendre les migrations de cet oiseau, emblème de la Camargue. Photo : ZEPPELIN-Tour du Valat.

Même la cohabitation avec les activités économiques apaisée avec, notamment, les producteurs de riz. “Eux-mêmes sont des partenaires en ce sens qu’ils utilisent l’image du flamant pour leur marketing. La riziculture a commencé après la Seconde Guerre mondiale. Là où cela est un peu compliqué, c’est sur les “vols” de semi de riz : certains flamants roses ont pris l’habitude d’aller “visiter” des rizières au moment où l’on plante en faisant des dégâts, qui, localement, peuvent être importants.”

Des solutions d’effarouchement

Pourquoi cette problématique s’est-elle fait jour ? “Les problèmes sont apparus quand on a arrêté le repiquage du riz pour faire des semis à la place. Cela a correspondu au moment où l’on a utilisé le laser pour réaliser des rizière très plates sur de très grandes étendues (avant on ne savait pas faire de grandes rizières avec la même hauteur d’eau). Enfin, c’était le moment où l’hélicoptère est arrivé pour traiter les rizières mais par sécurité, on a aussi enlever les haies. Du coup, le paysage ayant complètement changé il est devenu extrêmement favorable au flamant rose qui adore les très grandes étendues sans obstacle. Notre conseil, c’est de dire : plantez des haies et faites des rizières plus petites. Sinon, nous travaillons main dans la main avec ces professionnels, le parc de Camargue et les services de l’Etat pour essayer de trouver des modalités pour effaroucher les flamants roses. C’est une autre solution mais les flamants peuvent revenir.

Olivier SCHLAMA

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