Agriculture : En marge de “Millésime Bio”, la fragilité d’une pépite de l’Occitanie

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Un peu plus de 14.000 exploitations et de 600.000 hectares certifiés bio ou en conversion, soit plus de 21% de la surface agricole régionale, ce sont les chiffres qui font de l’Occitanie la première région bio de France. Essentiel pour l’avenir le bio reste cependant fragile, comme le démontrent la menace de suppression de l’Agence Bio envisagée un temps par le Sénat et les polémiques autour de l’Office français de la biodiversité (OFB). Côté positif, le succès du salon Millésime Bio qui démontre le dynamisme du vignoble d’occitanie…

La ministre de l’Agriculture Annie Genevard a annoncé, ce lundi 27 janvier, que le gouvernement ne supprimera pas l’Agence Bio, malgré le vote dans ce sens du Sénat (lors de l’examen du budget). Une marche arrière qui a soulagé bon nombre d’acteurs de la filière bio en France, et plus particulièrement en Occitanie.

Unanimité des syndicats agricoles contre le vote du Sénat

Le choix du Sénat, devant permettre une économie de 2,9 millions d’euros (en transférant ses missions à FranceAgriMer ou au ministère de l’Agriculture) avait d’ailleurs fait l’unanimité des syndicats agricoles contre lui, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA) dénonçant “un vote incompréhensible” tandis que la Confédération paysanne s’inquiétait d’une “déstructuration de la filière.”

Quant à la Coordination Rurale, par la parole de son responsable de la section bio, Franck Olivier, elle “se réjouit du positionnement raisonnable du gouvernement qui décide de maintenir l’Agence bio avec qui nous travaillons en bonne intelligence.”

Et de souligner que “s’en tenir à des considérations uniquement comptables revient à faire fi de la particularité de cette petite agence. L’ensemble des professionnels de l’agriculture bio y siège : c’est une exception qui fait sa force.”

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Le risque de “fragiliser encore une filière déjà sous tension”

Mise en place en 2001, l’Agence Bio a en charge le développement et la promotion de la certification biologique. Elle est considérée comme “un pilier du secteur” et a “joué un rôle déterminant dans l’information des consommateurs, facilitant leur accès à des données fiables sur le bio.” Pour le site Bio à la Une : “Le succès de l’Agence Bio s’est également traduit par une augmentation des parts de marché du bio…”

Dans un contexte agricole difficile pour tous, l’agriculture bio peine à se maintenir en France depuis 2021. Le message envoyé par les sénateurs n’a rien de rassurant. “Accompagner l’agriculture biologique, au-delà des soutiens directs aux producteurs, c’est aussi œuvrer au développement et à la promotion de cette filière. La remettre en cause aujourd’hui, c’est fragiliser encore davantage une filière déjà sous tension. Rappelons que notre souveraineté alimentaire en bio est déjà menacée, avec 30% de notre consommation reposant sur des importations, et que les prix payés aux producteurs bio ne couvrent pas leurs coûts de production en raison d’une consommation en berne” précise-t-on du côté de la FNSEA et de JA.

Un optimisme modéré observé au salon Millésime bio

Au moment où se tient le salon professionnel Millésime Bio à Montpellier (Parc des Expositions du 27 au 29 janvier), c’est l’occasion de réaliser un gros plan sur cet “espace viticole” si important en Occitanie (qui représente 34,4 % des vignes françaises en agriculture biologique ou en conversion).

“En dépit des tensions économiques, les grands indicateurs de la filière des vins bio en France restent positifs. Certes à un rythme plus lent que sur la période 2018-2020, la conversion du vignoble se poursuit avec, l’an passé, plus de 500 nouveaux démarrages de conversion et 1,6 % de vignes conduites en bio en plus” précisent les organisateurs, en faisant référence aux chiffres de l’Agence Bio, justement.

On constate en effet, côté marché, que tous les circuits sont en croissance, à l’exception de la grande distribution où le repli du rayon vin est structurel. En 2023, les ventes de vin bio ont ainsi progressé en France, tant en volume (+ 3 %) qu’en valeur (+ 9 %). À l’export, elles sont également en hausse, en volume (+ 9 %) comme en valeur (+ 5 %).

Toutefois, “la crise qui affecte la consommation de vin, les difficultés des autres catégories de produits bio (*) et un contexte géopolitique, économique et social peu encourageant génèrent de l’incertitude, d’autant que la dynamique exceptionnelle de conversion des dernières années a généré de nouveaux volumes sur les marchés et donc la nécessité de nouveaux débouchés.”

Selon une enquête menée par Millésime Bio auprès de ses exposants, ceux-ci se disent d’ailleurs plus confiants dans l’avenir des vins bio que dans l’avenir du vin en général. Mais les résultats montrent aussi que l’optimisme est plus solide sur le long terme que sur le court terme, un écart qui révèle des inquiétudes conjoncturelles.

Millésime Bio, chaque année le même retentissement. Photo DR

L’Occitanie abrite 51 appellations d’origine protégée (AOP) et 36 indications géographiques protégées (IGP), réparties sur quatre bassins viticoles parmi les plus importants du pays : le Languedoc, le Roussillon, le Sud-Ouest et la Vallée du Rhône. La Région Occitanie a fixé un objectif de 25 % de la surface agricole utile (SAU) régionale en bio d’ici 2027.

A quelques semaines du Salon de l’Agriculture !

Suite à l’annonce de la ministre de l’Agriculture, on respire donc un peu mieux dans les exploitations. Et aussi du côté du réseau des entreprises Bio de la région Occitanie “OceBio” qui s’inquiétait “alors que le secteur traverse une crise difficile” de ce “signal négatif envoyé à ces femmes et ces hommes qui font le choix de l’exigence en produisant, transformant, distribuant des produits bio.”

Pour OceBio, en effet, “à quelques semaines du Salon de l’Agriculture où sera lancée la nouvelle campagne collective autour du bio, d’une ampleur inédite, les acteurs que nous représentons ne comprendraient pas que le gouvernement et les élus suppriment cette agence qui a fait ses preuves. À l’heure où la transition écologique et la souveraineté alimentaire s’imposent, supprimer l’Agence Bio, c’est priver toute une filière et ses acteurs d’un levier essentiel pour le développement de l’agriculture biologique.”

Le sujet est forcément sensible en Occitanie, élue meilleure Région Bio d’Europe (récompense décernée au titre des Organics awards 2022) où le Plan Bio 2023-2027 représente un budget de plus de 134M€ avec notamment pour objectif “de passer à 25% de surfaces agricoles en agriculture biologique et de doubler la consommation alimentaire bio des ménages à l’horizon 2027.”

Philippe MOURET

(*) Les surfaces de production en agriculture biologique, toutes cultures confondues, ont baissé pour la première fois en France en 2023 (-1,92%).

Polémiques autour de l’Office français de la biodiversité

L’intersyndicale de l’Office français de la biodiversité (OFB) a décidé de poursuivre sa grève des missions de contrôles entamée pour protester contre les mises en causes répétées de leurs actions par les politiques. Le torchon brûle depuis environ un an autour de cet établissement public dédié “à la protection et la restauration de la biodiversité en métropole et dans les Outre-mer, sous la tutelle des ministères chargés de l’écologie et de l’agriculture.”

En un an, près de 90 implantations de l’OFB auraient fait l’objet “d’attaques” plus ou moins graves, selon un représentant syndical. Ainsi, la semaine dernière, le siège départemental de l’Aude de l’OFB, à Trèbes, a été dégradé : murs tagués et portail incendié. Quelques jours plus tôt, trois sites de l’OFB dans l’Hérault avaient été ciblés par les agriculteurs. alors que le 16 janvier, c’est un site de l’OFB à Mende (Lozère) qui avait été ciblé.

Des propos “outrageants” pour les agriculteurs

Dans un contexte déjà tendu, ce sont les propos d’un agent de l’OFB sur France Inter, le 15 janvier dernier, qui ont mis le feu aux poudres. “J’ai le sentiment que ce que veulent les agriculteurs, c’est ne plus nous voir dans leurs exploitations. C’est du même ordre que si les dealers demandaient aux policiers de ne plus venir dans les cités” avait commenté cet agent, dont l’administration s’était immédiatement désolidarisé.

Les JA de Lozère expliquaient sur Facebook, suite à leur action : “L’OFB se lève tous les jours avec seule motivation de sanctionner les agriculteurs sans dialogue et avec mépris. Nous sommes les premiers acteurs de la biodiversité, L’OFB devrait nous soutenir chaque jour. Nous redemandons le désarmement complet de l’OFB ! Nous redemandons de laisser travailler les agriculteurs sans contrôles ou suspicions.”

A la suite d’incidents, une circulaire ministérielle (décembre 2023) conseille un “port d’arme discret” aux agents lors de leurs visites dans les exploitations agricoles. Les agents de l’OFB sont chargés de faire respecter les règles en matière d’usage des pesticides, d’arrachage de haies ou de respect des arrêtés sécheresse, mais aussi de contrôler les chasseurs, de lutter contre le braconnage ou le trafic d’espèces protégés.

La direction régionale Occitanie de l’OFB regroupe 271 agents répartis sur tout le territoire : https://www.ofb.gouv.fr/occitanie#t_enjeux

Autre polémique, celle qui a opposé le journaliste militant écologiste Hugo Clément au député LR Laurent Wauquiez. Ce dernier ayant proposé de supprimer l’OFB et provoquant la colère du journaliste qui lui a vertement rétorqué sur le réseau social X. La biodiversité mérite sans aucun doute mieux…

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