Quartiers sensibles : La directrice de l’Anru veut redéfinir “des perspectives d’avenir”

Anne-Claire Mialot, directrice de l'Anru, au Globe, à l'Île de Thau, à Sète. Photos Olivier SCHLAMA

Directrice de l’Agence nationale de rénovation urbaine qui cofinance fortement de gros projets de requalification urbaine, Anne-Claire Mialot était à Sète, Agde et Béziers, en marge du 84e congrès du logement social qui s’alarme de l’explosion des demandes de logement social.

Anne-Claire Mialot arbore une étonnante boule de cristal autour du cou. Peut-être parce que la directrice de l’Anru, qui était en visite de terrain ce jeudi à Sète, Agde et Béziers, aimerait bien lire dans l’avenir. Parce que, dans cette période de charivari général, l’Anru (Agence nationale de rénovation urbaine), une bonne fée parmi les organismes gouvernementaux depuis juste 20 ans, est parfois critiquée.

Certes, en deux décennies, son programme a profondément transformé l’espace urbain des quartiers, avec, entre autres, 175 000 logements démolis et 220 000 nouvellement construits. Mais son impact sur la mixité sociale et d’attractivité est plus nuancé : celles-ci sont fortes dans seulement un petit quart des 546 quartiers concernés par ces opérations immobilières d’ampleur.

“Faire en sorte que ces quartiers redeviennent des quartiers comme les autres à terme”

Anne-Claire Mialot Mialot, directrice de l’Anru, au Globe, à l’Île de Thau, à Sète. Photos Olivier SCHLAMA

De Sète à Lunel, ce furent plus de 800 M€ investis dans les quartiers. Anne-Claire Mialot a été missionnée par le gouvernement pour établir un rapport sur le futur du renouvellement urbain avec Cédric Van Styvandael (maire de Villeurbanne) et Jean-Martin Delorme (président de section à l’IGEDD). Le rapport devrait être remis à la nouvelle ministre du Logement Valérie Letard, bien accueillie par les bailleurs sociaux, dans les prochaines semaines.

L’Hérault est fortement concerné par la géographie prioritaire de la Ville avec 22 quartiers classés en politique de la ville (QPV) pour leur forte concentration de pauvreté. Parmi ces vingt-deux quartiers, sept ont été retenus par l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) “au vu de la gravité de leurs dysfonctionnements urbains, pour faire l’objet d’une intervention lourde de restructuration du bâti et des espaces publics, moderniser les équipements publics, et faire en sorte que ces quartiers redeviennent des quartiers comme les autres à terme”.

“Comment doit se mettre en œuvre cette politique publique à l’avenir ?”

Anne-Claire Mialot, directrice de l’Anru, à l’Île de Thau, à Sète. Photos Olivier SCHLAMA

“La question n’est pas tant la survie de l’Anru, qui est une agence de programmes, c’est-à-dire que sa raison d’être est la mise en œuvre du nouveau plan national, décrypte un proche du dossier, mais plutôt de savoir s’il y a des besoins de renouvellement urbain qui demeurent dans les quartiers prioritaires ? Et au-delà ? Et comment doit se mettre en œuvre cette politique publique à l’avenir ?De redéfinir des “perspectives d’avenir”, selon le mot Anne-Claire Mialot. Pour que l’argent qui est consacré serve pleinement.

Co-financé à 70 % par le 1 % logement (contribution des salariés et des employeurs), à 20 % par les bailleurs sociaux (représenté par l’Union sociale pour l’habitat) et 10 % par l’État, son budget est quand même de 12,1 milliards d’euros (lire ci-après). Avec un effet de levier sur les projets partagés par les collectivités concernées dont la Région, “hors de ses domaines de compétences”, souligne Sébastien Denaja, conseiller régional.

Ici, on peut tout faire à pied en dix minutes sauf que, pour l’instant, les cheminements sont très complexes à travers voitures et stationnements”

Robe vert espérance, talons hauts, Marie-Claire Mialot s’est prêtée au jeu d’une déambulation à travers un entrelacs implexe de cheminements dans le quartier de l’Île de Thau, à Sète : à première vue, une incroyable marina, posée face à l’étang de Thau. Sans doute le plus beau quartier QPV de France s’il n’était pas gangréné par les trafics.

Anne-Claire Mialot Mialot, directrice de l’Anru, à l’Île de Thau, à Sète dans un garage solidaire. Photos Olivier SCHLAMA

Les projets cofinancés par l’Anru sont multiples à Sète : requalification de l’avenue Mendès-France, l’artère principale, qui perce le quartier ; création d’une voie verte ; stationnement repensé ; des réhabilitations ; désimperméabilisations, etc. Et même des “soustractions positives”, selon l’incroyable jargon administratif (des démolitions d’appartements). “Ici, on peut tout faire à pied en dix minutes sauf que, pour l’instant, les cheminements sont très complexes à travers voitures et stationnements. Demain, les enfants du quartier devront pouvoir aller de leur domicile à l’école à pied, de façon sécurisée…”, a résumé l’urbaniste Clément Bodin. Et faciliter la liaison entre les deux écoles du quartier et le stade Louis-Llense.

Explosion de la demande de logements sociaux

En 2031, ce seul quartier (superficie de 13 hectares pour 3 794 habitants avec un important taux de pauvreté de 60,9 %) aura bénéficié de 41 M€ d’investissements dont 19, 6 M€ de l’Anru ! Et ce, concomitamment avec les 84e congrès du logement social à Montpellier. Au coeur de ce dernier, l’explosion de la demande de logements sociaux et la baisse du nombre d’autorisation de la part de l’Etat, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI : à ce jour, on compte 2,7 millions de personnes en attente d’un logement social – soit 100 000 de plus en deux ans -, dont quelque 200 000 en Occitanie ! Dans un contexte de crise de la construction “sans précédent”, a alerté Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH, qui représente 80 % des bailleurs sociaux, sachant que le pays compte 600 organismes HLM gérant cinq millions de logements pout 11 millions d’habitants.

Polder” pris sur l’étang de Thau

L’Île de Thau, à Sète. Photos Olivier SCHLAMA

Et cette crise du logement est à prendre très au sérieux qui pourrait engendrer une crise sociale (quand le bâtiment va tout va. Sinon…) : c’est ce que redoute tout ce que le pays réunit de bailleurs sociaux, de plus en plus mis à contribution, et de collectivités.

C’est le cas à Sète où ont été présentées améliorations passées et futures de ce quartier qui réunit 1 280 logements sociaux (et 200 maisons individuelles) ; un “polder” pris sur l’étang de Thau dans les années 1970, là “où gosse, je venais pêcher les crevettes et ramasser les palourdes”, a confié le maire, François Commeinhes.

“Tisser des liens”

Des opérations de désenclavement, notamment en perçant une seconde entrée dans le fameux Globe. Globalement, il s’agit en plus de la destruction de 54 logements (sur les 295 de ce quartier dans le quartier), de “tisser des liens” entre les pôles de services : pharmacie, CCAS, salle de Spectacle la Passerelle, les écoles, la mairie annexe, le centre commercial, etc. sont tous du même côté. Il faudra créer un cheminement, au bord de l’étang de Thau, pour désenclaver le quartier en le contournant ; “retravailler la centralité” ; simplifier des cheminements pour éviter qu’un piéton soit obligé de passer entre les voitures, contourner un bâtiment, etc.

Aller sur le terrain, c’est important. Cela permet, s’il y en a, d’identifier des situations de blocage et d’y remédier ; de faire passer des messages aux partenaires et organismes”

La directrice de l’Anru confirme : “C’était l’occasion, avec le congrès du logement social qui se déroule à Montpellier, de venir là je n’étais pas encore venue dans l’Hérault : Lunel, Sète, Agde et Béziers. Aller sur le terrain, c’est important. Cela permet, s’il y en a, d’identifier des situations de blocage et d’y remédier ; de faire passer des messages aux partenaires et organismes. Et puis, chaque visite mobilise les équipes des collectivités qui sont associées à ces opérations.”

Un terrain libéré récemment devant le centre commercial de ‘Île de Thau, à Sète. Photos Olivier SCHLAMA

L’Anru est-elle force de proposition auprès du gouvernement pour qu’il y ait davantage de logements sociaux mis en chantier dorénavant ? Elle se borne à dire de sa position de directrice de l’Anru stricto sensu : “Le second plan de rénovation urbaine est dans sa phase opérationnelle qui vise notamment à mettre sur le marché des logements dignes.” Dans certaines villes concernées par la politique de la ville, on tente aussi de relever le défi de réaliser des éco-quartiers, comme à Sète, avec panneaux solaires et tout le toutim.

“Notre but : que ce plan se déploie partout où il est prévu”

“Il y a en effet la question climatique avec installations solaires et isolation thermique des logements, tout en favorisant les mobilités douces. Ce à quoi je m’attelle, précise Anne-Claire Mialot, c’est que les logements détruits soient remplacés. Il ne faut pas oublier que nos chantiers contribuent à l’activité économique du pays. Notre budget de 12 milliards d’euros génère 45 milliards d’euros d’investissement.” Et quand elle regarde vers l’avenir, elle se focalise : “Notre but, c’est que ce plan se déploie partout où il est prévu ; c’est pour cela que j’invite les collectivités et les partenaires à signer les avenants et respecter le calendrier…” En clair : aller vite tant que cela n’est pas remis en cause.

Olivier SCHLAMA

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