Région Occitanie : “Grande cause du mandat”, l’habitat durable bénéficie d’un plan de 150 M€

Chantier de rénovation d'une maison ancienne à Francarville (31) : isolation de murs intérieurs. Ph. Sébastien Pouchard, Région Occitanie.

Quinze mesures votées pour rendre plus attractifs les territoires ruraux ; encourager la sobriété énergétique des bâtiments ; bâtir une filière économique de l’écoconstruction et développer les emplois liés à l’habitat durable grâce à la formation, comme l’explique, enthousiaste, Agnès Langevine, vice-présidente de la Région Occitanie. À l’heure où 200 000 demandes de logements sociaux sont en attente. Et où 300 000 logements sont vacants.

Le vote du budget primitif de la Région Occitanie a consacré la formule de Carole Delga : “L’Occitanie reste la première Région française en termes d’investissement”. D’un montant total de 3,55 milliards d’euros, le budget prévisionnel 2024 prévoit un montant d’investissement de 1,2 milliards d’euros, soit une hausse de plus de 35 % par rapport à 2019. “C’est l’investissement régional le plus élevé de France avec un endettement maîtrisé et un recours à l’emprunt diminué de 15 %. Ainsi, la Région poursuit sa politique volontariste pour soutenir l’activité, préserver le pouvoir d’achat, favoriser la justice sociale et accompagner la transition écologique”, affirme la présidente de la Région Occitanie.

“Agir pour concilier social, écologie et économie”

Ph. Région Occitanie.

Carole Delga ajoute : “Notre budget 2024 allie investissement élevé de 1,2 milliard d’euros, record par habitant pour une région, autofinancé à 70 %, et gestion responsable. Il est construit autour de l’enjeu climatique (Pacte vert) et des impacts environnementaux. Ma volonté est d’agir pour concilier social, écologie et économie, de poursuivre les grandes mutations et la transformation de notre modèle et d’œuvrer pour que chacun puisse vivre dignement”, a-t-elle précisé.

Habitat durable, “grande cause du mandat”

Dans le cadre de ce budget, 150 M€ ont été réservés pour l’habitat durable, “grande cause du mandat”, même si ce n’est pas une compétence obligatoire. Jeunes, étudiants, ménages modestes, actifs ou retraités, tous subissent les conséquences de la crise historique du logement qui sévit aujourd’hui en France. “Une triple crise, à la fois marquée par une pénurie d’offre, une dégradation du parc immobilier actuel, et un décalage croissant entre revenus et prix des loyers. Face au manque d’investissement et d’engagement de la part de l’Etat, la Région a pris les devants en soutenant très tôt la construction et la réhabilitation de l’habitat.” Avec, déjà, des résultats probants de cet engagement qui avait commencé avant ce plan : 6 430 personnes accompagnés via le dispositif Rénov’Occitanie ; 45 000 logements sociaux soutenus, 10 M€ déployés pour le soutien aux logements étudiants, plus de 8 M€ pour le soutien à la rénovation de logements communaux.

Large concertation dans la région

Avant sa mise en oeuvre, de janvier à juin 2024, la Région réalisera une grande concertation pour recueillir l’avis des instances régionales de concertation : Ceser, parlements de la montagne et de la mer, conseil régional des jeunes, et l’assemblée des territoires et la COP régionale. Mais aussi celui des professionnels de la construction et de l’habitat durable et des citoyens, à travers les Assises de l’habitat durable organisées en avril 2024.

Agnès Langevine. Ph. d’archives Olivier SCHLAMA

Pour aller plus loin, Carole Delga a donc fait voter un plan de 150 M€ dédié à l’habitat durable en s’appuyant sur les recommandations du rapport rédigé par Didier Gardinal (conseiller au conseil économique et social et environnemental), rendu en 2022. Les 15 premières mesures seront effectives dès le 1er janvier 2024 et suivront quatre axes, quatre “briques” (1) : “Accompagner les territoires ruraux et les quartiers populaires pour les rendre attractifs ; réduire la consommation énergétique des bâtiments ; bâtir une filière économique de l’écoconstruction plus sobre et respectueuse de l’environnement et développer les emplois liés à l’habitat durable grâce à la formation.”

“Répondre à des enjeux climatiques, sociaux, notamment sur la précarité de la jeunesse…”

Vice-présidente de la région, Agnès Langevine précise : “Ce plan habitat durable – qui fait aussi référence à l’habitabilité de la planète – veut répondre à des enjeux climatiques, sociaux, notamment sur la précarité de la jeunesse, et économiques, de mutation des emplois dans un secteur du bâtiment fortement touché par l’inflation et la question des matériaux biosourcés. Il y a aussi la question de la sobriété foncière qui amène à revoir que ce soit dans le geste architectural ou dans l’aménagement concret.

Faiblesse des financements de l’Etat

C’est toute une philosophie : “Le but est de modifier les façons de construire et surtout de rénover. Il s’agit, dans cette première “brique” du plan plus globalement, de répondre à la crise du logement. C’est un secteur qui est en panne pour plusieurs raisons : des mesures de financement de l’Etat jusqu’à la fragilité de certaines entreprises. Et de la hausse des demandes. En Occitanie, ce sont 172 000 demandes de logement sociaux qui ne sont pas satisfaites. On constate également une précarité grandissante, dans certains territoires d’Occitanie, et notamment des jeunes qui n’arrivent pas à se loger dignement. Or, tout ne peut plus se passer dans les métropoles, ce que redit Carole Delga.”

Accompagner des communes de moins de 5 000 habitants

Rénovation de la salle des fêtes à Saint-Martin-Le-Vieil (11). Ph. Leo Arcangeli Region Occitanie

Autre “brique” essentielle dans ce plan, l’accompagnement des communes, notamment celles de moins de 5 000 habitants. “Le but c’est d’accompagner ces communes en ingénierie et aussi en aide pour avoir in fine davantage de logements sociaux, y compris rénovés, sur le marché locatif. C’est un apport d’ingénierie et des aides financières.”

Le constat est simple : “Nous avons 300 000 logements vacants dans la région. C’est notre première réserve foncière et cela fait partie d’une réponse d’urgence ; cela permet aussi de revitaliser les bourgs centre. Il ne s’agit pas, pour la Région, d’acheter des logements mais d’aider les communes dont c’est la compétence première dans cette tâche. Et offrir des solutions d’hébergement. On a des jeunes qui ne peuvent plus se loger dans leur commune, confrontés également à la place grandissante des Airbnb… On va incité les collectivités en fonction des opportunité de préemption pour les remettre sur le marché du locatif à vocation sociale.”

Des mesures qui limitent la désertification

Un effet de levier et d’une dynamique, une animation. “Si une commune rénove son coeur de ville et qu’en même temps, elle arrive à rénover des logements, cela concourt à limiter la désertification. Par exemple, si une famille avec cinq enfants arrive à se loger dans une commune de moins de cinq mille habitants, ça peut aussi parfois faire en sorte qu’une classe ou l’école soit maintenue. C’est de la justice territoriale. Même si la région n’a pas attendu ce plan pour financer des aides aux bailleurs sociaux, par exemple ; sur le logement social ; sur les foyers de jeunes travailleurs que nous renforçons ; il y a aussi le dispositif Réno’v pour aider à mettre les logements aux normes, etc.”

Ces opérations exemplaires ne devront plus être la minorité ou des pépites ou des bâtiments démonstrateurs. Cela doit se généraliser”

Agnès Langevine, vice-présidente de la Région Occitanie

Deuxième “brique” de ce vaste plan aux incidences transversales, “l’accompagnement des filières, notamment du bâtiment, en la structurant les nouvelles pratiques (terre crue, géo, bio-sourcé…) Avec des opérations exemplaires. Il ne s’agit pas simplement de dire que l’on est dans la sobriété mais surtout de changer d’échelle : ces opérations exemplaires ne devront plus être la minorité ou des pépites ou des bâtiments démonstrateurs. Cela doit se généraliser. Les opérations de rénovation et de construction doivent s’inscrire dans les nouvelles pratiques en accompagnant l’emploi et la formation de la filière du BTP qui devra se réinventer”.

Faire en sorte que le pavillon ne soit plus forcément l’unique référence du Français qui se dirait “j’ai réussi ma vie parce que j’ai un pavillon”. Il faut que l’on puisse réinventer la façon de vivre ensemble…”

Enfin, il y a la “brique” – qui s’inscrit dans le new bauhaus européen, qui s’inscrit dans le pacte vert et “qui vise à accompagner, au-delà du logement, le cadre de vie. Avec des opérations de renaturation, de végétalisation de mode de vie… La question c’est quand je rénove un quartier, comment je place l’usager, le citoyen au coeur de la programmation. Et davantage que juste pour leur dévoiler “voilà ce qu’on a pensé pour vous”.

Construction de 57 logements sociaux, “résidence Masclaux” et le “Hameau de l’école”. Alès (30) Mars 2021. Ph. Laurent Boutonnet-Region Occitanie

Le plan de la Région Occitanie est le pendant de celui qui découle de l’Union européenne : “On l’a appelé Viure, précise Agnès Langevine. Ce qui veut dire vivre en occitan et catalan. C’est l’habitat vivant, inclusif, utopique, résilient et esthétique”, définit Agnès Langevine.

La vice-présidente de la Région poursuit : “Il faut faire en sorte que le pavillon ne soit plus forcément l’unique référence du Français qui se dirait “j’ai réussi ma vie parce que j’ai un pavillon”. Il faut que l’on puisse réinventer la façon de vivre ensemble. Avec de l’habitat participatif et partagé, par exemple. Des choses pionnières et inscrites dans une mutualisation d’espaces communs. L’habitat comme commun : il faut qu’on le pense. Qu’on le porte. Et convaincre. Cette “brique” Viure, j’y suis très attachée. Il faut aussi avoir de l’enthousiasme et s’adapter au changement climatique dans l’une des régions au monde les plus impactées par le réchauffement.”

Olivier SCHLAMA

Quinze grandes premières mesures du plan habitat

Parmi les quinze grandes premières mesures du plan habitat, on peut citer l’accompagnement des territoires ruraux et les quartiers populaires pour les rendre attractifs en aidant communes et intercommunalités à construire des logements sociaux de qualité ; lutter contre la vacance de logements ; proposer expertise d’ingénierie clé en mains aux communes, via l’Agence régionale d’aménagement et de construction ; réduire la consommation énergétique des bâtiments via des opérations de rénovation du patrimoine bâti des communes rurales (moins de 3 500 habitants). Objectif premier : rénover 350 bâtiments pour en réduire leur consommation énergétique. Aider les communes de moins de 3 000 habitants dans leurs projets d’habitats durables pour qu’ils soient les plus sobres possible.

Ce n’est pas tout. La Région Occitanie veut “bâtir une filière économique de l’écoconstruction plus sobre et respectueuse de l’environnement et développer les emplois durables de demain grâce à des formations adaptées”.

Marie Piqué : “Exiger de l’État un engagement financier massif”

La vice-présidente de la Région dénonce la faiblesse de l’engagement alors que 200 000 demandes de logements sont en souffrance en Occitanie.

Marie Piqué. Ph. Julien Sueres.

“Avoir un toit sur la tête c’est la première étape vers la dignité humaine. L’accès à une bonne santé, à une éducation, à un emploi, sont tous conditionnés d’abord par l’accès à un logement”, rappelle la vice-présidente de la Région, Marie Piqué. Malheureusement, c’est bien ce droit fondamental qui est en danger aujourd’hui dans notre pays.” Elle ajoute : “À l’heure où nous allons dépasser les 200 000 demandes de logements sociaux en attente dans notre région, ce plan constituera un apport important pour enrayer cette crise historique”, a insisté l’élue lotoise.

“Livrer des pans entiers de l’habitat public aux mains du marché…”

Au-delà des actions concrètes, la vice-présidente a aussi insisté sur deux points plus politiques : “Aujourd’hui c’est le modèle du logement social qui est remis en cause par l’Etat. Son désengagement et l’asphyxie financière des bailleurs sociaux orchestrée par les politiques publiques ont l’objectif bien précis de livrer des pans entiers de l’habitat public aux mains du marché…” (…) Il s’agit aujourd’hui d’exiger de l’État un engagement financier massif en faveur de la construction du logement social et des sanctions plus fortes envers les collectivités qui ne respectent pas la Loi SRU. Il faudra revenir tôt ou tard sur les lois Boutin, ELAN et Kasbarian qui n’ont apporté aucune solution. Nous devrons travailler collectivement pour trouver un débouché politique à cette crise.”

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