Président du conseil départemental de la Haute-Garonne, Sébastien Vincini pilote une étude inédite du BRGM dans les bassins les plus importants d’Occitanie (Haute-Garonne, Ariège, Hautes-Pyrénées) sur les ressources souterraines méconnues, des aquifères fluvio-glaciaires. Avec un dispositif unique, lui aussi, de sondes transportées par… hélicoptère !
Hydrogéologue lui-même de profession, Sébastien Vincini savait depuis une petite dizaine d’années, comme d’autres scientifiques qui avaient déjà mené une première “étude en 2010 du BRGM (Bureau de recherche géologique et minière) mais à la grosse maille, au doigt mouillé”, qu’il y avait potentiellement un trésor sous les Pyrénées,”château d’eau” du Sud de la France avec le Massif central.
De l’eau sans doute en grandes quantités dans le sous-sol de la Haute-Garonne, de l’Ariège et des Hautes-Pyrénées. Les Pyrénées-Orientales, elles, “qui ne présentent pas la même mécanique hydrique”, ne font pas partie de l’étude qui va débuter d’ici la fin de l’année sur les aquifères fluvio-glaciaires. Ce sont des “ressources ultimes dans le sous-sol pour les générations futures”, qualifie Sébastien Vincini qui va la piloter, après avoir travaillé sur la première étude.
“Cela a été fait à Grenoble où ces aquifères sont déjà exploités pour l’eau potable”

On ne sait rien de cette précieuse eau souterraine : ni sa quantité véritable, ni comment elle se renouvèle, ni sa connexion avec des cours d’eau de surface (qui alimente qui), ni comment l’exploiter le moment venu (“Quand nos rivières seront à sec”) sans l’épuiser… Peut-être même de prendre des mesures de protection de ces aquifères si, à proximité, il y a des activités polluantes. “C’est assez surprenant mais on ne connaît pas ces aquifères précisément… C’est inconnu de la science. Cela a été fait dans les Alpes, à Grenoble, où ce genre d’aquifères sont déjà exploités pour l’eau potable de façon quotidienne.”
Étude quasi-inédite qui durera quatre ans
Président du conseil départemental de Haute-Garonne, Sébastien Vincini va piloter une étude quasi-inédite qui durera quatre ans et coûtera 2,7 M€ (cofinancés par le BRGM, l’Agence de l’Eau, la Région Occitanie et les trois départements concernés). Le but des scientifiques du BRGM sera de cartographier ces réserves potentielles et d’en connaître précisément le mécanisme. Le but également c’est de les garder au chaud pour les générations futures ou les exploiter plus tôt en cas de “coups durs”, de sécheresses majeures. Si l’on en croit les experts du Giec, c’est une question d’années : les glaciers pyrénéens auront disparu totalement en 2100 et la température va continuer de croître d’au moins deux degrés d’ici là, réchauffement climatique oblige.

Alors, certes, cette année, entre les pluies de fin d’automne, le manteau neigeux actuel sur les Pyrénées, à ce stade, est “dite normale contrairement aux hivers passés, surtout depuis les années 2020. “Les débits de l’Ariège, la Garonne, de l’Hers sont à leur niveau normal. Tant mieux.” Mais, dit-il en substance, on n’est pas à l’abri de la fin d’un printemps sec et d’un début d’été handicapant. Tout va très vite : il peut y avoir “un radoucissement rapide ; une météo capricieuse avec des températures qui remontent au-delà des normales de saison…”
“On sait qu’il y a des potentialités avec des aquifères souterrains dans le piémont pyrénéen”

Sébastien Vincini rappelle qu’il “fait globalement de plus en plus sec dans le grand Sud-Ouest. Les précipitations se font plus rares et elles peuvent être plus violentes avec des phénomènes de tarissement de sources ; des difficultés de cours d’eau ; ce qui pose, en période estivale, des problèmes d’alimentation en eau potable mais aussi pour les usages agricoles et industriels. Des communes se sont retrouvées, rappelle-t-il, avec des restrictions d’eau pour les habitants du bassin Adour-Garonne pour 400 communes en 2022 et plus de 200 communes en 2023. Avec une crise aiguë dans les P.-O. On a aussi des difficultés. D’ici 2050, les cours d’eau vont voir leur débit se diviser par deux. On s’est dit : ne pourrait-on pas exploiter, un jour, à ces eaux souterraines ? C’est en discutant avec le BRGM, qui travaille sur ces questions, qu’est venue cette idée de cartographie. On sait qu’il y a des potentialités avec des aquifères souterrains dans le piémont pyrénéen.”
Les vallées de l’Ariège, de la Garonne, de la Neste, de la Pique et Gave de Pau sont des zones fluvio-glaciaires des Pyrénées qui sont à l’origine de cours d’eau”
Ces aquifères, qui ne sont pas des nappes, se “sont formés de dépôts de matières qui se sont constitués avec le déplacement des glaciers. Au fil du temps, la glace bouge et les glaciers en se déplaçant érodent les sols et, dans les Pyrénées comme dans les Alpes et tous les massifs montagneux, ils entrainent des dépôts sédimentaires en fond de vallée qui se superposent de siècle en siècle. Cela prend des millénaires à se constituer. Ce ne sont pas des réservoirs : le stock d’eau n’y est pas captif : il nourrit nos sources. Les vallées de l’Ariège, de la Garonne, de la Neste, de la Pique et Gave de Pau sont des zones fluvio-glaciaires des Pyrénées qui sont à l’origine de cours d’eau. Il faut imaginer un stockage d’eau qui se renouvèle par infiltration des eaux de pluie et fonte des neiges et qui donne naissance à des ruisseaux ou des rivières.”
Dispositif impressionnant, unique en Europe, avec des sondes transportées par… hélicoptère !
Cette cartographie ne va pas se réaliser avec un bâton de sourcier ! “Il y aura un dispositif très impressionnant, unique en Europe, pour cartographier ces aquifères. Avec des sondes transportées par hélicoptère d’ici la fin de l’année ! Il y aura deux campagnes de mesures comme avec une sorte de “sonar” qui envoie des ondes dans le sol sur 200 mètres à 300 mètres de profondeur. La roche des Pyrénées, dure, n’a pas d’eau dedans.” Les couches sédimentaires qui sont superposées, grossières, peut-être : “C’est ça qui va être précisément cartographié pour en connaître le potentiel d’eau présente.”
Seconde étape, en 2026-2027, le BRGM réalisera un puits de 200 mètres de profondeur sur la partie la plus intéressante d’un point de vue géophysique. Les hydrogéologues mesureront le débit et estimeront combien d’eau on pourra sortir de cet aquifière, sans le dénaturer.
Cette cartographie est en cohérence avec le projet Garonne-Amont dont Dis-Leur vous a parlé ICI ; l’amélioration de la gestion des ressources existantes ; la valorisation de ce qui a déjà été stocké ; l’expérimentation que nous faisons avec la réinfiltration des eaux de la Garonne dans les nappes : “C’est une stratégie départementale complète. Cela fait 20 ans que l’on parle des potentiels d’eaux souterraines ; cela fait 20 ans que l’on dit qu’il faut mieux gérer nos ressources ; qu’il faut expérimenter.”
Olivier SCHLAMA
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