Occitanie : Gorges du Tarn, Canigó, Navacelles… Nos paysages “carte postale” émerveillent

Les Gorges du Tarn, de la Jonte et Causses. Ph. kiki mag travel CRTL Occitanie Balcons du Vertige. Corniches du Méjean.

Labellisées il y a quelques jours Grand Site de France, les Gorges du Tarn et de la Jonte rejoignent les rares autres sites élus que sont les Gorges de l’Hérault, la Camargue Gardoise, le Cirque de Navacelles ou le Canigou dont la gestion est qualifiée “d’exemplaire“. Ce label, très difficile à décrocher, entend marier slow tourisme de paysages extraordinaires et vie locale.

Les Gorges du Tarn, de la Jonte et Causses ont été labellisés 21e site du réseau Grands Sites de France.Un label d’Etat via l’association éponyme. Ces sites attirent, ensemble, plus de 40 millions de touristes chaque année.

Ce sont Christophe Béchu, encore ministre de la Transition écologique, et Hervé Berville, secrétaire d’État chargé de la Mer et de la Biodiversité qui l’ont validé dont le cadre est une loi du 2 mai 1930 sur “la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque”, dont le but est de concilier développement économique et touristique, accueil et économie locale. L’objectif est aussi que les autochtones ne soient pas dépossédés de leurs paysages emblématiques et qu’ils en soient les fiers ambassadeurs ; que les touristes puissent, eux, profiter pleinement de leur découverte. Bref, que tout se fasse dans la meilleure des harmonies possibles.

Faucons pèlerins et agropastoralisme méditerranéen

Les Gorges du Tarn, de la Jonte et Causses. Ph. Benoit Colomb Lozere Tourisme. Ici, les Gorges du Tarn

Canyons profonds creusés dans la roche calcaire, les Gorges du Tarn et de la Jonte sont dominées par les causses où alternent plateaux steppiques, forestiers et cultivés. C’est un paysage exceptionnel doté de falaises spectaculaires d’où l’on peut observer le manège des rois des lieux : les grands rapaces dont faucons pèlerins, vautours, gypaètes… C’est aussi un paysage façonné par l’homme avec comme dénominateur commun : l’agropastoralisme méditerranéen et des villages singuliers. Et cette demande de label a été lancée en 2004, il y a vingt ans !

Ce sont trois communautés de communes qui gèrent ce site – Gorges Causses Cévennes, Aubrac, Lot Causses Tarn et Millau Grands Causses – qui regroupent quatorze communes. Au coeur, une démarche de concertation et une culture commune de l’esprit des lieux “tout en prenant en compte les enjeux émergents tels que la ressource en eau ou l’adaptation au changement climatique”. 

“Transformer une contrainte en avantage”

Pourquoi avoir candidaté ? David Benyakhou, directeur du Grand Site Gorges du Tarn et de la Jonte, explique : “Les 200 km2 de ce territoire étaient déjà classés d’office par le ministère de l’Environnement et ils ont déjà un niveau de protection avec des prescriptions importantes, notamment en matière d’urbanisme, de protections environnementales. Ça on le subit quelque part depuis 2002. On a donc décidé, pour transformer cette contrainte en avantage, de demander le label Grand Site avec des actions que l’on veut mener, avec un plan de gestion pluri-annuel. En clair, pour y vivre davantage en harmonie entre ceux qui y viennent et ceux qui y vivent.”

Ailes de saison, aires de camping-car…

Les Gorges du Tarn, de la Jonte et Causses. Sainte-Enimie. Ph. Elsa Guerin Lozere Tourisme.

Pour quels avantages précisément ? David Benyakhou, directeur du Grand Site Gorges du Tarn et de la Jonte élabore : “Nous sommes sur un territoire où il y a déjà la volonté de faire de l’accueil de qualité ; de continuer à y développer des activités (artisanat, commerce, accueil touristique, constructions traditionnelles…) mais toujours dans cet esprit de partage et de respect du Grand Site. En 2004, on saisit donc l’opportunité ; on bascule alors vers une opération Grand site, c’est l’étape avant le label. Il y a ainsi 53 grands sites en France dont 21 labellisés.”

Il a fallu 20 ans pour mener la concertation entre tous les acteurs, pour “mieux connaître la fréquentation (quelque 1 million de personnes par an, selon Flux vision) que l’on entend être homogène sur le territoire. On veut travailler sur les ailes de saison. On travaille aussi sur les aires d’accueil de campings car : que recherchent ces adeptes ? Quels avantages demandent-ils ?  Et, contrairement à une idée reçue, les campings-cars veulent monter sur le causse”, confie David Benyakhou, directeur du Grand Site Gorges du Tarn et de la Jonte.

“C’est aussi un gage de bonne gestion par la ou les collectivités qui en ont la charge”

Ph. JC Milhet, Destination Canigó.

Dans la région Occitanie, on trouve également, labellisés, les Gorges de l’Hérault (chères au président héraultais des Grands Sites de France, Louis Villaret), la Camargue Gardoise et le Cirque de Navacelles. “Ces sites-là, explique Marika Arabi-Onnela, sont les cartes postales de la France”.

Chargée de mission tourisme durable, elle opine quand on lui fait remarquer que ce label est peu connu mais qu’il a une forte notoriété. “Il a été créé pour qualifier la beauté des paysages français ; c’est aussi un gage de bonne gestion par la ou les collectivités qui en ont la charge. C’est à dire, certes des actions de développement mais, surtout, “une gestion durable de qualité”. C’est-à-dire que s’y adjoint un projet de territoire pour ceux qui y habitent et les touristes.

Charte, signalétique, valorisation de belvédères panoramiques… Les Gorges du Tarn sont l’une des destinations touristiques les plus anciennes. On parle d’un tourisme dit d’aventure dès la fin du XIXe siècle et qui accueille actuellement plus d’un million de touristes par an. On parle ainsi d’une offre de découverte ; d’expériences immersives douces et respectueuses. De la valorisation des activités artisanales…

Ph. JC Milhet, Destination Canigó.

Le tourisme y est vécu comme “une expérience”

“Notre label est extrêmement exigeant ; il est renouvelé – ou pas – tous les six ans ; il faut que les collectivités s’engagent dans un plan de gestion associant la Dreal, la Drac, parfois le Conservatoire du littoral ; qu’il y ait une gouvernance efficace…”, déploie Marika Arabi-Onnela, soulignant qu’en fonction des cas, “il peut y avoir la création d’un observatoire, des actions de gestion, voire des restrictions partielles d’accès avec des quotas mais c’est très rare. C’est une mesure extrême que l’on met en place quand tout à échoué ; et puis, cela ne peut se faire que sur une île ; une calanque ou au fond d’une vallée, etc. Ce label, qui est une vraie reconnaissance d’une vraie prise en mains des enjeux, c’est aussi une vision à long terme, synonyme de la préservation des paysages mais aussi du cadre de vie des habitants.” Le tourisme y est vécu comme “une expérience. D’ailleurs, en général, avant ou après l’obtention du label, nous ne notons pas de hausse de fréquentation particulière”.

La gestion du Grand site du Canigou est “exemplaire

Selon le réseau des Grand Sites de France, celui du Canigou, la montagne sacrée des Catalans, est “exemplaire“. Du côté du syndicat mixte qui le gère, Florian Chardon, directeur du Grand Site de France Massif du Canigó, en accepte l’augure. Se félicitant d’une gouvernance qui, malgré les divergences parfois, “sait, dit-il, réunir 68 communes de ce territoire. Le plan de gestion est en trois volets : la préservation environnementale de ce site d’exception ; la gestion des flux touristiques afin que l’attractivités n’ait que des incidences positives”. Éviter le sur-tourisme, notamment.

61 communes, le département et l’ONF

Présidente du département des P.-O., Hermeline Malherbe explicite : “À une époque, le Mont Saint-Michel a entamé la procédure pour être labellisé Grand Site de France mais a laissé tomber ; la pointe du Raz, elle, l’a obtenu sans le perdre… Tout cela pour dire que ce label n’est pas automatique. On a dû travailler dix ans pour l’avoir en 2012 ; j’avais travaillé sur le statuts avec l’ancien président Christian Bourquin”.

Au total, ce fut une gageure : mettre 61 communes, plus le département et l’ONF – une originalité – autour de la table et partager un projet ! “C’est un sommet mais aussi deux vallées, du Vallespir et de la Têt. Très différentes et leurs élus sont très différents. En 2018, le label a été renouvelé. Certaines communes voulaient sortir de ce syndicat n’y voyant pas forcément de retour sur investissement.” Mais les discussions ont permis de lever les doutes, les quiproquos et de s’engager sur des projets communs. “C’est un boulot titanesque ! Nous préparons le dossier pour renouveler le label de 2025-2032. On a bataillé pour avoir une période plus longue, sur huit ans, pour travailler plus facilement.”

Communes-“balcons”, parc naturel régional

Ph. JC Milhet, Destination Canigó.

Le Canigou c’est un axe central de mise en valeur et de partage. Dans ce syndicat de gestion qui nécessite 650 000 € en investissement et 869 000 € pour fonctionner dont 415 000 € de frais de personnels, que préside Hermeline Malherbe, il y a ce que l’on appelle “les balcons”, ces communes qui font face au Canigou et qui offrent une vue extraordinaire sur la montagne. “Nous travaillons aussi avec le Parc naturel régional à associer également les intercommunalités qui sont support des offices de tourisme. Nous avons aussi le label Grand Site Occitanie, un label décerné par la Région. Nous faisons en sorte que les flux touristiques soient les mieux organisés possibles avec cette volonté de répartir les touristes sur l’année, pas seulement l’été… Le Canigou se fait facilement sur un week-end, notamment pour nos amis de Barcelone, Montpellier ou Toulouse.”

Fêtes, randos, mines de fer, chemins de la liberté…

L’idée est de pouvoir utiliser les infrastructures des communes du piémont ; “de pouvoir participer aux différentes fêtes de village ; de découvrir la Route du Fer, par exemple ; de participer à des randonnées”. De quoi faire le lien, aussi, avec le schéma départemental des randonnées, du plan des itinéraires autour des activités de pleine nature. Hermeline Malherbe fait également le lien avec d’autres sites historico-touristiques comme les vestiges de mines de fer ; la riche histoire de la Résistance. Et même la triste histoire de Julien Panchot, à la mine de la Pinouse, où il fut torturé et fusillé. Une mine intégrée aux chemins de la liberté.

Los Masos de Valmaya, cols de Jou et de Palomère…

“Il y a quelque 5 000 km aménageables en sentiers de randonnées. Nous avons déjà réalisé 750 km de sentiers. Nous travaillons pour en créer et entretenir 2 000 km pour mettre en valeur le patrimoine bâti et culturel de chaque commune de ce Grand Site, avec des aménagements de belvédères.” Ce syndicat travaille également à la requalification de plusieurs “portes” de sites classés du massif : Los Masos de Valmaya ; les cols de Jou et de Palomère, Battère… “On a aussi amélioré les refuges, des Cortalets, de Maiale, de Batera, Saint-Guilhem. Avec tout ce chemin parcouru, on a été visionnaires avec Christian Bourquin”, conclut Hermeline Malherbe.

Moins de visites-flashes, davantage de courts séjours

Ph. JC Milhet, Destination Canigó.

Pour tout cela il faut, reprend Florian Chardon, “répartir au maximum la fréquentation sur le territoire et les vallées environnantes. Le pic lui-même {qui n’est pas accessible en véhicule à moteur } est fréquenté par 25 000 à 27 000 personnes par an. Eh bien tout notre projet consiste à ce qu’il n’y ait plus de visites-flashes en voiture du Pic du Canigou pour aller dare-dare l’après-midi à la mer mais que l’on développe sur ce territoire davantage de séjours”, ce qui s’articule avec la nouvelle stratégie touristique portée par le département des P.-O. – dont Dis-Leur vous a parlé ICI – 

Florian Chardon espère faire se déployer des offres de séjours de deux ou trois jours par les professionnels ; mettre en valeur les balcons et autres belvédères du Canigou offrant des vues à couper le souffle et multiplier ainsi des actions en relation avec les acteurs du tourisme. “Il y a une kyrielle de pépites comme un ensemble d’abbayes romanes et des sites davantage géologiques, des grottes, des curiosités naturelles… Mais aussi des activités de pleine nature. Ce label reconnaît avant tout la qualité d’un territoire” et par voie de conséquence “l’effort collectif” pour parvenir à “un tourisme de qualité”.

La France compte quelque 2 700 sites classés et 4 500 sites inscrits, soit environ 4 % du territoire national.

Olivier SCHLAMA

Faites un don à Dis-Leur !

À lire également sur Dis-Leur !

Occitanie : Chevaux de Przewalski, plantes médicinales, canoë, wagons-coffe-shop… : L’écotourisme a ses champions

Économie : Les Pyrénées-Orientales optent pour un tourisme “populaire” et “responsable”

Tourisme : L’insolente hausse de fréquentation des Gîtes de France