Occitanie : Chevaux de Przewalski, plantes médicinales, canoë, wagons-coffe-shop… : L’écotourisme a ses champions

Chevaux de Przewalski. Ph. DR

Le ministère de l’Économie a octroyé une aide moyenne de 63 000 € pour chacun des 56 projets éco-touristiques lauréats d’un appel à projets, dont cinq en Occitanie. De quoi mettre en valeur les formes émergentes du slow tourisme comme le tiers-lieu Hibana ; les Jardins de Jammes ; Canoë Rapido ou l’association Talkh.

Étonnant mais finalement pas tant que cela : “80% de l’activité touristique se concentre sur 20% du territoire français”, pointe Christophe Béchu. Le ministre de la Transition écologique ne prononce pas le mot honni de surtourisme mais fait usage de périphrases : “concentration des flux” ; “pics de fréquentation sur certains territoires“. C’est la raison pour laquelle, il promeut avec ses services la mise en valeur de certaines offres de slow tourisme. Du tourisme en dehors des sentiers trop battus “moins fréquentés et pourtant à forts potentiels”, qualifie-t-il.

11,2 % des émissions de gaz à effet de serre

Ce sont ces sites à haut potentiels que le ministère a décidé d’aider financièrement et de faire connaître, via un appel à projets baptisé Formes émergentes du tourisme durable. Ainsi, 56 entreprises de tourisme ont été labellisées ainsi dans l’Hexagone, dont cinq en Occitanie sur 177 dossiers déposés. Le ministère a engagé pour ce projet précis 4 M€ doit 63 000 € d’aide accordés en moyenne par site lauréat dans le cadre de ce Fonds pour un tourisme durable. Cet appel à projets est le 3e organisé par le gouvernement. Le tourisme a un vrai impacts sur l’environnement, explique le ministère : il est responsable de 11,2 % des émissions de gaz à effet de serre en France dont 77 % viennent des transports. Ils poussent à la consommation d’eau : +211 % dans les territoires concernés. Voici, ci-dessous, les lauréats en Occitanie.

“Médiateur touristique”

Pour Jean-Louis Perrin, cet appel à projets était vital. L’association Talkh (petit cheval sauvage ou esprit en Mongol), à Hures-la-Parade, en Lozère, n’est pas encore sauvée de la disparition – même avec mes 53 000 € de cet appel à projets – comme les chevaux de Przewalski, toujours menacés d’extinction.

Devenir l’un des seuls cinq lauréats pour un tourisme durable permet aux sept salariés de croire encore à l’avenir et à l’espoir de trouver les 500 000 € de budget annuel minimum. “La fondation suisse Mava qui est à l’origine de notre centre de sauvegarde et qui était notre principal mécène a fermé. Tout notre modèle économique est à repenser”, se désole Jean-Louis Perrin. En Lozère, on ne subit pas de surtourisme. Avec ce coup de projecteur, Jean-Louis Perrin espère que des touristes s’éloigneront un peu des plages bondées du littoral pour venir découvrir une espèce fascinante et/ou participer à un séjour qu’il peut organiser.

“On n’en compte qu’un millier dans le monde entier”

Jardins de Jammes. Ph. DR

Faire découvrir, certes, ce cheval dans l’intérêt de la biodiversité et aussi les magnifiques paysages lozériens : c’est le but de ce projet. Jean-Louis Perrin s’attribue un “rôle de médiateur touristique”. En organisant visites, animations et mini-séjours (deux, trois jours en immersions) en plus que de continuer à réintroduire cet animal qui a bénéficié par ailleurs d’une réintroduction en Mongolie d’où ils avaient disparu, en 2004-2005, et même en Russie. Actuellement, on compte 39 chevaux de Przewalski, dont trois naissances ces dix derniers jours. “On n’en compte qu’un millier dans le monde entier.”

Une histoire de famille

Pour les Jardins de Jammes, à Maleville, en Aveyron (lire ci-dessous)), “nous avons présenté à cet appel à projets une idée que nous avions préparée depuis des années. Elle consiste à ouvrir davantage nos jardins en spirales pour davantage de visites, de visites pédagogiques, etc. Il y a un amphithéâtre de 50 places pour accueillir des événements culturels, des conférences sur la botanique ; une serre botanique, aussi”, explique Fabien Jouan. Le lauréat a empoché une aide de 24 000 €. Les plantes, c’est une histoire de famille : son père, Didier Vallet, pionnier des plantes médicinales depuis 35 ans ; sa mère est médecin généraliste et homéopathe.

Coffee shop, coworking dans des wagons

“Je transigeais beaucoup trop sur mes valeurs…” Architecte de formation, Raphaela Schrack est davantage en phase avec ses principes dont le respect de l’environnement est la pierre angulaire. À Mercuès, près de Cahors, dans le Lot, elle et son mari, après une pause de deux ans au Japon dont ils ont rapporté le joli nom de Hibana (“Etincelle”), qu’ils donneront à l’association qui porte un projet original autour d’un tiers-lieu comprenant un ancien hangar SNCF retapé et deux wagons (lire ci-dessous). “Nous allons y créer un coffee shop, un espace de coworking, notamment ; on pourra y servir des cafés de spécialités, des produits locaux ; il y aura des livres ; des chambres touristiques… C’est un lieu où l’on pourra prendre du temps”, explique Raphaela Schrack.

“Vraie volonté environnementale”

Ph Hibana

“L’idée, confie-t-elle, nous l’avons eue en fréquentant ce genre de lieu.”  Etincelle, c’est aussi un déclic : celui de la protection de l’environnement et des rapports humains plus vrais et intenses. Hibana utilisera un maximum de matériaux biosourcés ; créera un système circulaire de l’eau (récupérant l’eau de pluie pour les chasses d’eau, par exemple) ; de la phyto-épuration… “Nous avons une vraie volonté environnementale”, insiste-t-elle.Etincelle, c’est aussi un nouveau mode de vie plus près des autres, plus proches de nos besoins…” Plus rien à voir avec les concessions habituelles du secteur de la construction habitué à utiliser du PVC et autres matériaux. “Quand j’étais architecte, j’ai trop transigé sur des valeurs”, redit Raphaela Schrack qui, pour se projet, recevra une aide de 38 000 € du ministère de l’Économie sur un budget total de 400 000 €.

Canoë Rapido lance un serious game

Du côté de Jeanne Nicollet, gérante de Canoë Rapido, à Causse-de-la-Selle (Hérault), on se prépare à un possible manque d’eau dans le fleuve Hérault, à cause du changement climatique dû à un climat de plus en plus sec et humide. Certes, en mai, le trop plein de précipitations a empêché le lancement de la saison 2024 (23 000 touristes lors de la saison 2023) qui devrait se concrétiser ce week end.

Indices sur l’évolution des Gorges de l’Hérault

Jeanne Nicollet, à droite. Ph. Pascal Parrot

Pour anticiper le manque de hauteur d’eau, donc, Canoë Rapido va davantage se concentrer sur la partie aval de son parcours, là où l’eau ne manquera pas a priori. Il y aura toujours des descentes quand c’est possible mais Jeanne Nicollet et son équipe proposeront dès le 6 juillet un serious game : un jeu à la recherche de six indices sur l’évolution des Gorges de l’Hérault, classées Grand site : sur la faune, la flore, la géologie, le passé aurifère, etc. Lauréat du fonds pour un tourisme durable, la SARL, qui emploie 15 saisonniers et 2,5 ETP, a reçu une aide de 14239 € sur un budget de 43 000 €.

L’Ademe avait déjà lancé en 2021 un premier appel à projets qui avait abouti à la sélection de 73 projets écotouristiques. Renouvelé en 2023, cet appel à projets a donc généré 177 projets, dont 56 ont finalement été retenus. À regarder de près leur répartition géographique de ces projets, elle est toutefois inégale sur le territoire : près d’un tiers (32 %) se situent dans les quatre départements bretons et en Loire-Atlantique. Et  près de 20 % en Auvergne-Rhône-Alpes.

D’autres champions du slow tourisme

Dis-Leur ! vous a présenté ses propres champions du slow tourisme, dans un dossier spécial, ICI. S’adonner au tourisme baleinier et aux plongées écolos à Agde ; observer les tortues Caouanne à la Grande-Motte ; devenir touriste contemplatif au Grau-du-Roi, où l’on pourra bientôt admirer la Camargue depuis le phare magique de l’Espiguette ; participer à une sortie naturaliste à Sète et, la nuit, au milieu des flamants roses (!) ; balader en canoë avec des pêcheurs ; débusquer un élevage d’huîtres bio… Les  initiatives innovantes, parfois intimistes en matière de tourisme responsable, se multiplient tout le long de notre côte languedocienne… Sans oublier une pépite, le refuge de Sainte-Lucie, dans l’Aude, un havre de paix…

Olivier SCHLAMA

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Les cinq lauréats d’Occitanie

  • Les Jardins de Jammes, à Maleville (Aveyron). Pérennisation et développement de l’activité existante de plantes médicinales et aromatiques au sein d’un ancien mas composé de deux écogîtes, de jardins médicinaux en culture biologique et biodynamique, d’espaces de méditation et de détente, d’un atelier et d’une boutique. La création d’une serre botanique permettra la culture ainsi que l’observation, la découverte et l’animation de formations toute l’année dans des conditions climatiques et écologiques optimales. Un petit amphithéâtre de verdure permettra d’assister à des conférences sur les plantes, à des concerts de musique classique ou des spectacles.
  • En écotourisme : Canoë Rapido, à Causse-de-la-Selle (Hérault).
    Canoë Rapido. Ph. Jeanne Nicollet

    Développement d’un circuit en canoë sur un plan d’eau conçu autour d’une chasse au trésor permettant la découverte des Gorges de l’Hérault sous ses différents aspects : hydrologie, géologie, faune, flore, histoire et patrimoine. Mise en valeur de solutions de mobilité bas-carbone pour rejoindre la base de canoë et promotion du respect de l’environnement.

  • Takh, à Hures-la-Parade (Lozère). Déploiement d’un centre scientifique et écotouristique visant à renforcer la connaissance, la sauvegarde et la réintroduction du cheval de Przewalski, espèce menacée. Construction de séjours écotouristiques immersifs sur des thématiques telles que la biodiversité, la conservation, l’éthologie, l’écosystème, la préhistoire, l’architecture, etc. Aménagement d’un centre d’interprétation et son sentier retraçant l’évolution du cheval et illustrant la relation homme-cheval ainsi que mise à disposition d’une yourte abritant une boutique durable et solidaire.
  • Hibana, à Mercuès (Lot). À proximité d’une voie verte longeant d’anciens rails dans la vallée du Lot, création et animation d’un tiers-lieu éco-responsable au sein d’un ancien hangar SNCF qui accueillera à terme, un jardin-potager, un café, un lieu de convivialité, un espace de coworking et des hébergements insolites dans d’anciennes voitures de train. Différentes activités seront déployées : balade cueillette de plantes sauvages, comptage des papillons de nuit dans un piège spécifique afin de contribuer aux bases de données scientifiques de suivi de l’évolution des espèces, cours de peinture botanique, découverte des insectes locaux, des ruches du terrain voisin, etc.
  • Nomades des Terres Bio (Lot). Conception et construction d’un convoi de roulottes hippomobiles et afin de proposer des séjours de découverte immersives au cœur des territoires et de leurs communautés permettant de valoriser les patrimoines locaux. Le projet favorise les échanges afin de faire vivre une expérience collective inclusive et bienveillante vers de nouveaux récits de vie plus sobres.

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