Ce week-end, à Montpellier, se déroulait Le TGS Occitanie Game Show comprenant une manche qualificative pour la Coupe de France 2024 de cosplay. L’occasion de décrypter un phénomène de pop culture bien ancré dans la société. Avec, notamment, la Sétoise et auteure de mangas, Elsa Brants, et le youtubeur Rayton. Quand l’écrit et l’image d’un bouillonnement se répondent…
Une parenthèse anti-conformiste, une passion qui se porte et se lit sur les corps. Qu’ils sont bizarres, avec ce côté sympathico-théâtral (originalité des prestations et des costumes la plupart faits main), ces visiteurs, apparement adultes, en accoutrement d’Iron Man, le Mandalorien, Chewbacca, etc. Des dizaines d’autres personnages de la mythologie de la science-fiction ou des mangas incarnés par une déferlante de joyeux drilles, bien réels, eux, qui vivent pour et par leurs jeux de rôle personnels. Ne leur dîtes pas qu’ils sont “costumés” sinon ils vous fument ! Non, cela reste en tout point sympathique. Ici, la norme, c’est juste le droit à la différence.
Souriant derrière leur armure de superhéros de Comics
Encapuchonnés ; souriant derrière leur armure de superhéros sortis d’un Comics ; menaçants derrière leur vrai-faux sourire de clown inquiétant ; apprêtés comme des lolitas japonisantes… Ils étaient des centaines, plutôt pas encore trentenaires , à se retrouver et se reconnaître d’un “V” de la victoire brandi durant deux jours d’une convention, le TGS, à Montpellier, samedi et dimanche derniers. Cette joyeuseté du meilleur copié-coller de superhéros est un peu un fourre-tout de la culture geek : c’était aussi, hier, une manche qualificative pour le gagnant – qui aura dû fabriquer lui-même son costume, condition sine qua non – pour la finale de la Coupe de France cosplay prévue en juillet 2024 à Tours. C’est Aelis Cosplay qui l’aura remportée.
Une montagne de mangas ; chorégraphies ; chanteurs ; des ateliers d’écriture en Japonais… !
Le cosplay, c’est l’art de devenir un personnage au moins avec tous ses gadgets et son accoutrement. Contraction des mots “costume” et “playing”, le cosplay est une pratique qui consiste à se grimer en personnage de dessin animé, jeu vidéo, film, manga, feuilleton… et à l’incarner lors de conventions où se mêlent des montagnes de mangas ; des chorégraphies ; des chanteurs ; des ateliers d’écriture en… Japonais… Un univers en soi ! C’est un mouvement qui serait né aux USA, notamment via les fans de Star Trek avant de se répandre comme une trainée de poudre au Japon et en Europe.
Jules Verne, Nadar et les bals costumés…
Compliqué de dater précisément ce mouvement. Les conventions d’aujourd’hui sont héritières des bals costumés de jadis ressemblant à celle de l’époque du célèbre romancier Jules Verne (1828-1905) dont les romans d’aventure ont évoqué les progrès scientifiques du 19e siècle, et à son incroyable voyage De la Terre à la Lune ! Inspiré par le célèbre photographe Nadar. Nos cosplayeurs du 21e siècle n’ont rien inventé ! Cette forme “primitive” est elle aussi influencée par les carnavals nés, eux, en des temps antédiluviens. Le sociologue David Peyron l’explique avec passion (vidéo ci-dessous). Il y a un personnage important dans cette histoire, le premier nom important, le tout pionnier, c’est Forest J. Ackerman. Ecrivain, producteur de cinéma, éditeur, scénariste américain de science-fiction, il a inspiré l’ensemble de la science-fiction US, de Spielberg à John Landis. Il a notamment créé un magazine Famous Monsters of Filmland. Mister Science-fiction.
Seuls les vrais professionnels arrivent à se connecter durablement à leurs lecteurs.
Cette culture pop est un drolatique fourre-tout. Mais, seuls les vrais professionnels arrivent à se connecter durablement à leurs lecteurs. La Sétoise Elsa Brants, autrice de BD, est de ceux-là. Tout sourire, elle s’adresse à une possible future consoeur, timide, à la voix fluette, qui veut, lui ânonne-t-elle, marcher sur ses traces. Elle tente de se faire entendre à deux mètres d’un écran devant lequel dansent sur de la K-pop crachée à tue-tête, quelques gamines habillées comme au Pays du soleil Levant.
Lis beaucoup ; regarde des séries… Tu vas gagner ainsi en originalité parce que ce que tu en ressortiras sera issu de toi ; de ta façon de le vivre, de le digérer”
Elsa Brants, auteure de mangas
“Si tu as peur d’être en manque d’idées, lui conseille Elsa Brants, avec beaucoup de bienveillance, imprègnes-toi de tout : lis beaucoup ; regarde des séries… Tu vas gagner ainsi en originalité parce que ce que tu en ressortiras sera issu de toi ; de ta façon de le vivre, de le digérer.”
Elsa Brants confie ensuite que si ça marche pour elle, si ses livres sont lus, c’est qu’elle sait “marier” l’univers des mangas à son style “européen”, notamment de la mythologie grecque pour son dernier opus. “J’arrive à m’approprier les codes, le langage asiatiques et les associer à notre culture.” Un tour de force : “Les relations entre les hommes et les femmes n’y sont pas les mêmes dans les deux cultures…”, c’est vrai.
Rayton : “Mes abonnés me permettent de vivre mon rêve”
Que pense-t-elle de ce genre de convention ? “C’est chouette ! Cela prend beaucoup d’énergie mais cela en donne beaucoup aussi ! Ce qui est intéressant, c’est que les gens, les fans osent ! Ils suivent des chorégraphies complexes ; fabriquent eux-mêmes des costumes en plusieurs mois, parfois…” Pour le youtubeur Rayton, un humoriste qui signa des dédicaces à tour de bras à Montpellier, être au contact de ses abonnés, « en chair et en os », dira-t-il à un jeune fan, incrédule, c’est un juste retour des choses parce “qu’ils me permettent de vivre mon rêve.”
J’attends de leur part qu’ils me disent ce qu’ils attendent de mes contenus ; c’est intéressant de savoir leur histoire, comment ils ont découvert ma chaine…”
Rayton
Mettant en avant sa consommation de la “culture internet dans son ensemble” et “très grand fan de musique”, il reste dans une veine très pro : “J’attends de leur part qu’ils me disent ce qu’ils attendent de mes contenus ; c’est intéressant de savoir leur histoire, comment ils ont découvert ma chaine, etc.” Comment a-t-il réussi déjà à réunir 1,6 million d’abonnés, rien que sur Youtube ? “Je suis très persévérant, confie-t-il. Je produits non stop depuis des années. Je n’ai pas pris de vacances – même pas une semaine ! – depuis cinq ou six ans. Aucun dimanche, avec moi. Je suis trop passionné. J’aime trop créer. Je renouvèle beaucoup mes contenus…” Ses sources d’inspiration ? Des Américains et même un Irlandais, Jackseptoceye, qui cumule plus de… 28 millions d’abonnés !
Il faut surtout être soi-même. Beaucoup de youtubeurs ont des messages mais n’y croient pas vraiment dans la “vraie” vie. Les gens le ressentent. Et voient que c’est faux. Et ne jamais penser que l’on a la vérité absolue”
Son premier conseil pour débuter sur Youtube ? “La persévérance et avoir une ligne directrice. Si, par exemple, on choisit comme thème le football, il ne faut faire que cela. Ce qui crée une communauté. Les jeunes, faites des “Youtube short”, c’est un format vertical qui marche !” Y a-t-il encore des idées à trouver pour créer une communauté autour de soi ? Il répondra : “Il faut surtout être soi-même. Beaucoup de youtubeurs ont des messages mais n’y croient pas vraiment dans la “vraie” vie. Les gens le ressentent. Et voient que c’est faux. Et ne jamais penser que l’on a la vérité absolue. Il faut écouter les retours, les commentaires des abonnés…”, dit celui qui a commencé par être créateur de Pokemon : “J’ai fait une école spécialisée dans la 3D et le jeux vidéos. Je faisais pendant tout ce temps des vidéos sur Youtube et, à un moment, je n’ai plus fait que cela… C’était une opportunité rare.”
Olivier SCHLAMA
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