Bilan de la mission d’inspection : “Seules 7 paillotes sur 81 respectent la loi littoral…”

Le lido de Sète. Photo David Crespin, Région Occitanie.

À la demande de l’ex-Premier ministre, Jean Castex, le préfet Leleu a rendu son rapport. Outre les 74 restaurants de plage dans l’illégalité, il prône une sorte de statu quo pour 41 concessions, dont 18 à Agde, Sète et Vendres qui pourront tenter de les maintenir via un schéma d’aménagement spécifique et 23 autres concessions qui nécessiteront une étude d’impact sur la faune et la flore. Comme l’explique Simon Popy, président de FNE Languedoc-Roussillon.

C’était un rapport sur l’avenir des paillotes très attendu. Il en va de l’avenir économique de ces restaurants de plage et du tourisme de nos plages languedociennes, à lire ICI. Ce rapport, où l’on peut consulter chaque situation individuelle de chacun des 81 lots et qui donne son avis sur le déplacement, le maintien ou la suppression pour chaque lot, est plutôt “raide” envers les municipalités, selon le mot de Simon Popy, le président régional de France nature environnement (FNE). Il a essayé de ménager la chèvre et choux. Le tourisme sur le littoral avec les exigences de la protection de l’environnement. “C’était un peu la mission d’une transition apaisée…, dit-il. Pour aménager une sortie par le haut en préconisant de faire des études d’impact dans certains cas litigieux, par exemple en préconisant des déplacements de paillotes, des schémas d’aménagement de plage, etc. Cela va peut-être apaiser la situation. C’est sûr que si le préfet Leleu avait dit “Il faut en enlever 70, ça aurait du mal à passer…” Malgré leur poids économique revendiqué (1).

“Il faut espérer une réduction des paillotes…”

Simon Popy, président FNE Languedoc-Roussillon. DR

Y aura-t-il des communes sans aucune paillote ? Peu. “Peut-être Villeneuve-les-Maguelone” qui n’a pas de plage urbaine et ne peut donc pas déplacer ses paillotes. Y aura-t-il une réduction du nombre de paillotes ? Très certainement “à moins que certaines communes acceptent une sur-densité de ces restaurants dans leur plage urbaine. Dans les Pyrénées-Orientales, il y a des endroits comme cela. J’ai personnellement constaté une série de 17 paillotes sur une plage urbaine dans notre région, une tous les 50 mètres…Il faut espérer une réduction des paillotes sur nos plages…”

les Espagnols sont plus respectueux de leurs espaces naturels littoraux et concentrent les paillotes sur leurs plages urbaines…”

Simon Popy est satisfait : “Globalement on est contents de ce rapport et du ton employé : les choses sont dites clairement, notamment par rapport à l’attitude d’un certain nombre de collectivités et des défenseurs de paillotes.” Il cite un passage “croustillant” : “Un argument a été régulièrement avancé : si on supprime des paillotes, les touristes iront en Espagne. Eh bien, la mission est allée voir la situation en Catalogne entre la frontière française et Barcelone. Et elle conclut que les Espagnols sont plus respectueux de leurs espaces naturels littoraux et concentrent les paillotes sur leurs plages urbaines. Comme ça se fait en Provence et un peu partout sauf sur le littoral languedocien. Le fait que nous ayons également obtenu le rapport très facilement est aussi un message aux municipalités qui doivent se mettre au pas. Et que la période 1990-2£000, elle est terminée. Il faut respecter la loi littoral. Point.”

Trente-trois paillotes pourraient être déplacées ou supprimées

Simon Popy retient de cette mission d’inspection, menée par le préfet Leleu jusqu’en septembre 2022, demandée par les élus littoraux à Jean Castex, alors Premier ministre et sur “l’importance du respect de la loi littoral dans la totalité de ses espaces remarquables. Et que 81 concessions de plage dans l’Hérault ayant une activité de restauration et/ou de buvette, seulement 7 d’entre-elles sont conformes à la loi Littoral promulguée en 1986. Toutes les autres sont au minimum litigieuses ; une partie (33 ou 34) clairement illégales – répartie un peu partout sur le littoral héraultais – puisque situées dans un espace remarquable du littoral, pourraient être déplacées Et pour 41 autres pour lesquelles la mission louvoie un peu en envisageant des systèmes dérogatoires qui pourraient permettre de les retenir tout en disant : “On n’est pas très sûr qu’elles ne soient pas dans un espace remarquable…”

Sète, Agde, Vendres : schéma d’aménagement de plage possible

Dans le détail, pour 18 de ces 41 paillotes, censées être antérieures à la loi littoral, les communes concernées pourront proposer un schéma d’aménagement de plage et éventuellement les régulariser. Une sorte de statu quo.“Nous avons quand même de gros doutes sur le fait que ces communes arrivent à le démontrer… Trois communes sont plus particulièrement concernées : Sète, Agde et Vendres. Si ces communes ne peuvent pas le prouver, il faudra soit déplacer soit supprimer certaines paillotes. Il y a quand même des communes qui ont anticipé : Sète a déjà commencé à déplacer certains restaurants jadis au milieu d’espaces remarquables.”

Une étude d’impact préconisée pour vingt-trois concessions

Vias, côte d’Améthyste, la paillote le Chiringuito. Photo : Mairie de Vias.

Ensuite, la mission du préfet Leleu pointe : “Sur ces 41 communes litigieuses, 23 posent des questions et dont on n’est pas sûr qu’elles soient dans un espace remarquable du littoral. Parfois, c’est noté dans des documents d’urbanisme, Scot ou PLU, parfois ça ne l’est pas. Et d’autres fois il n’y a rien. Mais la jurisprudence, notamment à la Grande-motte et Carnon, le juge, quand il est saisi, tient compte des classements éventuels existants, à l’instar de Natura 2000 ou Znieff, Ramsar ou propriété du Conservatoire du littoral. Il peut y avoir certaines situations compliquées, une vingtaine au total, comme une paillote en limite d’une aire remarquable et pour lesquelles la mission d’inspection préconise de réaliser des études d’impact. C’est le pouvoir du préfet d’obliger à les faire avant le renouvèlement des concessions. On espère que le préfet va suivre cette recommandation.”

Sur le cas de ces 41 paillotes litigieuses, “nous trouvons que le préfet Leleu s’avance un peu, sans avoir vu les études d’impact, qu’il est optimiste sur cette vingtaine de cas litigieux en disant que 17 pour lesquelles il pressent une issue positive envers le maintien de ces restaurants. Nous serons très attentifs au renouvèlement des concessions. Et à ce que fait le préfet”, précise Simon Popy.

Tout commence avec la Grande-motte et Carnon…

Il ajoute : “En tout cas, ce rapport va dans le sens de notre interprétation du droit ; nous sommes convaincus depuis longtemps que l’on ne respecte pas la loi littoral.” Simon Popy rappelle que si on en est là c’est grâce à deux associations locales qui n’appartiennent pas à FNE, ce sont l’Association Grande-Motte environnement (AGME 34) et l’Aragt, l’Association des riverains du Grand-Travers de Mauguio-Carnon. Celles-ci avaient attaqué les révisions récentes de PLU de la Grande-Motte et Carnon qui tentaient de régulariser les paillotes en supprimant les espaces remarquables du littoral de leurs documents d’urbanisme… ! Elles ont gagné en 2021 et cela mis en lumière la situation héraultaise, justifiant cette mission. Inquiets, les maires du littoral avaient demandé à Macron, en visite, d’intervenir, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI.

Olivier SCHLAMA

  • (1) En Occitanie, 146 établissements produisant un chiffre d’affaires de 85 M€ qui emploieraient 5 000 personnes  et versent 4,6 M€ aux collectivités concessionnaires.
  • Dans l’Hérault, 3e département touristique national : 67 restaurants et buvettes, un CA de 52 M€ (58 % pour la restauration, 28 % pour le débit de boisson et 15 % pour la location de matelas) ; des achats aux fournisseurs prestataires pour 16,4 M€ et 2,5M€ pour les travaux de montage et démontage pour un coût moyen de 22 500 €. Quelque 150 000 bouteilles de vins locaux seraient écoulées par les paillotes qui utilisent de 17 % à 20 % de produits locaux ou occitans.

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