Aveyron : “Estivada” en danger, le microcosme occitan se mobilise

Manifestation Anem òc ! Par la lenga occitana ! pour la préservation de l'occitan à Toulouse le 31 mars 2012. Photo PIERRE-SELIM Wikimedia-Commons

L’Estivada est le Festival interrégional des cultures occitanes, créé en 1995 à Rodez, qui a lieu tous les ans la dernière semaine du mois de juillet. Il s’agit du plus grand festival de musiques et chansons en langue occitane. Est ? Ou était ? Telle est la question qui agite la communauté occitane depuis quelques semaines, avec en particulier une pétition sur le site MesOpinions.com qui avait recueilli ce lundi 3534 signatures…

C’est sur France 3 Occitanie que le maire LReM de Rodez, Christian Teyssèdre a annoncé sa volonté de “moderniser” ce rendez-vous. L’édile jugeant que le festival des musiques et chansons occitanes devait “évoluer” face à une baisse de fréquentation depuis plusieurs années et envisageant pour l’été 2023 plusieurs soirées musicales avec “des têtes d’affiche.” Plus rien à voir, donc, avec le rassemblement souhaité par les défenseurs d’un grand festival de toutes les cultures occitanes.

Lire l’article du quotidien Centre-Presse Aveyronhttps://www.centrepresseaveyron.fr/2023/02/04/possible-fin-de-lestivada-a-rodez-une-petition-en-ligne-lancee-pour-conserver-le-festival-10974554.php

L’Esplanade des Rutènes pendant l’Estivada, à Rodez, en 2016. Photo archive Léa ROUX – wikimédia Commons

L’opposition municipale est rapidement montée au créneau contre cette décision par la voix de Sarah Vidal, ancienne première adjointe alors en charge de l’Estivada. réaction également du côté de La Région Occitanie, la vice-présidente en charge de la Culture pour tous, du patrimoine et langues régionales, Claire Fita s’élevant contre une décision qui “s’en prend à notre patrimoine, à notre culture, à nos valeurs. Je regrette que Rodez fasse le choix de priver le public de ce festival qui porte haut notre identité régionale.’

Lire dans Le Ruthénois, un communiqué d’élus d’opposition : https://www.ruthenois.com/2023/01/28/opinion-quand-la-majorite-tue-pour-mieux-creer/

Christian Teyssèdre souligne pour sa part que la subvention régionale était en baisse, ainsi que la dotation de l’Etat. De part et d’autre jusqu’ici la situation semble boquée… reste à savoir si la pétition lancée par le Collectif Gardarem l’Estivada pourra constituer un déclancheur pour faire bouger les lignes.

Lire le texte de la pétition :

Depuis 1995, avec l’Estivada Rodez devient le temps de quelques jours, la capitale de la création, de la diversité, de la richesse et du dynamisme de la langue et de la culture occitanes, et au-delà, de l’ensemble des cultures et langues minoritaires de France et d’ailleurs.

Le 27 janvier 2023, par voie de presse, nous avons appris que le festival emblématique faisant depuis près de 30 ans la fierté du public, des organisateurs, bénévoles, associations et artistes qui s’y retrouvaient, allait disparaître. Ainsi est balayé d’un trait de plume un festival gratuit et fédérateur, où se côtoient rencontres littéraires, débats, spectacles intimistes et concerts grand public dans une ambiance conviviale et festive.

Chaque année, ce sont des dizaines de milliers de festivaliers venus de la France entière qui s’y retrouvent. Des concerts en soirée où se mêlent toutes les générations, locuteurs et non-locuteurs de la langue occitane, militants ou pas, preuve d’une culture occitane bien vivante et généreuse.

Fidèle aux valeurs occitanes du paratge et de la convivéncia, l’Estivada a toujours fait la part belle aux rencontres, aux projets fédérateurs, dans une dimension d’ouverture à l’autre et d’inter-régionalité. Qui ne se souvient pas d’avoir partagé de grands moments d’émotions un soir d’Estivada en écoutant la poésie berbère d’Idir ? Qui ne s’est pas reconnu à travers les chansons de Nadau ? Qui ne s’est pas « boulégué » au son de Mauresca, des Goulamas’k, du Dalfin ou de Massilia ? Qui n’a pas vécu des moments forts aux spectacles de l’après-midi à la MJC ou à la chapelle royale ? On ne compte plus les personnes qui ont découvert ce qu’était la richesse de la langue et de la culture occitanes en parcourant les stands des éditeurs et des associations (associations culturelles, associations d’enseignants…).

L’Estivada est la tête de proue des évènements occitans et l’une des plus belles vitrines pour la promotion, la valorisation et la sociabilisation des langues et des cultures minorisées. La supprimer c’est porter un coup très dur au public nombreux, à tous ceux, artistes, musiciens, chanteurs, auteurs, éditeurs, comédiens et opérateurs culturels qui se battent au quotidien pour que la culture soit diverse et pour tous. Les langues régionales sont un facteur de cohésion sociale et de vivre-ensemble, des ponts entre différentes cultures et générations, une preuve d’ouverture sur le monde.

L’Estivada est profondément liée au territoire et à ceux qui y vivent. C’est la fierté des Aveyronnais qui y retrouvent leurs racines bien vivantes, qui y mettent à l’honneur leurs produits locaux, qui s’y massent nombreux dans un esprit de fête de village que l’on ne retrouve pas toujours dans d’autres festivals. Le succès de ce festival à Rodez depuis 1995 ne doit rien au hasard. Rodez est au cœur de l’espace occitan, dans un environnement où la langue occitane est présente depuis longtemps à travers notamment l’enseignement bilingue public et immersif associatif. La ville dispose enfin d’un solide tissu associatif occitan.

Pour tout cela et parce qu’elle ne peut être dissociée de la ville qui l’a vu naître et grandir, L’Estivada doit rester occitane et ruthénoise.

Accéder et signer : https://www.mesopinions.com/petition/art-culture/estivada-gardaram-estivada/200410