Après la mobilisation à Sérignan : La rectrice : “L’occitan est largement déployé dans l’académie”

Dans une classe d'occitan de l'école Nelson-Mandela, à Béziers, dans l'académie de Montpellier. Ph. Christophe Renoust académie de Montpellier.

La crainte d’une suppression d’un poste d’enseignant à Sérignan “était non fondée”, défend la rectrice de l’académie de Montpellier. Sophie Béjean explique même que la langue occitane est largement enseignée à travers 73 pôles de cursus bilingues, 676 écoles (40 % du primaire), 47 collèges (un sur cinq) et huit lycées (un sur dix). Personnalité reconnue de l’occitan, Marie-Jeanne Verny valide et souligne la position volontariste de la rectrice, tout en lui rappelant la fragilité de cet enseignement.

Ne daissam pas barrar nstras escòlas. Coratge !”, a laissé comme commentaire approprié ce pétitionnaire. Pas moins de 2 640 (à ce jour) autres signatures ont déjà noirci une pétition contre la suppression d’un poste d’enseignant à l’école maternelle de Sérignan (Hérault) acté depuis le 9 février ! Lancée par le Creo-Lengadoc, association pour le bilinguisme à l’école publique, elle est destinée à Sophie Béjean, rectrice de l’académie de Montpellier.

“Que tous les postes de la maternelle soient préservés”

Photo d’illustration. Photo D.-R.

Que demande la pétition, alors que ce site bilingue a été créé il y a peu, en juin 2023 ? De “préserver la pérennité du site bilingue de Sérignan et de ne pas mettre en péril, par une décision de suppression de poste, le développement de l’enseignement bilingue qui progresse dans notre académie, dans la logique de l’article L.312-11-2 du Code de l’Éducation et dans une volonté concertée de l’Éducation nationale et de la Région Occitanie-Pyrénées-Méditerranée”. Et : “Devant l’absence de réponse de vos services, les signataires, à l’appel du CREO Lengadòc et de l’association pour l’enseignement bilingue public OCBI, sollicitent le soutien des élus, des représentants syndicaux, des représentant de parents d’élèves à sa demande que TOUS les postes de l’école maternelle de Sérignan soient préservés.”

Il n’a jamais été question, jamais, de supprimer ce cursus”

Sophie Béjean, rectrice

Est-ce le signe d’un malaise qui dépasse les frontières de la cité des zones naturelles des Orpellières et de la Grande Maïre ? Que représente le bilinguisme dans la région ? Pour la rectrice, “cette pétition est nulle et non-avenue. C’était une crainte non fondée. Il n’a jamais été question de supprimer cette classe bilingue en occitan. Dans cette école maternelle, il y a une baisse d’effectifs. Déjà l’année dernière on se demandait si on allait maintenir ou pas une classe. On a attendu la deuxième année et le constat est qu’il y a bien une baisse effective du nombre d’élèves attendus.”

C’est pour cette raisons que “nous avons décidé de fermer une classe mais pas du tout du pôle occitan que nous venons d’ouvrir ! Cette crainte s’est exprimée parce que, normalement, les mesures conduisent à faire partir le plus récent des enseignants dans le site. Il y avait une crainte qu’un enseignant d’occitan soit concerné – il y en a deux, cela n’aurait pas remis en cause ce pôle – et de toutes façons, c’est un autre enseignant qui va partir. Il n’a jamais été question, jamais, de supprimer ce cursus.”

“Quatre nouveaux cursus bilingues occitan cette année”

Les chiffres officiels font état de plus de 15 000 élèves concernés par l’apprentissage de l’occitan en cette année scolaire en ajoutant les effectifs du public et du privé sous contrat (chiffres de novembre 2023). Sophie Béjean certifie-t-elle que tous ceux qui veulent suivre ce cursus à Sérignan pourront le faire : “Oui, dans la mesure des effectifs disponibles, répond-elle. Il y a une classe occitan bilingue. Le choix a été fait de maintenir deux postes en occitan. J’ai répondu à l’une des deux associations par courrier tout récemment. C’est un cursus bilingue que nous avons ouvert récemment et, par ailleurs, j’avais pris l’engagement d’en ouvrir régulièrement et ça a été le cas : aujourd’hui, pour l’académie, quatre cursus bilingues occitan ont vu le jour cette année. Pour le premier degré, nous avons 73 pôles de cursus bilingues dans l’académie. L’occitan est aussi proposé sous forme d’enseignement de langue régionale dans 40 % des écoles, c’est-à-dire dans 676 sites. C’est donc un dispositif très largement déployé.”

“Au Capes, le niveau d’exigence doit être respecté”

Le nombre de postes au Capes a été apparemment très peu pourvu. “Nous avons des postes ouverts au concours pour le premier degré (CRTE-occitan) et nous avons aussi des postes de Capes. Mais le niveau d’exigence doit être respecté sinon nous aurions des enseignants qui n’auraient pas le niveau de professeurs des écoles. C’est la raison pour laquelle on ne remplit pas toujours le concours : parce que le niveau des candidats n’est pas assez bon. Cela peut arriver. Par ailleurs, il n’y a pas que le concours. Il y a aussi la formation. Nous avons développé dans l’académie avec l’appui et en coordination de l’Oplo, l’office public ce la langue occitane, un dispositif, Ensenhar. C’est une année de formation pour des enseignants pour qu’ils puissent développer leurs compétences en occitan, alors qu’ils enseignent en français. Grâce à cela, ils vont pouvoir enseigner aussi en occitan, dans un cursus bilingue. Chaque année, cela représente quelques enseignants mais beaucoup de moyens pour l’académie.” 

47 collèges avec de l’occitan en langue régionale et sept autres avec un cursus bilingue

Sophie Béjean, rectrice de l’académie de Montpllier. Ph. Franck Sales, académie de Montpellier

S’agissant de l’occitan au collège, Sophie Béjean est là aussi claire : “Pas moins de 47 collèges (soit un collège sur cinq) proposent de l’occitan en langue régionale et nous avons aussi sept autres collèges avec des cursus bilingue : non seulement avec la langue régionale mais aussi une DNL, une discipline non linguistique qui est enseignée en occitan. Cela peut être de l’histoire-géo ou autre. Depuis 2021, on a ouvert cinq collèges avec de l’occitan. Régulièrement, nous ouvrons des pôles supplémentaires et le nombre d’élèves est stable, pas en réduction. Evidemment, il est moins important que dans le primaire mais c’est dû au choix des familles. Elles sont très intéressées pour que leurs enfants apprennent la langue régionale dans le premier degré et, ensuite, elles mettent en place d’autres stratégies, désirant que leurs enfants apprennent d’autres langues vivantes ou choisissent d’autres disciplines au lycée. C’est le cas dans toutes les régions, ce comportement.”

Désaffection au lycée

Et au lycée ? Sophie Béjean répond : “Un lycée sur dix dans l’académie (huit, au total) proposent l’occitan. Au lycée, un élève qui choisit un enseignement de spécialité occitan, cela veut dire qu’il veut en faire un choix pour son avenir à l’université. Et même quand on a une offre, on n’a pas forcément des élèves pour suivre cet enseignement. Il faut noter aussi que je veille à la continuité des parcours pour les élèves. Quand on ouvre un collège avec un cursus occitan, nous regardons s’il y a des écoles de rattachement qui offrent aussi cet enseignement.”

La rectrice met au même niveau les sites bilingues et monolingues. Au motif de l’égalité. Cela se comprend sauf qu’il y a le risque que cela fasse sauter un poste de français

Marie-Jeanne Verny

La rectrice fait, semble-t-il, le maximum de ce qu’elle peut faire dans un contexte compliqué où le gouvernement Macron-Attal veut supprimer des postes partout… Qui se souvient du discours du chef de l’État pour l’inauguration de la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts, exaltant le français sans un mot pour les langues régionales ?

Papesse de l’occitan, Marie-Jeanne Verny a reçu une réponse “courtoise” à sa lettre conjointe à la pétition à Sophie Béjean. “Tout ce que dit la rectrice est juste. Là où il y a problème, c’est que dans un site bilingue quand on supprime un poste, français ou occitan, ça crée chez les profs un risque de suspicion que l’occitan soit la cause de cette suppression. La collègue, dont le poste fut menacé et qui ne l’est plus, culpabilise. Du fait que l’occitan soit “privilégié”. Cette année, il n’y a pas eu recul d’effectifs. Mais ils n’ont ni baissé ni augmenté. Les cartes scolaires sont sévères et la rectrice juge que l’on supprime un poste (en dessous de 24) dans une classe, bilingue ou pas bilingue. La rectrice met au même niveau les sites bilingues et monolingues. Au motif de l’égalité. Cela se comprend sauf qu’il y a le risque que cela fasse sauter un poste de français.”

“Les régions qui ont en charge les langues régionales devraient obtenir des moyens supplémentaires”

Occitan, Ph Franck Renoust, académie de Montpellier

On ne défend pas le poste d’occitan. On défend la sérénité dans l’établissement. Marie-Jeanne Verny n’est pas née de la dernière pluie. “L’idée du bilinguisme public n’est pas encore très répandue. Quand on la construit, il faut expliquer, convaincre et s’il y a une suppression de poste – de français – dans l’école, le risque est que l’on associe occitan et suppression de poste. Les cursus bilingues en construction sont fragiles et doivent être confortés. Il y a, certes, beaucoup d’efforts faits par l’académie. Mais ces sites-là doivent être préservés pendant leur construction.” La passionnée d’occitan et de langues régionales ajoute : “Les régions qui ont en charge les langues régionales devraient obtenir pour ces langues des moyens supplémentaires. C’est ce que l’on va dire au ministère.”

Elle tient à nuancer le propos sur la situation dans les lycées. “C’est vrai qu’il y a une désaffection par rapport aux langues régionales. En même temps, les réformes successives des lycées et collèges ont minimisé l’intérêt des langues régionales. En 2000, on comptait 56 profs d’occitan dans l’académie. On en est à 33. Ce n’est pas la faute de la rectrice. Les postes au Capes ont baissé.”

“Il faut que la politique volontariste que mène Sophie Béjean “descende” au niveau des circonscriptions”

Occitan, Ph Franck Renoust, académie de Montpellier

Les grands noms de l’occitan, comme Langlois, Stenta ou Verny, qui portaient de leur aura, cette langue régionale, sont partis à la retraite. Ils faisaient partie d’effectifs plus nombreux qui n’ont pas été compensés par des créations équivalentes de postes. Résultat, “les collègues profs d’occitan donnent des cours dans trois ou quatre bahuts. Comment faire du bon boulot…?” Et : “Les effectifs ont également baissé parce que les profs n’ont pas eu les mêmes conditions de travail et il y a moins de lycées qui en proposent : on est passé de 20 lycées à huit proposant de l’occitan. Comment voulez-vous qu’il y ait des étudiants d’occitan en fac et des profs ?” Cercle vicieux. “C’est vrai aussi que certains candidats n’ont pas le niveau, la rectrice, qui a une position volontariste, a raison sur ce point. Ce qui manque, c’est que la politique volontariste que mène Sophie Béjean “descende” au niveau des circonscriptions.”

Olivier SCHLAMA

  • Le rectorat a dénombré 42 enseignants en second degré. Et en premier degré, 74 Professeurs des écoles enseignent en cursus bilingue à parité horaire et 470 en sensibilisation et langue vivante.
  • Pour les concours, chiffres de 2023 laissent apparaître, toujours selon le rectorat, au niveau des langues régionales, cinq candidats qui ont été admis au concours CRPE public spécial langues régionales occitan ; quatre candidats admis au concours CRPE privé spécial langues régionales occitan et aucun candidat n’a été admissible donc admis au CAPES d’occitan. Le CRPE 2024 débutera par les épreuves écrites les 3 et 4 avril prochains au parc des expositions. Il y a 31 candidats en occitan.

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