À quoi ressemblera le secteur du tourisme en Occitanie à l’horizon 2050 ? Avec 55,2 millions de nuitées (12 % des nuitées de France métropolitaine), l’Occitanie se situe au 4e rang des régions de France pour la fréquentation touristique, ce qui représente un impact important en termes d’émissions d’équivalent CO2. Le tourisme (qui occupe un rôle majeur dans l’économie régionale) doit donc se repenser face au changement climatique, car il est lui-même affecté par la hausse des températures et ses conséquences. L’insee et le CRTL d’Occitanie font le point :
Au cours des vingt-cinq prochaines années, les fortes chaleurs seront de plus en plus fréquentes dans toute l’Occitanie, en particulier dans les territoires les plus touristiques de la région.
Le littoral sera le plus durement touché
Les territoires concernés par cette vague de chaleur abritent les trois quarts de l’offre d’hébergements touristiques marchands de la région. Les campings, concentrés sur le littoral, seront les plus exposés aux fortes chaleurs. Les hôtels le seront un peu moins, sauf en zone urbaine. Les résidences secondaires seront fortement exposées aussi, une majorité d’entre elles étant situées dans des zones soumises fréquemment à des canicules. Dans les Pyrénées, le changement climatique fragilise les activités touristiques, même si les fortes chaleurs resteront rares.
En Occitanie, la fréquentation touristique est particulièrement forte lors de la période estivale et pendant les ailes de saison. Les mois de juillet et d’août concentrent la moitié des nuitées des hébergements collectifs touristiques et les mois de juin et septembre enregistrent chacun 10 % des nuitées.
La période estivale est ainsi cruciale pour l’économie touristique en Occitanie même si depuis dix ans, la fréquentation en été augmente plus rapidement dans les campings des départements littoraux du nord de la France, notamment en Bretagne et en Normandie, que dans ceux du littoral méditerranéen. Cette tendance s’est accentuée depuis les étés 2018 et 2019 marqués par plusieurs épisodes caniculaires. Les touristes semblent ainsi modifier leurs choix de destinations pour éviter les fortes chaleurs.
Or, en Occitanie, les étés 2022 et 2023 ont été marqués par des températures dépassant régulièrement les 35 °C (voire 40 °C) dans plusieurs départements, des niveaux rarement atteints autrefois. Et les simulations climatiques les plus récentes confirment que ces phénomènes s’accentueront au cours des vingt-cinq prochaines années.
L’Occitanie est en effet l’une des régions de France métropolitaine qui sera la plus exposée à des épisodes fréquents de fortes chaleurs, à la fois diurnes et nocturnes. Dans la région, les territoires qui seront soumis à ces épisodes sont précisément ceux où se situe une large majorité des hébergements touristiques (*).
Selon l’étude menée par l’Insee, en 2030, les fortes chaleurs fréquentes s’étendront à 12 % de la région (contre 2% jusqu’en 2015) et à l’horizon 2050, la moitié de la surface de l’Occitanie sera impactée par ces fortes chaleurs à répétition. Ces hausses de températures accompagnées d’une multiplication des épisodes de fortes chaleurs seront particulièrement prégnantes sur le littoral et dans l’arrière-pays méditerranéen dès 2030, touchant ainsi d’abord le tourisme balnéaire, en particulier dans le Gard et dans l’Hérault, départements les plus chauds de la région, qui regroupent à eux deux plus d’un tiers de l’offre touristique marchande.
Les campings davantage exposés aux fortes chaleur
Les fortes chaleurs à répétition ne se limiteront pas au pourtour méditerranéen, mais s’étendront aux territoires de la plaine de la Garonne et au nord-ouest de la région. Le Tarn-et-Garonne et le Lot dans leur quasi-totalité, le nord de la Haute-Garonne et du Gers, ainsi que l’ouest du Tarn seraient alors confrontés à une multiplication des épisodes de fortes chaleurs, soit plus de 35 journées très chaudes et plus de 10 nuits tropicales par an. Dans les territoires de moyenne ou de haute montagne, le nombre de journées à plus de 30 °C sera plus modéré.
En Occitanie, première région en nombre de campings avec 1 300 terrains, l’hôtellerie de plein air assure les deux tiers de la capacité d’accueil en hébergements collectifs marchands avec environ 474 000 lits touristiques. Or, les campings seront les hébergements les plus exposés aux épisodes de fortes chaleurs : 76 % des lits se situent dans des zones où ils seront fréquents, majoritairement sur le littoral (62% pour l’hôtellerie).
Le cas particulier des Pyrénées
En Occitanie, les Pyrénées concentrent 17 % de la capacité d’accueil touristique des hébergements collectifs marchands et 20 % des lits en résidences secondaires. L’emploi lié à l’activité touristique a un poids nettement plus important que dans l’ensemble de la région. En particulier dans les stations de ski, 36 % de l’emploi marchand est généré par le tourisme.
Les zones de haute montagne sont particulièrement vulnérables au changement climatique et à ses conséquences. En effet, les montagnes sont les zones de la planète qui se réchauffent le plus vite, même si la température maximale en été n’atteindra pas les 30 °C à horizon 2050. Dans les Pyrénées françaises, la température a augmenté de +2 °C au cours du XXᵉ siècle par rapport à la période pré-industrielle contre +1,4 °C dans le reste de la France (source Météo France). À l’horizon 2050, la température augmentera encore de 2,6 °C par rapport à la période 1976-2005, contre +2,1 °C en moyenne sur la France métropolitaine.
Cette hausse des températures devrait entraîner une baisse généralisée des précipitations en hiver et au printemps. Conséquence de la baisse de la pluviométrie, l’enneigement serait réduit de plusieurs semaines à horizon 2050 et le manteau neigeux perdrait de 10 à 40 % de son épaisseur en moyenne montagne. Une telle baisse de l’enneigement naturel menacerait la viabilité de la saison hivernale des stations des Pyrénées, qui se sont développées autour de la pratique du ski.
Par ailleurs, les risques d’orages l’été et les périodes de vigilance météorologique pourraient aller en s’accroissant et pourraient alors entraîner des arrêts temporaires des activités de pleine nature (alpinisme, randonnée, course de montagne…).
“Repenser le tourisme”, pour préparer l’avenir…
Naturellement il s’agit là de prospectives (voir ci-dessous) et certains refuseront de sombrer dans le pessimisme. Mais tous les spécialistes s’accordent pour dire qu’il est temps de “repenser le tourisme.” En essayant d’étaler la fréquentation touristique dans le temps, en travaillant sur les mobilités, en adaptant les infrastructures, etc. Une seule certitude : Il faut agir… vite !
Les indicateurs mentionnés dans cette étude (journées de fortes chaleurs et nuits tropicales) proviennent du jeu de données mis à disposition par Météo France à l’automne 2023 dans le cadre de la trajectoire de réchauffement pour l’adaptation au changement climatique.
Philippe MOURET
(*) 72 % des lits des hébergements collectifs touristiques de la région sont situés dans des zones où les températures élevées seront les plus fréquentes à l’horizon 2050 (figure 1), avec plus de 35 journées où les températures dépasseront 30 °C, ou plus de 50 nuits tropicales par an.
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