Agriculteurs : La FNSEA annonce des actions “sur le terrain”, la CR promet “le chaos”

Manifestation de tracteurs à Bruxelles. Moins d'un an plus tard, la situation n'a guère évolué ! Photo Ieva Brinkmane - Pexels

Quelques jours après le début de leur mobilisation, Jeunes Agriculteurs (JA) et la FNSEA se félicitent de l’annonce du gouvernement de laisser le parlement s’exprimer sur l’accord avec le Mercosur (le 26 novembre). Mais les syndicats agricoles maintiennent la pression et annoncent des actions la semaine prochaine. Plus radicale, la Coordination rurale (CR) se dit prête à “affamer le pays…” Deux conceptions de la lutte, sur fond d’élections professionnelles en janvier 2025. Mais la crise de l’agriculture française n’en est pas moins une inquiétante réalité.

Trop c’est trop ! Les agriculteurs qui avaient exprimé leur détresse et leur ras-le-bol en début d’année (voir nos articles en bas de page) n’ont pas le sentiment d’avoir été réellement entendus. Alors, en habitués de l’effort renouvelé, ils sont à nouveau sur les routes, devant les préfectures, avec leur colère et leurs tracteurs…

Moins d’un an après leur mobilisation, la déception des agriculteurs

Une colère dont les raisons sont multiples. Alors qu’ils viennent de subir mauvaises récoltes et épidémie de fièvre catarrhale ovine, les agriculteurs constatent que les promesses semées du haut d’une botte de foin par Gabriel Attal (alors Premier ministre) n’ont pas vraiment levé. “65% des mesures annoncées ne sont toujours pas arrivées dans les cours de fermes !” affirme la FNSEA qui assure le suivi des mesures annoncées :

Lire : https://www.fnsea.fr/actualit%C3%A9s/65-des-mesures-annoncees-ne-sont-toujours-pas-arrivees-dans-les-cours-de-fermes/

Et puis, bien sur, il y a le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur (Ce Mercado Comun del Sur, rassemble cinq pays : Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay et Bolivie), qui alimente la colère de l’agriculture française, mais aussi de nombreux politiques. Dimanche, Emmanuel Macron a assuré que “la France ne signera pas cet accord en l’état.” Mais on sait que les paroles s’envolent trop souvent (le président de la République avait soutenu l’accord, en 2018, au Salon de l’Agriculture avant de changer d’avis)…

Un conflit qui pourrait durer ? Photo d’illustration Ieva Brinkmane – Pexels

Contre l’accord avec le Mercosur, la France isolée

L’Union européenne veut cet accord, afin d’ouvrir à ses entreprises un marché de 270 millions de consommateurs. La France manque d’alliés au sein de l’UE dans ce débat. L’Italie et la Pologne pourraient suivre la même ligne, l’Autriche et l’Irlande hésitent, mais une majorité de pays semblent plutôt favorables, notamment l’Allemagne et l’Espagne. Un courrier adressé à Ursula von der Leyen (présidente de la Commission européenne) par plus de 600 parlementaires, le 12 novembre dernier,  reste d’ailleurs sans réponse à l’heure actuelle.

Pour les agriculteurs, cet accord crée une concurrence déloyale. Comme le souligne la FRSEA d’Occitanie : “L’accord avec le Mercosur, c’est 99.000 tonnes de viande bovine importées en Europe, soit 8% des meilleurs morceaux consommés en Europe et provenant de pays d’élevage utilisant des antibiotiques, hormones de croissance ou insecticides interdits en France, avec une traçabilité quasi inexistante ! Pour protéger la viande bovine française et ses qualités, défendons la filière élevage contre une concurrence déloyale, ne respectant pas nos normes de production ! FNSEA et Jeunes Agriculteurs sont fermement opposés à la ratification de l’accord avec le Mercosur.”

En Europe, la France dispose de peu de soutiens pour contrer l’accord avec le mercosur. Image par NakNakNak de Pixabay

Deux méthodes, pour une inquiétude commune

Arnaud Rousseau, président de la FNSEA dénonce “une véritable distorsion de concurrence.” Invité du “8h30 franceinfo”, ce mercredi il a déclaré que “l’écologie est une préoccupation pour les agriculteurs, mais en revanche, nous mettre dans des impasses, arrêter la production en France et l’importer d’ailleurs, ça ne fait pas avancer la France.” Il a par ailleurs souligné la volonté de son syndicat et de JA de continuer à “mettre la pression, pour dénoncer ce qui n’est pas acceptable, toujours dans le respect des biens et des personnes.”

Une retenue qui contraste avec l’engagement de la Coordination rurale (CR), qui a notamment organisé le blocage nocturne de l’autoroute A9 au péage du Boulou dans les Pyrénées-Orientales, par des agriculteurs du département, mais également de l’Aude et de l’Hérault. Plusieurs centaines de camions sont ainsi restés bloqués du côté espagnol de la frontière.

Mardi, déjà, des membres de la CR avaient répandus du fumier devant la préfecture du Lot-et-Garonne, à Agen (Nouvelle-Aquitaine), avant d’être dispersés par les forces de l’ordre. “Nous allons intensifier les points de blocage et les manifestations” affirmait alors Karine Duc, de la CR du Lot-et-Garonne, invitée de franceinfo. Des centrales d’achat de la grande distribution pourraient être visées, notamment dans le Tarn-et-Garonne.

“S’en prendre aux personnes, bloquer durablement le pays, ça, ce n’est pas acceptable” a rétorqué la ministre cde l’Agriculture Annie Genevard. Ce qui n’a pas empêché une journée noire autour de Toulouse, ce mercredi 20 novembre, avec notamment la venue de plusieurs dizaines de tracteurs de l’Aveyron…

Philippe MOURET

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