Sécheresse / BRL : L’eau du Rhône, les eaux usées traitées et l’intelligence collective !

Nouvelle mise en eau le 23 mai dans le secteur des Collines des Costières (Gard) pour l'irrigation de 630 hectares, principalement des vignes, au sud de Nîmes. Ph. BRL

On prélève chaque année, en Occitanie, 1,6 milliard de mètres cubes d’eau. “On a un déficit d’eau annuel de 200 millions de mètres cubes, dit Fabrice Verdier, président de BRL, le concessionnaire de la région Occitanie. Il n’y a pas de solution miracle. BRL en est une mais ce n’est pas LA solution.” Jean-François Blanchet, directeur général de BRL, insiste sur le fait que, certes, “Aqua Domitia est une arme antisécheresse”, mais qu’il est aussi “important d’avoir des champions régionaux qui sachent travailler ensemble”, notamment via le pôle Aqua-Valley et capables de faire émerger des solutions exemplaires.

Conseiller régional d’Occitanie, Fabrice Verdier préside, depuis bientôt deux ans, le Groupe BRL (Bas-Rhône Languedoc, 800 collaborateurs dont 700 en France). Jean-François Blanchet en est le directeur général. Cette compagnie gère des ouvrages et notamment Aqua Domitia qui transfère l’eau du Rhône, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI, sécurise le territoire en eau et permet des irrigations contrôlées, notamment auprès des agriculteurs et viticulteurs.

Et ce, dans un contexte “particulier” de sécheresse et de réchauffement climatique. En écho au lancement du plan régional Eau comme l’a expliqué il y a quelques jours la présidente de Région, Carole Delga, les deux dirigeants expliquent la stratégie de BRL, bras armé de la région Occitanie, dont elle est actionnaire, pour justement lutter contre la sécheresse.

Quel est l’état des lieux de la ressource en Occitanie ?

Jean-François Blanchet, Fabrice Verdier et Carole Delga ©Dronestudio

Fabrice Verdier : La pluviométrie du mois de juin nous permet de souffler un peu.

Jean-François Blanchet : À une sécheresse intense de 2022 a succédé une période automnale et hivernale qui, elle-même, a été frappée par la sécheresse et un début de printemps qui l’a été tout autant. Avec une situation un peu plus favorable en mai-juin {grâce aux pluies récentes, Ndlr} qui a réduit la pression sur la ressource et la pression sur certains usages. Globalement, pour autant, on reste dans un contexte déficitaire en eau. De recharge des nappes et de la ressource.

BRL avait anticipé pour une gestion responsable de l’eau

Barrage des Monts d’Orb ©G&C Deschamps

Jean-François Blanchet : Dans ce tableau, BRL, en tant qu’opérateur régional, avait anticipé pour avoir une gestion responsable de l’eau, notamment celle qui est stockée dans ses retenues, en particulier au barrage de la Ganguise, dans le Lauragais (Aude), et celui des Monts d’Orb, à Avène-les-Bains (Hérault). Pour ce qui concerne ce dernier, dès l’automne dernier, nous avons stocké par anticipation de l’eau dans ce barrage.

Pour cela, nous avons même réduit la production d’énergie hydro-électrique. On a privilégié la disponibilité de la ressource pour l’été plutôt que de produire de l’électricité. Bien nous en a pris : nous avons un volume inférieur à celui des années précédentes, de l’ordre actuellement de 17 millions de mètres cubes stockés. C’est une situation comparable à celle de 2003, qui est parmi les “grands millésimes” de sécheresse.

Aqua Domitia sert-il aussi à diminuer la pression sur le réseau ?

Vignes en goutte à goutte ©Sabrina Boirel.

Jean-François Blanchet : On a aussi une “arme antisécheresse” : la mobilisation à pleine capacité d’Aqua Domitia, du transfert de l’eau du Rhône sur toute la façade littorale de l’Hérault et qui permet de satisfaire les besoins en eau des nouveaux périmètres que nous avons réalisés dans le Bitterois et d’alimenter, cet été, une partie des réseaux avec cette eau du Rhône à la place de la ressource Orb et du Canal du Midi.

Grâce au Rhône, nous avons pu délester une partie des prélèvements que l’on effectuait auparavant sur ces milieux plus sensibles. C’est tout l’enjeu d’Aqua Domitia : avoir aussi la capacité de réduire la pression de prélèvement. Notamment sur des exploitations agricoles.

Quels sont les prélèvements autorisés dans le Rhône ?

Prise au Rhône à Fourques (Gard). ©Franck Buchin

Jean-François Blanchet : Nous avons une autorisation de 75 mètres cubes par seconde. En période estivale, la pointe la plus forte que l’on atteint, c’est 15 mètres cubes par seconde. Donc nous ne mobilisons que 20 % de la capacité de prélèvement.

Sachant qu’à l’heure actuelle le débit du Rhône et de 730 mètres cubes par seconde et nous prélevons, BRL, un peu moins de 10 mètres cubes par seconde. On a des outils {il nous montre une application pour smartphones ingénieuse, Ndlr} que même le président ou le directeur général peuvent tout suivre en direct à tout moment, depuis leur smartphone, via une application dédiée. De la même manière, à l’heure où l’on se parle, la cote du barrage des Monts d’Orb est de 419,44 mètres NGF. Dans ce barrage, il entre 0,8 mètre cube par seconde et on restitue deux mètres cubes par seconde. On restitue donc bien davantage.

Mais le Rhône, qui prend sa source dans les glaciers suisses, est lui aussi touché par le réchauffement…

Jean-François Blanchet : À ce jour, l’ensemble des précipitations sur le bassin rhodanien au sens large avec les Hautes-Alpes ont reconstitué presque toutes les ressources en eau. Y compris au lac de Serre-Ponçon, dans les Alpes {devant le plus grand lc artificiel de France, le président Macron avait présenté son “plan eau” le 30 mars avec une cinquantaine de mesures}.

L’Agence de l’eau a modélisé l’impact du changement climatique – le Rhône y est incontestablement soumis, c’est indéniable – sur l’ensemble de ce bassin versant. Le changement a déjà eu des effets sur le débit moyen du Rhône. Environ 13 % de débit moyen en moins. Et pour le futur, c’est de l’ordre de 20 % à 25 % de baisse annoncée de ce débit. Mais BRL ne prélève aujourd’hui que 20 % de notre capacité de prélèvement : même avec les scénarios les plus pessimistes du Giec, à un horizon à 2070, le débit du Rhône sera suffisant pour que les prélèvements y soient faits.

Le Rhône à Fourques. ©Franck Buchin

Des chiffres concrets pour illustrer : le Rhône envoie à la mer chaque année 55 milliards de mètres cubes d’eau. Nous, BRL, nous en prélevons 150 millions de mètres cubes. Soit 0,3 % des volumes d’eau écoulée à la mer. Le débit moyen du Rhône en été est d’environ 700 mètres cubes par seconde. Et quand il y a très peu d’eau, on est entre 360 et 400 mètres cubes par seconde, à Beaucaire. Et, encore une fois, nous n’en prélevons encore une fois que 15 mètres cubes par seconde. Sachant que deux heures plus tard, l’eau s’écoule en mer. On n’assèche pas la Méditerranée ! Ce n’est pas la mer d’Aral… C’est plutôt l’inverse : la mer a aujourd’hui trop d’eau.

Cette eau du Rhône n’est pas inépuisable mais elle restera une ressource relativement abondante. Ce qui est important, ce n’est pas tant qu’il y ait une ressource disponible suffisante par rapport aux besoins. Nous sommes très fortement impliqués sur la plus forte réduction possible sur les prélèvements, des fuites d’eau et que l’irrigation soit la plus sobre possible. Car, au-delà d’utiliser de l’eau l’ensemble des infrastructures consomment de l’énergie. L’enjeu en faisant des économies c’est de faire aussi des économies d’énergie, d’avoir un impact carbone le plus bas possible. Ce qui est important à l’heure du réchauffement c’est d’optimiser le rapport entre eau, énergie et alimentation via une gestion responsable.

BRL ne ponctionne que 0,3 % de l’eau du Rhône ; notre intervention n’a aucune incidence sur le milieu”

Fabrice Verdier, président de BRL

Fabrice Verdier : Le chiffre qui est très important, c’est les 55 milliards de mètres cubes d’eau du Rhône qui s’écoulent  à la mer et le fait que BRL n’en ponctionne que 0,3 %. Notre intervention n’a aucune incidence sur le milieu.

Aqua Domitia, la pose de canalisations… Photo BRL-G. LAMORTE

Le plan Aqua Domitia date de Georges Frêche et démontre depuis toute sa pertinence. En 2018, déjà, il l’a encore prouvé. La Région occitanie a initié un plan régional eau. A l’échelle de l’Occitanie, on a un déficit d’eau annuel de 200 millions de mètres cubes. On veut éviter les conflits d’usage. Il faut agir sur plusieurs leviers pour cela. Il n’y a pas de solution miracle. BRL en est une mais ce n’est pas LA solution unique. En la matière, tout compte et chacun, citoyen, acteur économique, etc., peut apporter sa contribution.

Un déficit de 200 millions de mètres cubes entre les besoins et la ressource, cela représente quoi ?

Fabrice Verdier : On prélève chaque année, en Occitanie, 1,6 milliard de mètres cubes. C’est la consommation de l’ensemble de la région. 20 % de cette eau est utilisée pour l’industrie, 38 % pour l’eau potable et 42 % pour l’agriculture. Le citoyen moyen en France consomme 54 mètres cubes par an et 150 litres par jour en moyenne. {sachant que un litre d’eau sur cinq est perdu dans les fuites, en moyenne, Ndlr}.

Carole Delga a dit : pas question pour BRL d’aller “secourir” les P.-O. Pourquoi ?

Barrage de Caramany dans les Pyrénées-Orientales. Photo : Direction eau et environnement département des Pyrénées-Orientales.

Jean-François Blanchet : Ce n’est pas lié à la disponibilité de l’eau du Rhône. La question posée était : est-ce que Aqua Domitia est en mesure d’y amener de l’eau complémentaire ? Ce n’est pas une solution de secours immédiate : il faudrait créer des installations conséquentes, ce qui prendrait plusieurs années. Ce serait une réponse de moyen terme. Mais l’installation a été conçue pour les besoins de l’Hérault, du Gard et de l’Aude mais pas dimensionnée pour des besoins de pointe jusque dans les P.-O. Ce qu’a dit Carole Delga c’est que redimensionner l’ensemble ne lui apparaît pas correctement proportionné par rapport à d’autres solutions locales notamment le transfert de l’eau du barrage de Vinça, vers Perpignan.

Quel est sera le futur réseau hydraulique régional avec votre homologue la CACG du bassin Adour-Garonne ?

Jean-François Blanchet : Il y a déjà un réseau hydraulique régional, celui qui a été transféré en 2008 de l’État à la Région Languedoc-Roussillon. Ce qu’a proposé la présidente Carole Delga, c’est d’étendre ce réseau en y intégrant le moment venu le transfert des ouvrages que détient encore aujourd’hui l’État à la Région Occitanie, de la CACG. Cela s’appelle le système “Neste”. Là, l’ensemble des ouvrages à l’Est et l’Ouest de l’Occitanie constitueront ensemble le réseau hydraulique d’Occitanie. {La CACG gère 262 stations de pompage, des barrages comme le fameux site de Sivens dans le Tarn, 88 lacs et 3 500 km de rivières “réalimentées” et règne sur 500 millions d emètres cubes d’eau par ans, Ndlr}.

La réutilisation des eaux usées, est-ce une vraie solution ?

“Reut” : l’expérimentation à Roquefort-des-Corbières. ©Dronestudio

Fabrice Verdier : Il n’y a pas de solution magique. La “réut” est l’une des possibilités dans un éventail de solutions. Par rapport à nos voisins méditerranéens (l’Espagne est à 12 % de “réut” ou Israël en est la championne du monde), on sait que nous avons des capacités. Après, c’est une solution particulièrement pertinente dès lors que l’on ne déstabilise pas les niveaux d’étiage de certains cours d’eau. Une partie des eaux d’épuration traitées repartent normalement dans les cours d’eau et les nappes et contribuent au débit des rivières. Moi même, sur mon territoire on y réfléchit et on est nombreux dans ce cas.

Simplement, il faut garder un équilibre ; arriver à définir ce que l’on laisse aux milieux naturels. Et ce qui ne l’est pas et ce qui ne l’est pas puisse être réutilisé à des fins industrielles, récréatives et permettent aux collectivités de nettoyer leurs rues avec ; d’entretenir leurs espaces verts. D’ailleurs, on va, à la région, accompagner financièrement ces solutions, dont certaines ont démontré leur pertinence. Ça l’est peut-être davantage pour les stations littorales qui reversent à la mer. Nous avons aussi la volonté de travailler avec nos voisins de Catalogne pour un partage d’expérience, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI.

Et sur l’eau dessalée…?

Fabrice Verdier : Nous considérons, aujourd’hui, au regard à la fois notre ressource et de notre histoire, ce n’est pas la bonne solution. Nous avons d’abord d’autres solutions à mettre en oeuvre que d’autres territoires n’ont pas forcément ; le dessalement est coûteux en énergie et il a des impacts sur l’environnement. Car il y a le problème de la saumure en quantité à évacuer. Ce n’est pas du coup une solution envisagée.

Si on arrive à 20 % d’économie d’eau dans les lycées, cela veut dire que l’on peut le faire dans les collèges et dans tous les établissements recevant du public…”

Quelles sont les autres solutions possibles ?

Eau potable ©BRL-GL

Fabrice Verdier : Il y a une dimension citoyenne dans cette histoire. Il va y avoir un plan d’investissement dans les lycées. Certes, déjà au niveau pédagogique mais aussi au niveau de l’enseignement. On va les équiper d’hydromousseurs ; de réducteurs de pression et de débits. On sait que si on est exemplaire, on peut arriver à 20 % d’économies d’eaux dans les lycées. Et si on le fait dans les lycées, cela veut dire que l’on peut le faire dans les collèges et dans tous les établissements recevant du public. Être exemplaire peut aussi avoir un effet d’entrainement, comme le dit Carole Delga. Il y a aussi une dimension sobriété et innovation.

Comme président de votre communauté de communes, du Pays d’Uzès portez-vous des projets innovants ?

Fabrice Verdier : À Saint-Quentin-la-Poterie (Gard), il y a une station d’épuration qui fonctionne avec une lagune et reçoit 500 mètres cubes par jour. On a recruté un jeune apprenti qui fat une licence sur les métiers de l’eau. L’idée étant qu’une partie de cette eau de lagunage soit utilisée sur de la “réut” pour des usages agricoles et pour les collectivités mais aussi industriels. Nous avons un partenariat avec l’entreprise de BTP Eurovia qui pourrait utiliser cette eau sur les chantiers. On mettrait aussi des panneaux solaires au-dessus de la lagune qui limiteraient les effets de l’évapotranspiration.

Fabrice Verdier et Jean-Francois Blanchet, de BRL. photo Jean-Claude Azria.

Ces panneaux complèteraient les besoins énergétiques de la “réut” des eaux usées. Nous avons rendez-vous le 20 juillet avec la préfète du Gard ; pour être très clair je m’étais plaint de certains obstacles mis par certains services de l’État… On peut avoir un projet que l’on considère exemplaire mais la Dréal peut vous expliquer – parfois à juste titre – qu’il faut faire attention à l’étiage ; que l’ARS (Agence régionale de Santé) considère que l’eau pour nettoyer les rues, si elle n’est pas totalement conforme, il pourrait y avoir des risques pour la population… On va essayer d’avoir une approche pragmatique. La préfète m’avait dit : “Venez avec un projet et nous verrons si je peux vous aider…”

C’est compliqué parce qu’il n’y a pas de loi sur la “réut” ?

Fabrice Verdier : Les approches des différents services de l’Etat peuvent être différentes en fonction des régions. Ce que l’on aimerait c’est de pouvoir avancer dans une logique de projet avec les différents acteurs. Qu’au lieu d’interdire qu’ils soient constructifs et nous oriente, en nous disant : “Faites-le dans telles conditions…” 

Port-Camargue, c’est une opération innovante dans le cadre de France 2030 (…) L’eau usée traitée pourrait être réutilisée pour l’agriculture et la viticulture”

Jean-François Blanchet, DG de BRL

D’autres territoires vous questionnent-ils sur votre méthode ?

Fabrice Verdier : Il faut être honnête. D’autres territoires ont déjà mis en place la “réut”. Sur la station de Port-Camargue, par exemple.

Port Camargue ©BRL-GL

Jean-François Blanchet : Port-Camargue, c’est une opération innovante dans le cadre de France 2030. Avec un accompagnement de la Banque des Territoires avec la communauté de communes Terres de Camargue et celle de Sète, le groupe Suez et BRL fera partie du consortium. Cette eau usée traitée pourrait être réutilisée pour l’agriculture et la viticulture.

Au niveau de BRL, on a déjà mis en place en 2019 un dispositif d’irrigation avec de l’eau usée traitée à Roquefort-des-Corbières sur quinze hectares. On n’en est plus au niveau d’un démonstrateur (même si on est encore en phase de démonstration) ; là, on est sur une activité développée avec les viticulteurs de Leucate (Aude) qui bénéficient d’une irrigation en “réut” là où il n’y a pas d’autre possibilité. C’est de l’eau de la station d’épuration. L’eau est traitée et subit un traitement complémentaire à base d’ultraviolets et une filtration très fine pour ensuite aller irriguer des vignes en goutte-à-goutte. On a ajouté un étage de désinfection avec la filtration fine pour ce réemploi.

On a un bon retour d’expérience. On travaille, par ailleurs, avec la communauté de communes Terres de Camargue et Suez dans le cadre d’un programme qui s’appelle Salt’Eaux pour développer à grande échelle cette réutilisation des eaux usées traitées pour l’agriculture. Et surtout apporter un mix de ressources en eau : être capable sur un territoire d’amener de l’eau à partir du réseau hydraulique régional et lorsque que c’est possible et prioritairement à partir des eaux usées retraitées.

“Dupliquer la méthode dans d’autres territoires”

On envisage de dupliquer cette méthode dans d’autres territoires. Nous avons des projets de conventionnement. Il s’agit de changer complètement de regard et de “desiloter”. Là où auparavant chaque opérateur travaillait dans son coin, là, il s’agit de travailler de manière plus élargi. En se disant : “J’ai un territoire, j’ai telles ressources, j’ai tels usages, quelles sont les meilleurs options.” Et non pas quelle est la meilleure option pour l’opérateur considéré. On est bien dans le déploiement du plan régional eau avec des solutions exemplaires.

Comment se mettent en place ces projets innovants ?

Jean-François Blanchet : Ce n’est pas une question de loi en tant que telle mais il faut une double autorisation. L’une est liée à la loi sur l’eau – l’utilisation d’une ressource pour un usage – et une seconde autorisation des ARS sur l’emploi de l’eau d’une station d’épuration pour un usage et la vérification qu’il n’y a pas d’impact sur la santé publique. C’est là que le sujet devient compliqué.

La destination normale d’une eau épurée en aval d’une station c’est de rejoindre le milieu naturel. Et certaines caractéristiques de rejet doivent être respectées. Là, par rapport à une restitution pour laquelle l’ouvrage a été autorisé, il en faut donc deux autres. Si l’eau réutilisée, on veut l’asperger ou la vaporiser, l’ARS va dire qu’il y a un risque potentiel avec une flore bactérienne et microbienne qui puisse avoir un impact. Avec un goutte-à-goutte enterré, on conçoit aisément qu’il n’y aura pas forcément un impact sur la santé humaine. Tout est question de modalités.

C’est important d’avoir des champions régionaux qui savent travailler ensemble et sachent coopérer plutôt que d’être dans des concurrences frontales”

La gestion de l’eau est aussi la compétence d’un certain nombre d’entreprises qui peuvent être des fleurons régionaux. Qui sont aussi capables d’exporter leur savoir-faire, en dehors des frontières de l’Occitanie. Carole Delga est attentive à ce qu’il y ait un jeu collectif qui s’exprime. Et qui associe les entreprises, les organismes de recherche, les universités notamment au travers du pôle Aqua-Valley, dont j’assure la vice-présidence. Son siège est à Montpellier.

Vignes en goutte à goutte ©Sabrina Boirel.

Nous avons à coeur d’avoir un “lab” innovant associant les entreprises de toutes tailles, start-up, PME, TPE, BRL, de grands groupes comme Suez ou Veolia qui, ensemble, travaillent leur écosystème et avec les organismes de recherche remarquables de notre territoire. Notamment avec ceux regroupés autour du centre Unesco sur l’eau – basé lui aussi à Montpellier – que pilote Eric Servat et les universités de Montpellier, de Toulouse et de Marseille-Aix qui contribuent au niveau d’Aqua-Valley au rayonnement de cette “école de l’eau” française.

Mettre ensemble des entreprises innovantes doit permettre de développer des entreprises qui apportent des réponses locales participant à l’atténuation du changement climatique et de créer de l’attractivité de la Région Occitanie, y compris en exportant notre savoir-faire. Le pôle Aqua-Valley, au coeur de ce dispositif, est financé largement par la Région Occitanie. C’est d’autant plus important que l’ancien pôle, France Water Team, a perdu son label de pôle de compétitivité. On a à coeur de travailler collectivement. L’eau n’est pas seulement un cycle. C’est des compétences, des savoir-faire, des entreprises. Y compris innovantes comme Biotope, Bio-UV qui, dans leur registre, sont reconnues au niveau international.

C’est important d’avoir des champions régionaux qui sachent travailler ensemble et sachent coopérer plutôt que d’être dans des concurrences frontales. On a un changement climatique qui nous met devant une partie à temps limité et avec des effets grandissants : hier, 3 juillet, la température moyenne sur la planète a dépassé son record historique depuis que les mesures existent en dépassant 17 degrés… Et nous ne sommes que le 3 juillet. C’est dramatiquement historique. On est condamné à agir plus vite. Et il faut réunir les intelligences et créer une intelligence collective. C’est tout l’enjeu du plan régional eau. C’est vital. Nous, à BRL, on est par ailleurs très fiers d’avoir une Région Occitanie, premier acteur qui détient la moitié du capital de la société, qui impulse une telle dynamique.

Olivier SCHLAMA

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