Bâchage des piscines, baignoire sans bouchon, seaux à glace bannis… UMIH et préfecture ont signé une charte avec des mesures innovantes. “La réutilisation des eaux “grises” reste la plus intéressante”, souligne Brice Sannac, président, qui espère que hôteliers et restaurateurs s’y emploient en misant sur des aides spécifiques à l’État.
Ôter les bouchons de baignoire, servir le rosé toujours frais à table habillé d’une chaussette réfrigérante mais sans les seaux à glace (ce qui économiserait 1,5 millions de litres d’eau par semaine !), arrêt des nettoyages à grandes eaux, bâchage des piscines pour éviter l’évaporation, pose de compteurs intelligents pour repérer rapidement les fuites, sensibiliser la clientèle (lire ci-dessous)… Les mesures d’une charte d’engagements inédits inscrits noir sur blanc est sans doute une première à ce niveau dans ce département qui est un laboratoire de solutions.
“Cette année, on a donc décidé de prendre les devants”
Après le temps de la sidération, celui de la réaction. “Je n’ai pas été sidéré parce que je siège au comité sécheresse et que nous avons eu le temps de voir arriver… L’année dernière, oui, on était en situation de crise et, malgré tout, on a été mis devant le fait accompli par des arrêtés préfectoraux ; on a dû négocier dans l’urgence ; on a subi un dénigrement de médias nationaux qui nous a fait beaucoup de mal au printemps 2023. Cette année, on a donc décidé de prendre les devants. Et, depuis septembre, on a bossé à cette charte” :
Brice Sannac, 34 ans, lui-même hôtelier, préside l’UMIH des Pyrénées-Orientales, principal syndicat qui regroupe la quasi-totalité (160 des 180) hôteliers du département. Cette charte s’adresse plus largement à l’ensemble des autres adhérents, quelque 1 500 professionnels des CHR (cafés, hôtels, restaurants et clubs de plage) dont 900 restaurateurs. Ont-ils tous signé des deux mains ? “Je n’ai eu aucun message négatif”, confie-t-il.
Le tourisme apporte 45 % du PIB mais “ne consomme que de 1 % à 3 % de l’eau potable ; pour autant, il faut agir”
Brice Sannac a – avec Catherine Danoy, présidente des hôteliers des P.-O., 32 ans, ou David Fournier, 34 ans, président des clubs de plage ou Elise de la Fabrègue, du domaine de la Rambeau, 37 ans…- l’énergie d’une nouvelle génération de jeunes dirigeants qui ont parfaitement compris que le tourisme apporte 45 % du PIB mais “ne consomme que de 1 % à 3 % de l’eau potable ; pour autant, il faut agir”.
Avec “mon bureau”, il a saisi l’occasion – réussie – de faire mordre la poussière au bashing de l’année dernière qui avait fait tant couler d’encre. En gagnant ainsi la bataille de la com’. Tout en ayant, bien sûr, une action concrète pour économiser l’eau. C’est ainsi qu’a été signée cette semaine une charte avec des mesures vertueuses avec la préfecture. Sans les campings, toutefois.
“Il n’y a pas que de la com’. C’est un vrai engagement, cette charte, avec des idées novatrices”
Les autres départements regardent-ils avec intérêt le chemin qu’il propose ? “Oui, on est regardés par les autres Umih départementales. Mais, vous savez, dit-il, sans forfanterie, ici, le tourisme a un poids important (45 % du PIB) ; alors, forcément, la voix du président de l’UMIH des P.-O. porte…”
Il le jure : “Il n’y a pas que de la com’. C’est un vrai engagement, cette charte, avec des idées novatrices. Nos mesures ne tapent pas le client au portefeuille comme l’a fait la Métropole de Toulouse en créant une tarification saisonnière. Nous proposons justement une expérience et un tarif vert avantageux quand le client fait des efforts.” Ces tarifs “verts”, c’est une remise de 10 % à tous les vacanciers “qui acceptent que la femme de ménage ne passe pas chaque jour faire la chambre ou qui que les serviettes ne soient pas changées systématiquement tous les deux ou trois jours”. Une initiative dont pourrait s’emparer le département des P.-O. pour la promouvoir auprès des gîtes et autres hébergements.
“Le plus efficace, c’est la réutilisation de l’eau”
Certes, certaines mesures sur lesquelles mise beaucoup Brice Sannac, comme la réutilisation de l’eau, peuvent coûter relativement cher pour adapter un établissement. “Le plus efficace, selon nous, c’est la réutilisation de l’eau ; la plupart des hôteliers qui ont des piscines ont des kit de réutilisation de l’eau. Moi, je l’ai déjà posé dans mes deux hôtels. Dans l’un d’eux, cela m’a coûté 1 500 € et plus de 2 000 € d’économies.” Et puis il y a le projet de “réutiliser les eaux dites “grises” deux fois pour arroser les jardins, nettoyer les sols et remplir les chasses d’eaux des toilettes. Quatre hôtels en cours de construction le mettent en place. Nous le faisons aussi dans mon nouvel hôtel aussi à Collioure. Cela coûte cher mais c’est très bien. Et ce n’est possible que dans une énorme rénovation dans une nouvelle construction.”
“Demander en contrepartie des aides à l’Etat”
Ces eaux “grises”, issues de la douche, des lavabos, plonge, cuisine, etc., seront envoyées dans des bassins décantation, de traitement et de désinfection. “Si je devais le faire dans mon hôtel de Banyuls, j’en aurais pour 400 000 €. Mais dans un établissement qui compte faire une rénovation de ses 30 ans où il fait changer notamment ses canalisations, c’est jouable. Et beaucoup vont bientôt arriver à cette étape-là. Avec cette charte, cela va nous permettre de demander en contrepartie des aides à l’Etat à la rénovation écologique, énergétique. Des aides à l’investissement.”
“L’eau du Rhône ? Une bonne solution”
En attendant qu’un jour, l’eau du Rhône arrive jusqu’aux plaines agricoles et fruitières des P.-O. “C’est une bonne solution”, juge Brice Sannac sans souci du qu’en dira-t-on. L’eau du Rhône, plus grand fleuve français, gérée dans notre région par BRL qui a construit le gros tuyau Aqua Domitia avait été refusée jadis par le département sous pression des agriculteurs qui refusaient ce qu’ils avaient appelé “une concurrence déloyale des Barcelonais”.
Cette eau avait failli alimenter la capitale catalane. Rallonger Aqua Domitia, comme Dis-Leur ! vous l’a expliqué ICI, c’est une possibilité et l’Etat a accepté de cofinancer une étude avec la Région Occitanie. “Il faut déjà voir si c’est faisable – on peut imaginer passer par la mer, ce qui prendrait moins de temps. Il faut surtout pas se connecter à Narbonne qui n’est pas suffisamment calibré pour alimenter les P.-O. Il nous faut l’eau du Rhône en continu, été comme hiver.” Cette eau, qui pourra être stockée en surface au lac de la Raho, entre autres, pourrait alors servir à l’irrigation. “On pourrait aussi réfléchir à une réinjection dans la nappe ; car il vaut mieux remplir nos réserves souterraines que celles de surface”, une technique dont Dis-Leur ! vous a parlé ICI.
Olivier SCHLAMA
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