Alors que pour préparer l’après-covid, les experts de l’OFCE préconisent de doubler le plan de relance de 100 milliards d’euros pour les 10 ans à venir en France, à l’échelle d’un département il n’y a pas d’argent magique mais un choix dicté par davantage de lien social et une réflexion boostée pour l’après… Comme l’explique Hermeline Malherbe, présidente des Pyrénées-Orientales dans une interview à Dis-Leur !
Avec la crise, comment un département comme les P.-O. se comporte-t-il et quels sont vos projets pour 2021 ?
Notre ADN, c’est le lien social. On va continuer sur cette voie. On a, certes, mis le centre covid en marche ; un centre de vaccination est à disposition avec personnels et logistique, à notre niveau (au niveau national, elle a bien manqué…) Nous ne prenons pas seulement en compte la santé au seul niveau du virus. Nous prenons aussi en compte la santé dans son ensemble, y compris mentale ; avec nos travailleurs sociaux nous y sommes confrontés. L’arrivée du vaccin suscite un espoir. Même si cela va prendre du temps. Parallèlement, nous avons des chantiers qui se poursuivent.
1,3 M€ pour aider les associations
Lesquels ?
Nous nous préoccupons des associations. Pas les grands prestataires de service à la personne, non. Ceux-là on les a déjà aidés tout au long de l’année. Mais les associations culturelles, environnementales, de solidarité, etc. qui ont entre zéro et trois salariés. Et qui ont pu rencontrer nombre de difficultés.
Lundi matin, lors d’une commission permanente, nous avons voté les dernières aides prévues pour 2020. Eh bien 1,3 M€ ont été actés, dont 1 M€ seront consommés avec des critères liés spécifiquement à la crise : masques, gel… Aussi bien les clubs de gym volontaires, le club de foot de Canet, France Alzeihmer, une école de musique, compagnies de théâtre, etc. On a aussi aidé davantage les associations dédiées à la solidarité qui ont vu arriver plus de personnes. On a pu estimer que nous avons soutenu 540 emplois dans ce secteur.
Vous aidez aussi les jeunes…?
Nous soutenons aussi les jeunes. Nous avions déjà voté un certain nombre d’aides en novembre. Et maintenant, nous nous préoccupons de tout ce qui tourne autour de l’accès aux stages, à l’alternance, les contrats civiques. On a multiplié par deux le nombre de possibilités pour 2021. On en est à deux cents. Nous avons des résidences d’habitats jeunes. Nous travaillons avec le Crous et l’Office 66. Et puis on a mis en place un concours Envoie ton projet qui consiste à financer une idée retenue, cela canalise l’attention de ceux qui s’y investissent et sont peut-être moins déprimés. On ne l’a pas fait dans cet esprit-là quand on a lancé l’opération mais c’est en tout cas une dynamique positive.
Nous avons aussi créé le Comité départemental des jeunes pour les 16 ans-26 ans. Nous l’avons installé la semaine dernière avec des jeunes qui viennent de presque tout le département. Et qui ont des profils très différents : étudiants, lycéens, jeunes chômeurs, d’autres qui sont en difficulté… Son but c’est comme un conseil municipal qui permet de participer en proposant des projets. On prévoit une enveloppe de financement en phase avec nos missions.
“Une gestion de plus en plus difficile de personnes qui dépriment…”
Quel est le surcoût global lié au covid ?
C’est difficile à estimer. Toutes les mesures mises en place dans les 31 collèges du département représente 470 000 € en 2020 entre les tablettes que l’on a distribuées en plus, le gel, les masques, etc. Après il y a le surcoût lié aux conséquences du covid, notamment la hausse du nombre d’allocataires du RSA. Il n’est pas complètement évalué. On sait que c’est un véritable surcoût.
Ce qui est difficile à estimer ce sont les problématiques de santé mentale. Il y a une gestion de plus en plus difficile de personnes qui dépriment ; c’est quelque chose qui revient de façon forte beaucoup et qui remonte de la part de nos travailleurs sociaux de nos maisons sociales.
Les thèses complotistes touchent aussi les personnes fragiles. Financièrement, notre marge de manoeuvre se réduit : nous ne levons plus l’impôt directement ; la taxe foncière est partie vers les collectivités communales ou intercommunales… Nous faisons des économies. Nous avons les droits de mutations que l’on récupère sur la vente des biens immobiliers. Heureusement, pour 2020, il y a eu une envie de certains d’acheter davantage de maisons ou des appartements plus grands en 2020, ce qui nous a permis de faire face. Et puis, par ailleurs, nous choisissons nos actions prioritaires.
Depuis deux ans et demi nous travaillons d’arrache-pied avec les acteurs locaux sur l’économie de la neige…”
Les P.-O., plus beau département de France, a une côte magnifique, des montagnes, une ouverture sur l’Espagne… Ne faut-il pas se questionner sur l’avenir des stations de ski et du tourisme ?
Sur ces sujets, nous avons anticipé – pas l’irruption de la crise sanitaire, bien entendu – mais les difficultés déjà identifiées. Ce département a une attractivité naturelle forte. Pour autant, s’il n’y a pas de notion de préservation du cadre de vie, on risque de perdre des touristes.
Pour la montagne, cela fait très longtemps que l’on en parle. Mais depuis deux ans et demi nous travaillons d’arrache-pied avec les acteurs locaux sur l’économie de la neige. On arrive à ce moment – certains diraient que l’on est au pied du mur – important de décision. Pour le Canigou, on travaille déjà bien avec le Syndicat mixte sur le label Grand site.
Au-delà de la fermeture des remontées mécaniques, comment prépare-t-on l’avenir ? Il faut diversifier l’activité ; qu’il y ait davantage de complémentarité entre les stations ; il faut une vision qui soit partagée. On est dans le périmètre d’un parc naturel régional dont on pourrait faire un atout et pas un handicap. Cette idée commence à passer. Il y a un travail à faire auprès de certains élus. Mais cette annonce de fermeture en décembre a eu pour conséquence de remettre l’importance et la dépendance au tout-ski…
Nous travaillons de concert avec Carole Delga. Et nous allons participer dès le 8 février à la Compagnie des Pyrénées, un outil commun à toutes les collectivités (Ndlr : voir l’article ici). On est bien dans une dynamique du tourisme durable. Que ce soit en montagne ou sur la côte. Ou pour la mise en valeur de notre patrimoine, y compris en campagne. Dans la stratégie départementale, nous avons cet objectif. C’est aussi inscrit dans le stratégie de la Région Occitanie. Le cap y est. Maintenant, il s’agit de le travailler, de convaincre et de rendre concret.
“Mieux faire face…”
Cette crise n’est-elle pas une chance, finalement ?
C’est ce que l’on essaie de faire. De prendre le “revers de la médaille”. Et ça commence à passer : je connais un élu qui était très ski et qui, de fait, est obligé de… Il me dit : “Finalement, ce que tu nous as proposé, ce n’est pas si mal…”
À combien se chiffrent les pertes de chiffres d’affaires sur le littoral et en montagne ?
C’est difficile à évaluer. L’été dernier, il y a eu une perte de l’ordre de 30 % sur la côte, ce qui était beaucoup moins important que ce à quoi s’attendaient les professionnels. Ils s’attendaient à pire. On a eu + 20 % à + 25 % l’été en montagne et on a pas su complètement faire face. J’ai même eu des retours de professionnels qui me disaient : “Le tourisme de masse, c’est pas pour nous !” Il y a besoin d’adaptation. Cette analyse n’est pas encore partagée par tous. Il faut que l’on identifie quelques grands enjeux.
Arrivez-vous encore à investir ?
Le département des Pyrénées-Orientales dispose d’un budget de 732 M€, dont 570 M€ pour le fonctionnement et 145 M€ pour l’investissement. En 2020, beaucoup de départements ont perdu entre 10 % et 15 % de leur capacité d’investissement à cause du covid. Nous, entre 2019 et 2020, nous réalisons + 15 % en comptant le très haut débit pour tous.
On n’est pas sur l’objectif que l’on s’était fixé mais on a augmenté par rapport à 2019. Cela est dû à une ambition, forte, de 500 M€ sur quatre ans. Du coup, au lieu de perdre des possibilités, on en a gagné. Ce qui nous a permis de mieux faire face. On investit pas pour construire à tout-va mais pour construire raisonnablement, durablement dans le cadre d’un développement durable. On est au combat contre le virus et pour faire face à la crise.
Vous vous représentez en juin aux départementales ?
Oui ! On y travaille. On a commencé à réunir l’ensemble des partis de gauche. Les discussions se poursuivent pour que l’on parte tous ensemble : PS, PCF, Verts, PRG, Fédération S, Place publique, etc. L’important c’est que l’on soit une majorité de progrès qui puisse répondre aux préoccupations de nos concitoyens.
Propos recueillis par Olivier SCHLAMA
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