De 10 000 à 40 000 remorques, remplies de produits manufacturés fabriqués en Turquie, qui embarquent sur des trains, à Sète, direction plusieurs pays d’Europe : c’est la promesse de cet outil performant dopé par une technologie innovante qui autorise des gains de productivité. La multimodalité devient une grande force du port de Sète-Frontignan. “Un atout considérable”, selon le président Philippe Malagola.
C’est un joli cadeau pour la 280e Saint-Louis. La Commission européenne vient d’autoriser deux aides d’État françaises d’un montant de 6,3 M€ et 3 M€ pour soutenir des investissements importants sur deux terminaux multimodaux de marchandises à Calais et Sète – les deux ports sont engagés dans la future autoroute ferroviaire voulue par le gouvernement – pour participer au développement indispensable d’une plate-forme ferroviaire dans le port de Sète, au 8e rang français avec un trafic de 5,6 millions de tonnes contre 3 millions en 2008.
Ce n’est pas un gadget : il s’agit de doter la plate-forme sétoise (déjà à l’oeuvre et financée par la région Occitanie pour 3 M€ – et des fonds Européens qu’elle gère- et le port pour 3,7 M€) d’un système “de transbordement dit horizontal, capable de transborder notamment des semi-remorques non-préhensibles, que les terminaux traditionnels ne peuvent pas traiter”. Avec des voies SNCF enterrées.
Un nouvel investissement de 8 M€
Le coût de ce nouvel investissement nécessaire, 8 M€, est supporté par l’opérateur VIIA qui peut compter sur 3 M€ d’aides publiques pour cela. Et offrir in fine un outil plus performant aux opérateurs pour alimenter, via ce terminal, plusieurs pays européens, en produits manufacturés – textiles, électroménager, produits chimiques, etc. – en provenance de Turquie où ils sont fabriqués. À l’instar du Luxembourg, Pologne, Grande-Bretagne, Espagne… “Il s’agit aussi de fabriquer trois voies de 330 mètres linéaires qui permettent de charger trois demi-trains simultanément sur un terre-plein de 4,5 hectares, précise Philippe Malagola, président du port de Sète. La mise en service est prévue en début d’année 2025.”
Avec cette plate-forme, livrée en 2011, nous offrons un outil pour transporter des marchandises plus rapidement et efficacement dans toute l’Europe”
Les deux mesures s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire visant, entre autres, la réalisation de plusieurs terminaux d’autoroute ferroviaire, capable de transborder des semi-remorques et accueillir des fréquences plus élevées de trains. Les bénéficiaires sont CargoBeamer Terminal Calais, entreprise spécialisée dans les systèmes d’autoroute ferroviaire, et Sète Terminal Société Investissement, entreprise du groupe SNCF spécialisé dans le transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises. “Les deux aides prendront la forme de subvention directes couvrant une partie des déficits de financement des deux projets”, précise la commission.
Directeur du port de Sète, propriété de la Région Occitanie depuis 2007, Olivier Carmes confie : “Avec cette plate-forme, livrée en 2011, nous offrons un outil pour transporter des marchandises plus rapidement et efficacement dans toute l’Europe.” Certaines marchandises arrivés par bateaux via l’armateur DFDS débarquent à Sète et grâce à cette technologie conteneurs ou remorques peuvent rapidement embarquer dans un train et se retrouver quelques jours après en Grande Bretagne, via Calais, par exemple. “Ces produits manufacturés sont produits en Turquie qui est la Chine de l’Europe.” Les opérateurs l’ont bien compris pour lesquels importer des produits venus de Turquie est beaucoup moins onéreux que de Chine.
40 000 camions en moins sur les routes
Avec cette technologie Modalhor, cette plate-forme avec plateau pivotant et chargement horizontal va pouvoir fonctionner à plein et avec des gains de productivité. Et augmenter la cadence ! “Nous recevions une escale par semaine en 2015, puis deux escales et aujourd’hui nous en sommes à six. Nous recevons 130 000 remorques par an ; l’objectif étant d’atteindre les 150 000. Nous espérons multiplier par deux le trafic par voie ferrée, 40 000, grâce à cette plate-forme.” Soit 40 000 camions en moins sur les routes et autoroutes ! De quoi, aussi, conforter les relations commerciales avec les armateurs.
Pour le port de Sète, ce développement de ce trafic décarbonné répond à une stratégie plus “verte” et de faire passer la part du transport fluvial et par voie ferrée à 20 % : c’était le sens de son projet stratégique 2021-2025. Le montant des travaux s’élève à 9,4 M€, dont 5,7 M€ financés par la Région Occitanie pour les aménagements ferroviaires, et 3,7 M€ par le port pour l’aménagement de la plate-forme. Le projet a également reçu une aide de 725 000 € apportée par la Dotation de soutien à l’investissement local (Dsil) et de 5,14 M€ du Fonds européen de développement régional (Feder).
“Vraie cohérence avec le développement du Canal du Rhône à Sète”
Sélectionné à l’issu d’un appel à projets pour la gestion de la nouvelle plateforme, l’opérateur ferroviaire VIIA, filiale de la SNCF, a promis d’investir par ailleurs 8 M€ pour le déploiement de cette technologie de chargement horizontale Modalhor sur le port de Sète. Et avec cette technologie, la plate-forme peutr accueillir toutes sortes de wagons, pas besoin qu’ils soient adaptés.
Cette plate-forme a eu une histoire commerciale cahotique par le passé. C’est désormais dans le rétroviseur. “Transporter des marchandises du maritime vers le train et le fluvial, c’est notre force. Il existe une vraie cohérence avec le développement du Canal du Rhône à Sète, où la Région Occitanie vient de décider d’investir 25 M€, où l’Etat apportera 25 M€. Et 2 M€ des fonds européens Feder. Les collectivités devraient, quant à elles, notamment les départements de l’Hérault et du Gard, apporter 8 M€”, confie Philippe Malagola, président du port de Sète, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. Sur le Canal du Rhône à Sète, les péniches à gros gabarit emportent plus volontiers du “vrac” : tourteaux pour l’alimentation animale, engrais, céréales, klinker, principal composant du ciment, etc. “Nous sommes ravis de la décision de la Commission européenne. Tout autant que pour la décision du canal du Rhône.”
Olivier SCHLAMA
À lire également sur Dis-Leur !
Chambre des comptes d’Occitanie : “Le port de Sète, un levier économique pour la région”
Économie : Le canal du Rhône à Sète entrevoit le bout du tunnel