Le Conseil d’Etat a pris une décision historique arguant du fait que cette chasse ne se justifie pas, même pratiquée par dérogation au nom de la tradition. Pour la LPO, qui s’en félicite, par extension, “plus aucune chasse “traditionnelle” d’oiseaux n’est de facto autorisée en France”.
“Une grande victoire pour les oiseaux” : c’est ainsi que la LPO (Ligue de protection des oiseaux) qualifie la dernière décision du Conseil d’Etat, plus haute juridiction française, qui “entérine définitivement la fin des chasses traditionnelles. En abrogeant les derniers arrêtés encore en vigueur, la justice fait disparaître du droit français toute référence à ces pratiques archaïques de piégeage d’oiseaux sauvages”, formule la LPO selon laquelle “plus aucune chasse “traditionnelle” d’oiseaux n’est de facto autorisée en France”. Selon la décision au fond, justifier, même par dérogation, ce que faisait la France régulièrement, ces chasses au nom de la tradition ne “suffit pas”. Par ailleurs, rien ne démontre, selon les juges, que ces types de chasses soient les seules possibles pour capturer par exemple des alouettes des champs. Elles peuvent, en effet, être abattues par tirs…
Non conformes au droit européen
Dans sa décision, qui date du 6 mai 2024, suite à l’audience du 4 avril dernier, le Conseil d’Etat a abrogé les deux arrêtés cadres du 4 octobre 2022 encadrant la capture d’alouettes des champs au moyen de pantes (filets) et de matoles (cages) dans les départements de la Gironde, des Landes, du Lot-et-Garonne et des Pyrénées-Atlantiques. Rendant donc illégales ces deux chasses-là dites traditionnelles parce que non conformes au droit européen. C’est une décision historique, au fond, qui annule plusieurs arrêtés du gouvernement français pris en octobre 2022 pour garder, à titre dérogatoire, ces chasses légales vis-à-vis de l’UE. Ce n’est donc plus possible.
Le premier coup de grâce : la chasse à la glu
Ces textes permettaient à la France d’autoriser ces chasses traditionnelles et fixer des plafonds de prélèvements annuels d’alouettes à capturer. Même si, comme le Conseil d’Etat l’a déjà reconnu dans plusieurs décisions d’annulation, ces modes de chasse sont contraires à la Directive européenne “Oiseaux” du 30 novembre 2009 en ce qu’ils ne démontrent pas leur caractère sélectif, ni l’absence d’autre solution satisfaisante. Sauf qu’il suffisait qu’au gouvernement français ne prendre un arrêté dérogatoire. Ce qu’il ne peut plus faire apparemment.
La plus haute juridiction administrative avait déjà quasiment porté le coup de grâce à ces chasses ancestrales en annulant ces dernières années des arrêtés-cadres de 1989, autorisant par exemple, la chasse à la glu et avec d’autres pièges comme les tenderies sur d’autres espèces d’oiseaux. C’est sur ces arrêtés-cadres que s’appuyait la France pour, chaque année, le gouvernement pour, sous pression des chasseurs, réautoriser leur usage.
Ainsi, en mars 2021, La Cour de Justice de l’Union européenne avait donné raison à la Ligue de protection des oiseaux (LPO) : c’était la fin annoncée du piégeage à la glu partout en France ! Pour la Fédération nationale de la chasse, “le dossier n’était pas clos”. “Il appartient désormais au Conseil d’Etat de faire les constatations qui s’imposent”, disait-elle à l’époque. La plus haute juridiction l’a fait désormais : c’est la fin des chasses dites traditionnelles, selon la LPO.
Dans une décision rendue le 24 mai 2023, les juges avaient donc déjà ordonné au ministre de la Transition écologique, chargé de la chasse, d’abroger définitivement trois autres arrêtés-cadres de 1989 relatifs à d’autres pratiques dites traditionnelles : l’emploi des gluaux (chasse à la glu) en région PACA, la tenderie aux vanneaux et aux grives dans les Ardennes.
L’alouette des champs, autrefois oiseau des plus communs dans les campagnes françaises, a vu sa population fondre de moitié en Europe depuis 1980 et près du quart de sa population française au cours des vingt dernières années.
L’abrogation de ces derniers textes de loi marque la fin du piégeage soi-disant traditionnel des oiseaux sauvages”
Allain Bougrain-Dubourg
La chasse à la glu concerne peu de pratiquants en France, environ 6 000 pour 80 000 oiseaux – officiellement – capturés. Mais elle est ultra-symbolique. Le piégeage à la glu consiste à encoller des baguettes pour attraper des oiseaux censés rester vivants, afin de s’en servir comme appelants. Après être restés des semaines dans le noir, les oiseaux placés dans des cages accrochées aux arbres se mettent à chanter à la lumière, attirant ainsi leurs congénères qui sont tirés à bout portant. Tous les oiseaux, protégés ou non, se font ainsi piéger : ils se débattent dans la glu, avant d’être détachés par aspersion de diluants type essence F4. “A l’aide de caméras, la LPO a pu prouver que non seulement cette pratique n’est pas sélective, mais que de nombreux oiseaux, y compris protégés, sont blessés voire tués pendant ces manipulations”, ajoute la LPO.
Pour Allain Bougrain Dubourg, président de la LPO : “L’abrogation de ces derniers textes de loi marque la fin du piégeage soi-disant traditionnel des oiseaux sauvages contre lequel la LPO se bat depuis des décennies. Alors que la biodiversité s’effondre, il aura fallu attendre que la France soit mise en demeure par la Justice pour voir enfin disparaitre ces pratiques inacceptable. Que d’affrontements violents sur le terrain qui auraient pu être évités si le droit avait été respecté.”
Olivier SCHLAMA
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