Biodiversité : Chouette, on va observer des rapaces nocturnes !

Chouette Hulotte, Photo : Michel FERNANDEZ

La Nuit de la Chouette s’organise ce samedi 6 mars un peu partout en France et en Occitanie. La nuit des hululements se transforme, covid oblige, souvent en balades, ateliers, conférences qui se poursuivent parfois dans le mois de mars. Un bol d’air naturaliste qui fait du bien. Et qui montre toute la beauté du vivant.

Savez-vous que, par nuit de grande lune, la réflexion de la lumière sur les plumes blanches de la chouette effraie pétrifie ses proies ? Son vol silencieux, sa vie nocturne, sa pâleur fantomatique : tout semblait bon pour nourrir la peur ancestrale envers cet animal, pourtant inoffensif et très utile. De le haïr. Les inepties à son sujet sont effrayantes de fausseté, comme celle-là : “Qui ouvre la bouche devant une chouette effraie perdra ses dents…”

Ph. Michel Fernandez.

Pour cette 14e édition, placée sous l’égide de la LPO (Ligue de protection des oiseaux) et de la fédération des parcs naturels, la nuit se transforme en jour, voire en mois de la chouette. Mais ateliers, conférences et balades sont pris d’assaut ! Besoin de nature, d’oxygène, de parler et de voir autre chose… La chouette, ce n’est pas encore la tournée des… Grands Ducs mais ça permet de rafistoler un peu son moral déprimé. Dépêchez-vous de réserver, les bons plans sont souvent pris d’assaut ! Parallèlement, cela permet de faire un zoom sur l’une des espèces en danger. De plus en plus nombreuses : 20 % des espèces sont, depuis 2008, en danger en France et la situation se dégrade, dont le hibou et certaines chouettes. C’est le constat récent et inquiétant, du 3 mars à l’occasion de la Journée mondiale de la vie sauvage, de l’Union internationale de la conservation de la nature et le Muséum d’histoire naturelle.

Des animations pour apprendre à mieux les connaître

Vous vous posez de nombreuses questions sur les rapaces nocturnes, ces hôtes des bois aussi attachants que fragiles : comment distingue-t-on la chouette du hibou ? Qu’y a-t-il dans les mystérieuses pelotes de réjection ? Comment les protéger ? Tant mieux ! Les animateurs nature de la LPO et des organismes participants vous donnent rendez-vous tout le mois de mars au crépuscule pour vous parler de ces oiseaux discrets et fascinants. Peut-être aurez-vous également la chance de croiser le chevreuil, le renard ou le hérisson ! Vous trouverez toutes les animations dans votre département organisées par la LPO, Ligue de protection des oiseaux, sur un site dédié. En année “normale”, cette manifestation réunit au total 35 000 personnes lors de 700 animations partout en France.

Villeveyrac, Olargues, Ganges, Gruissan, Revel…

Chouette Hulotte. Photo : Emile Barbelette.

Par exemple à Villeveyrac (Hérault), une après-midi (ou soirée si les mesures sanitaires le permettent) pour en apprendre plus sur les chouettes et hiboux de notre territoire dans le parc pédagogique du centre Régional de sauvegarde de la faune sauvage de Villeveyrac (Hérault). Avec inscription obligatoire (06 81 37 81 63) ; il y a dans la région des dizaines d’animations de Olargues à Ganges, de l’Hérault à l’Aude. Dans ce dernier département, on peut découvrir à Gruissan le monde des rapaces nocturnes grâce à l’exposition Plumes de nuit. Et en participant à l’atelier pelotes de réjection, le régime alimentaire de ces oiseaux n’aura plus de secret pour vous ! L’atelier (07 68 80 09 12) affiche déjà complet mais avec un peu de chance…

“Les gens cherchent un maximum d’activités nature”

Animatrice de la LPO dans l’Aude, Céline Luciano remarque “un engouement, notamment depuis les confinements. Les gens veulent sortir et cherchent un maximum d’activités nature.” S’agissant des rapaces nocturnes, elle ajoute que “les mentalités évoluent favorablement. Jadis, il n’était pas rare de voir crucifiée sur une porte d’entrée.” Aujourd’hui, finies le superstitions. “Nous posons de plus en plus nichoirs jusque dans le Tarn”, dit-elle. Pour ces rapaces qui mangent quasi-exclusivement de petits rongeurs. “Ce sont les alliés des agriculteurs. Ces chouettes permettent aussi de moins faire appels aux dangereux pesticides…”

“Sur la Clape, on trouve l’une des plus grandes concentrations de Grands Ducs d’Europe”

Chouette chevêche. Photo : Descamps R.

Et puis si les ateliers à jauge réduite sont pleins, renseignez-vous auprès de la LPO. Dans le massif de la Clape, près de Narbonne, on peut jouer à l’aventurier naturaliste. “Sur la Clape, on trouve l’une des plus grandes concentrations de Grands Ducs d’Europe”, confie Céline Luciano. Les couples se sont formés en début d’année. Les petits sont en train de casser leur coquille  et communiquent avec leur parents. Leur hululement profond est caractéristique !

A Revel (Haute-Garonne), autre exemple, vos enfants créeront le 17 mars un nichoir au jardin d’Amandine et découvriront le mode de vie de Chouette chevêche. Activité dans un jardin en permaculture dédié à la préservation de la biodiversité. Le 20 mars à Saint-Chapte (Gard), avec l’association du CoGard, découvertes et observations de rapaces nocturnes du territoire. En 25 ans d’existence (elle est bisannuelle), cette Nuit de la chouette a pris ses marques. C’est l’un des marqueurs de la défense de la biodiversité.

Les menaces ont de multiples raisons

Dans l’antiquité, les Grecs avaient associé la chouette chevêche à Athéna, la déesse de la sagesse. A l’opposé, pendant longtemps, on a considéré certaines chouettes, telle que l’effraie des clochers, comme des présages de malheur ou de mort et on les a persécutées. Les mentalités évoluent à la suite de campagnes d’information lancées par les associations de protection de la nature. Actuellement tous ces oiseaux sont intégralement protégés par la loi française.

Effraie des clochers. Photo : Michel Fernandez.

Chouette Chevêche d’Athéna, effraie des clochers, chouette Hulotte… Les rapaces nocturnes sont tous plus ou moins menacés. Les causes sont multiples à commencer par la destruction  de leurs milieux de vie (abattage des arbres creux, transformation des prairies en cultures, suppression des haies et des arbres isolés, assèchement des marais) ; l’utilisation des produits phytosanitaires contre les insectes et les micromammifères : les rapaces nocturnes meurent d’empoisonnement, dû à l’absorption des pesticides contenus dans leurs proies ; le trafic routier (chocs contre les véhicules) ; l’engrillagement des clochers ou de certains bâtiments qui prive les rapaces nocturnes de site de reproduction ; d’électrocutions avec les lignes électriques ; braconnage, etc.

Les préjugés défavorables ont des racines profondes. La peur du noir. La nuit on voit mal donc il peut y avoir un danger potentiel…”

Pierre Maigre, président de la LPO Occitanie

Interrogé sur ce sujet, Pierre Maigre, président de la LPO Hérault et désormais de la LPO Occitanie (4 700 membres, 30 salariés), cette manifestation permet de “sensibiliser le grand public dans la connaissance des chouettes et des rapaces nocturnes. Les préjugés défavorables ont des racines profondes. La peur du noir. La nuit on voit mal donc il peut y avoir un danger potentiel. En général tout ce qui sort de la nuit a mauvaise réputation…”

Chevêche d’Athéna. Photo : Michel Fernandez.

Et puis, les caractéristiques physiques d’une chouette effraie, par exemple, qui vit dans les églises et les cimetières entre autres, ajoute au tableau : “Elle est toute blanche et son vol est totalement silencieux dû à la structure de son plumage en petite soie.” Un mystère de plus ! “Une silhouette blanche qui fend la nuit ajouté aux chuintements et autres grincements de ce rapace qui ne hulule pas… Un jour, comme cela, j’avais été appelé pour un “mystère” avec des bruits bizarres dans l’église de Loupian…”

Foin de fantôme, c’étaient des chouettes dans le clocher. Aujourd’hui, on ne craint plus cet animal qui, de plus, est utile, se nourrissant à 70 % de petits rongeurs. Mais ces rapaces nocturnes tendent à disparaître : “Dans les années 1980, on comptait sept couples de chouettes à Villeveyrac ; il n’en reste qu’un… En revanche, la population de Grands ducs, elle, progresse. C’est un super prédateur qui investit désormais villes et villages : il y en a même un à Sète de 1,70 mètres d’envergure !” Il reste encore à faire toute la lumière sur les oiseaux de nuit. “Une raison d’aimer les rapaces nocturnes ? S’émerveiller devant la beauté du vivant, même si parfois ces animaux ne correspondent pas aux canons classiques de la beauté…”