Au-delà de Montpellier, qui vient d’inaugurer un “havre de paix”, au bord du Lez, la loutre est désormais présente dans toute l’Occitanie. C’est une bonne chose aussi pour la biodiversité : l’espèce est dite “parapluie” dont les exigences environnementales profitent à d’autres espèces. Le point avec deux spécialistes.
Le chabot, poisson vernaculaire du Lez, fleuve montpelliérain s’il en est, n’est plus tout seul ! La loutre d’Europe peut désormais y vivre tranquillement et s’y reproduire : c’est tout l’enjeu. Seulement deux ou trois individus dont on suspecte l’existence le long de ce fleuve côtier. Or, ces animaux ne vivent que cinq années et ne se reproduisent, dans ce laps de temps, qu’une ou deux fois au cours de leur vie, tous les deux ou trois ans. Avec des portées de un à trois loutrons maximum. Et seulement la moitié survivent jusqu’à l’âge adulte.
Montpellier : un havre de paix inauguré au bord du Lez

En tout cas, cette bonne nouvelle d’un animal sauvage qui a failli disparaître corps et bien de nos contrées a été suffisante pour déplacer le pluriel à Montpellier – et les élus – et inaugurer en grande pompes un “havre de paix” ! Un nom-label qui n’a rien d’un caprice. Cela correspond bien aux milieux où cette espèce semi-aquatique, plutôt farouche, se plaît : avec d’anciens terriers, proches de l’eau, de blaireaux ou de renards ; des “catiches”, que la loutre va aménager à sa façon. L’animal s’adapte d’ailleurs bien même quand le cours d’eau est passablement pollué.
L’Hérault, territoire de recolonisation
Il y a, au doigt mouillé, plusieurs milliers de loutres en France dont sans doute plusieurs centaines en Occitanie où elles sont présentes dans tous les départements. Il n’existe aucun comptage et suivi précis contrairement aux ours. “Il existe quelque 300 “havres de paix” pour la loutre en France ; cela peut être mis en place par des propriétaires de terrains, au bord d’une rivière, des associations ou des collectivités pour qu’ils protègent les habitats de cette espèce présente dans une large partie du territoire mais pas partout. L’Hérault, par exemple, fait partie des territoires de recolonisation. Petit à petit, la loutre se dirige vers la Provence”, confie Cécile Kauffmann.
Jadis chassée pour sa fourrure la loutre est protégée

L’animatrice du plan national d’actions en faveur de la loutre d’Europe à la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM) précise que cet animal, jadis chassé pour sa fourrure, fait l’objet d’une protection sévère depuis 1981.
Coordonné par la Dreal Nouvelle-Aquitaine, ce plan d’action, le second du genre, qui court jusqu’en 2028, a énoncé sept priorités. Du suivi de la mortalité à sensibilisation des acteurs socio-professionnels sur la préservation des milieux, aménagements sous les ponts pour éviter que les loutres ne écrasées par des voitures quand elles traversent une route. Il y a même une Journée mondiale de la loutre !
“Protéger la loutre et son habitat protège l’ensemble des espèces qui vivent dans le même écosystème”
Que la population de loutres soit en meilleure santé, c’est une bonne chose, ça l’est surtout qu’en cela elle participe aussi de la bonne santé de la biodiversité. “C’est une espèce “parapluie” comme on dit, qui a davantage d’exigences écologiques que d’autres espèces de son milieu : “Elle permet de protéger tout un tas d’espèces : poissons, crustacés et amphibiens. C’est aussi un carnivore opportuniste capable d’aller chercher un oisillon dans un nid ; petits rongeurs… Protéger la loutre et son habitat protège l’ensemble des espèces qui vivent dans le même écosystème. Petits mammifères comme la martre, visons… Tous les amphibiens, aussi. Et les espèces qui vivent dans les cours d’eau, poissons compris”, disent Cécile Kauffmann et Camille Fraissard, chargée, elle, de mission pour la LPO qui suit de près cette espèce dans notre région.
Deux souches : Massif Central et Nouvelle-Aquitaine

La loutre a commencé à réinvestir l’Occitanie en arrivant par le Massif Central (elles sont présentes dans l’Hérault, le Gard, la Lozère) et la Nouvelle-Aquitaine, chacune des deux régions étant à l’origine de l’une des deux souches présentes sur le territoire national. “La loutre est bien présente dans les P.-O. mais moins détectée dans l’Aude, le Gers, Haute-Garonne et Tarn-et-Garonne, Hautes-Pyrénées. Président de la section conchylicole de Méditerranée, Patrice Lafont ajoute que “la loutre est présente dans la réserve du Bagnas, à deux pas de l’étang de Thau, et en Grande Camargue. Ce qui a contribué à son retour depuis le Massif Central, c’est la colonisation exponentielle de plusieurs espèces d’écrevisses non autochtones dans nos rivières qui fournissent une ressource abondante en protéines et très accessible avec peu d’efforts pour la capture contrairement à d’autres proies comme les poissons”.
Havre de Paix pour la Loutre, c’est créer chez soi des milieux favorables à la présence de l’espèce
Être Havre de Paix pour la Loutre, c’est avant tout préserver et créer chez soi des milieux favorables à la présence de l’espèce. “La Loutre d’Europe est à la recherche de milieux lui offrant suffisamment de ressources alimentaires (poissons, batraciens, invertébrés aquatiques) et de refuges potentiels, d’espaces de tranquillité (cachettes, lieu où élever les loutrons). Il s’agit d’une espèce territoriale et individualiste, qui plus est en plein mouvement de recolonisation. Les individus sont donc constamment en quête de nouveaux territoires”. Et surtout elle n’aime pas être dérangée. Les sports de pleine nature comme le kayak ne sont pas recommandées à proximité de loutres qui les dérangent beaucoup.
La loutre accumule les polluants…

La loutre utilise plusieurs dizaines de gîtes différents tout au long de l’année. Son domaine vital s’étend de 5 km à 40 km de cours d’eau. Elle est en période de reconquête de territoires. La raison de sa quasi-disparition jadis ? “La chasse : elle était chassée, jadis, pour sa fourrure.”
Autres facteurs de mortalité : la dégradation son habitat et la rencontre avec des voitures quand la loutre traverse une route pour rejoindre une autre rive d’un cours d’eau. C’est pour cela qu’il existe des dispositifs adaptés : comme les écuroducs pour les écureuils, il y a les loutroducs – une berge artificielle par exemple – pour les loutres ! “Sinon, la loutre s’adapte bien à des cours d’eau relativement pollués même si au final elle accumule, comme les orques et baleines en mer, les polluants. Elle va les bio-accumuler dans son tissu graisseux. Ce qui a des répercussions sur sa santé et sa fertilité”, ajoute Camille Fraissard, de la LPO.
Olivier SCHLAMA
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