Vous avez un projet citoyen à financer ? La région Occitanie a créé de puissants budgets participatifs pour y répondre. Avec trois thèmes : la montagne, la citoyenneté, le climat, la mer et le littoral. D’autres thèmes sont prévus : solidarité, la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, l’alimentation et même la mer. Mode d’emploi.
Proposer des budgets participatifs, c’est une démarche inédite de la part d’une région française.” Laurène Streiff est directrice déléguée coordination de l’innovation et à l’innovation citoyenne au conseil régional d’Occitanie. “Nous déclinons depuis deux ans un outil qui existe par ailleurs depuis 2004 au niveau de certaines communes françaises et utilisé par certains départements. Le principe est simple de la part de l’institution : celle-ci constitue une enveloppe de X milliers ou de X millions d’euros et demande aux citoyens ce qu’ils aimeraient financer comme réalisations avec ces sommes.” Dans les communes qui s’y sont déjà lancées, il s’agit de participer au financement d’un aménagement de quartier, un nouveau skate-parc, une rénovation, etc.
L’idée pour la région c’est de pouvoir investir sur des projets intéressants qui ne rentrent pas dans d’autres dispositifs d’intervention.”
Laurène Streiff
Ce dispositif a débuté avec une expérience quasi-confidentielle : “Depuis 2017, les lycées peuvent, en plus de leur budget, faire appel à un budget participatif lui aussi abondé par la Région Occitanie. Cinquante d’entre-eux ont été retenus pour en bénéficier”, confie Laurène Streiff. Ce dispositif rend la Région plus tangible en permettant la concrétisation de projets dans les territoires. La région ce n’est pas que des grands schémas pour spécialistes. “L’idée pour la région c’est de pouvoir investir sur des projets intéressants qui ne rentrent pas dans d’autres dispositifs d’intervention.”
Pour ce qui concerne le conseil régional d’Occitanie, tout commence, avant ce test grandeur nature, par “une ambition citoyenne” exprimée depuis 2016 et la fusion des deux ex-régions par une charte votée en mars 2018 qui “décline tout un tas d’outils mis à la disposition des citoyens afin qu’ils puissent mieux se saisir de leur citoyenneté. Qu’ils puissent plus facilement s’engager dans les territoires, pour faire avancer leur ville, leur département, leur région. L’un de ces outils, ce sont les budgets participatifs”.
La Région réserve 30 millions d’euros d’ici 2021
La création d’un site internet dédié : laregioncitoyenne.fr. Les citoyens y déposent leurs dossiers que l’on instruit, notamment au niveau réglementaire. Ensuite, les projets sont soumis au vote d’un tout-un-chacun sur ce site. Ceux qui obtiennent le plus de suffrages sont retenus prioritairement. Les budgets participatifs de la Région Occitanie seront dotés d’ici 2021 de 30 millions d’euros, soit 1 % du budget de la collectivité, sont réservés à des projets citoyens qui améliorent le quotidien. Cet objectif de 30 millions d’euros a été fixé par les élus régionaux.
Trois thématiques ont été retenues : les aides aux investissements de projets en zone de montagne. “Nous y avons consacré 900 000 euros en 2019 et autant y seront consacrés en 2020 et ainsi de suite jusqu’en 2022.” Deuxième thème baptisé Ma solution pour le climat qui se termine, cette année, ce 2 mars 2020, dispose de six millions d’euros sur trois ans. Ce n’est pas roupie de sansonnet ! Enfin, le troisième thème, baptisé l’Occitanie ouverte sur le monde, aborde la citoyenneté mondiale et dispose d’une enveloppe de 56 000 euros.
Pas sûr de mobiliser au début
“Il y a une vraie adhésion des porteurs de projets et des citoyens à cette démarche. Alertés par mail, les gens peuvent même suivre les projets. Cela crée une dynamique. Au tout début, en interne, cette idée a rendu tout le monde un peu frileux. Ce n’est effectivement pas simple de mettre cette idée novatrice en musique. D’organiser tout cela. On n’était pas sûr non plus de mobiliser. Ni de capter les gens qui ne viennent pas d’habitude sur des dispositifs régionaux pour qu’ils déposent des dossiers. Ni d’inciter au vote citoyen alors que jusqu’à maintenant c’était un petit comité d’experts avec des personnalités qui décidait quand il y avait lieu de la suite à donner. Ça bouscule de fait les habitudes. D’autant que l’on a fait en sorte de ne pas cannibaliser ce dispositif avec un projet qui pourrait être aidé et subventionné dans le cadre du droit commun. Si c’est le cas, on le sort donc des budgets participatifs. En fait, ce nouveau dispositif aide et révèle des besoins nouveaux.”
Le budget alloué à chaque thème ne peut pas forcément aider à financer tous les projets puisque il les finance dans l’ordre de ceux qui ont eu le plus de votes et qu’au bout d’une dizaine, par exemple, le budget peut être épuisé. “Il peut y avoir des déçus par ce système de vote citoyen qui n’ont pas forcément les mêmes critères de choix qu’un comité d’experts. C’est une démarche novatrice à laquelle les gens ne sont pas habitués”, convient Laurène Streiff.
400 projets pour le climat et déjà plus de 15 000 votants
Jugez-en : pas moins de 119 projets ont été déposés pour l’Occitanie ouverte sur le monde avec 3 600 votants ; 152 projets ont été déposés pour le thème “montagnard” qui a réuni 8 000 votants en un mois (une deuxième phase ouvre en avril). Ma solution pour le climat, en phase avec les préoccupations des Français, a vu quelque 400 projets être déposés soutenus par plus de 21 000 votes et déjà plus de 15 000 votants (on peut voter pour plusieurs projets) ! “Si on compare avec d’autre plates-formes, de communes ou des départements, par exemple, même si on le rapporte aux 5,6 millions d’habitants en Occitanie, c’est très fort.”
Cette démarche oblige les candidats, équitablement répartis sur le territoire, à se challenger : à bien décrire leur projet pour être bien compris. Et à répondre à des critiques”
Laurène Streiff revient sur l’originalité de la démarche. “Elle oblige les candidats, qui sont équitablement répartis sur le territoire régional, à se challenger : à bien décrire leur projet pour être bien compris. Et parfois à répondre à des critiques. Au final, un commentaire difficile peut s’avérer positif car les porteurs de projets apprennent ainsi à mieux argumenter. À être moins technique, plus pédagogue. Nous avons aussi mis en place une possibilité de recherche de projet par département – on est évidemment davantage intéressés par ce qui existe près de soi- pour ajouter à la dynamique générale “, précise Laurène Streiff pour laquelle “ces budgets participatifs marchent fort. D’ailleurs, d’autres régions nous demandent notre méthode et notre retour sur expérience : le Centre Val-de-Loire, la Bourgogne-Franche Comté (qui a préféré lancer un festival des solutions écologiques citoyennes). On a été contactés il y a peu de temps par la région l’Ile-de-France qui souhaite créer un budget participatif dès cette année”.
À noter qu’il n’est pas interdit de croiser les financements participatifs avec le soutien financier des départements du Gers, de l’Aude et de l’Hérault, par exemple, sans parler de certaines villes qui s’y sont lancées, “Le cofinancement est tout à fait autorisé du côté de la Région. Il faut regarder le règlement des autres collectivités sollicitées”
Solidarité, lutte contre l’antisémitisme et le racisme, alimentation, mer, mobilités vertes…
Ce n’est pas tout : “On va retrouver nos trois premiers thèmes en 2020 et 2021 comme des rendez-vous réguliers. Pour 2021, nous allons aussi ouvrir des thématiques en plus des thèmes existants. Avec d’autres thèmes : sur la solidarité, la lutte contre l’antisémitisme et le racisme et l’alimentation. De la même manière que nous avons ouvert un budget participatif sur la montagne, il y en aura un sur la mer. Car on attendait, dans le cadre du budget climat des projets autour de la préservation des littoraux, des déchets en mer… Cela n’a pas été le cas. Avec ce budget spécifique “mer”, on pourra faire un lien avec le Parlement de la mer et le forum citoyen du Parlement de la mer. Nous aurons aussi un budget participatif sur les mobilités vertes. On ne sait pas encore si on le couplera avec le budget climat…”
Olivier SCHLAMA