Nature / Pyrénées : Entre l’ours et les éleveurs, une impossible cohabitation ?

Un ours brun européen. Ils seraient 76 dans les Pyrénées... Photo ALEXAS6FOTOS de pixabay

“L’élevage et le pastoralisme qui sont intimement liés dans les Pyrénées, sont fortement remis en cause par la présence des ours. Cette année, les constats de dommages sont à nouveau à la hausse : +21% entre juillet 2022 (123 dossiers) et juillet 2023 (150 dossier), selon les données de l’Office Français de la biodiversité (OFB)” affirme la Fédération Nationale Ovine.

Le bilan de la prédation ursine est multiple et difficilement mesurable. En Ariège, où 90% des ours pyrénéens vivent, “les pertes reconnues chaque année sont estimées entre 900 et 1000 brebis, analyse la Fédération Ovine (1), qui poursuit :

“A cela s’ajoutent autant de bêtes disparues dont les bergers et les éleveurs ne retrouvent jamais les cadavres du fait du relief. Les pertes indirectes dues au stress des brebis, aux avortements, ainsi que les maux non quantifiables que sont le mal-être, le stress, le traumatisme subis par les éleveurs et les brebis viennent accroitre le bilan des dégâts causés par les ours.”

Image d’illustration, pastoralisme en montagne. Photo DR

L’Office français de la biodiversité évaluait la population à 76 ours sur l’ensemble du massif, à la sortie de l’hibernation 2022. Cette jeune population, composée de 35 mâles, 39 femelles et de 2 ours au sexe non déterminé, se répartit sur une aire de 5.700km2. La FNO estime cependant que “ce comptage réalisé à partir d’indices
de présence sur le terrain sous évalue de 10 % à 15 % l’effectif total. Une centaine d’ours peuplerait les Pyrénées.”

“Le pastoralisme est en danger !”

Pour les éleveurs, “la pastoralisme est en danger ! (…) les réintroductions des ours ont remis en cause les activités pastorales pyrénéennes et leur présence s’attaque aux fondements même de cette activité séculaire.”

Et de souligner que “le pastoralisme est une activité économique aux nombreux atouts environnementaux : systèmes extensifs d’élevage qui permettent de valoriser des terres non labourables (sans engrais, sans traitement phytosanitaire) et d’entretenir les paysages (lutte contre les incendies, réduction des risques d’avalanche et d’érosion), tout en stockant le carbone dans les prairies…”

Dossier “Menace sur les Pyrénées” de la FNO : https://www.leseleveursfaceauxpredateurs.fr/wp-content/uploads/2023/07/Dossier-FNO-2023_Ours.pdf

Le souhait exprimé par La Fédération Nationale Ovine le 26 juillet dernier est clair : “Afin de vivre plus sereinement et de faire perdurer leurs activités, les éleveurs exigent que l’Etat décuple les moyens humains et matériels affectés à l’effarouchement des ours (lire plus bas, NDLR). Il n’est pas tolérable pour les éleveurs, les bergers et leurs troupeaux risquent leur vie sans autre moyen d’actions que les flashs lumineux et les pétards utilisés par l’OFB, en Ariège, au cours de ces derniers jours.”

Pastoralisme, image d’illustration. Photo DR

Mortalité du cheptel, “on ne parle que de l’ours”

Du côté de l’association Pays de l’Ours – Adet, on ne l’entend pas vraiment de cette oreille : “S’il est un sujet tabou dans le milieu agricole, c’est bien la mortalité parmi le cheptel domestique (…) Ainsi donc, on n’en parle pas … sauf quand il s’agit de l’ours ! Au point que l’on pourrait croire qu’il est la principale, voire la seule cause de mortalité. On dit même qu’il menace le pastoralisme dans les Pyrénées…”

L’association évalue à “25.000 à 30.000 les brebis mortes collectées annuellement par l’équarrisseur” et rappelle qu’elles “s’ajoutent bien aux animaux morts en estive qui ne sont pas collectés mais “laissés aux vautours.” Et considère donc que “l’estimation de 50.000 brebis mourant chaque année dans les départements pyrénéens est donc crédible et fiable. Les causes sont diverses : maladies, parasites, accidents, foudre, prédation…”

Voir le dossier “mortalité des brebis dans les Pyrénées” sur le site Pays de l’Ours :  https://paysdelours.com/fr/la-mortalite-des-brebis-dans-les-pyrenees-et-lincidence-de-lours-brun/

Selon des chiffres qui remontent avant la hausse constatée par les éleveurs, Pays-de l’Ours – Adet jugeait ainsi que “y compris en intégrant les pics individuels, le nombre de bêtes tuées par l’ours est toujours resté en deçà de 350 par an, soit moins de 1% des pertes globales.”

La situation demeure complexe et aucune initiative n’a jusqu’ici permis de faire naître la lueur d’une solution qui pourrait satisfaire tous les partis. Eleveurs, défenseurs de l’ours et… l’ours, lui même !

Philippe MOURET

(1) La Fédération Nationale Ovine est chargée d’assurer la représentation des éleveurs de brebis et de défendre leurs intérêts professionnels. Elle s’appuie et fédère les syndicats ovins départementaux. La FNO est un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics aussi bien au niveau français qu’au niveau européen. Son action concerne le suivi de la politique européenne vis-à-vis de la production ovine et de son application en France dans les domaines tels que : la politique agricole commune, la politique agri-environnementale, l’économie, la génétique, les règles sanitaires et d’identification.

L’effarouchement, “un début de solution” selon la FNO

L’arrêté sur les mesures d’effarouchement “est primordial pour les usagers de la montagne” affirme la Fédération nationale Ovine qui estime que “l’effarouchement est, aujourd’hui, la seule expérimentation intéressante en vue de contrôler les dégâts de l’ours.”

Toutefois, cette mesure initiée en 2019 par les pouvoirs publics est régulièrement mise à mal par la justice administrative… Le 31 octobre 2022, le Conseil d’Etat invalidait l’arrêté d’effarouchement pris pour la saison d’estive 2021. Début Août 2022, en Ariège, les arrêtés préfectoraux autorisant l’effarouchement ont à nouveau été suspendus par le tribunal administratif.

La FNO souligne que “les associations favorables à la réintroduction de l’ours s’opposent systématiquement à cette mesure de protection en suspendant l’arrêté juridiquement. Fin mars 2023, le Ministère de la transition écologique a ouvert une consultation publique sur le projet d’arrêté. En l’absence totale de communication institutionnelle, l’information n’a tourné que dans les cercles militants intéressés par ce dossier, essentiellement pro-ours.”

Début avril 2023, la Fédération nationale ovine et le Syndicat ovin d’Ariège s’insurgeaient que l’arrêté sur les mesures d’effarouchement ne soit pas encore pris. Et d’affirmer : “Il ne faut pas que l’arrêté soit efficient au cours de l’été comme en 2022, mais bien avant la montée en estive. Les attaques des ours sur les humains ne sont pas un fantasme, mais une réalité. En avril 2023, un jeune randonneur de 26 ans a succombé aux griffes de l’ours dans les Alpes italiennes…”

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