Nage, ramassage de déchets, terroir… : “Nous voulons mettre en valeur l’étang de Thau…”

Une première. À l’initiative d’un prof d’EPS, Thierry Oger, d’un champion de nage libre, Bertrand Venturi, et d’un pompier, Laurent Gayraud, l’association Swim4Sea organise une semaine de nage et de ramassage de déchets. L’événement, à échelle réduite cette année, a vocation a prendre de l’ampleur et à s’enrichir. Le député François-Michel Lambert propose que l’on équipe nos machines à laver de filtres pour retenir les fibres synthétiques, un fléau.

L’idée s’imposait à eux comme une ritournelle entêtante. “J’aime bien les traversées, les défis ; je ne suis pas un nageur disons de performance mais de découverte. J’aime regarder les poissons avec mon masque et tuba et je n’aime pas forcément constater qu’il y a tout un tas de cochonneries au fond de l’eau ou en surface ; des plastiques et même des filets de pêche à la dérive. Et même au-delà de l’étang, de vieilles batteries de voitures qui servent de corps morts dans les canaux, sans parler de la couleur parfois bizarre de l’eau…”

Course à la nage en quatre étapes

Il y a un an, Thierry Oger, prof d’EPS à Frontignan, après s’être entrainé dur avec Laurent Gayraud, plongeur aux pompiers de Sète et lui-même sportif émérite, joint les deux bords de l’étang de Thau, à la nage. D’autres l’ont fait avant lui, bien sûr. Mais l’expérience lui est quelque peu initiatique. C’est de là qu’est née l’idée de Swim4Sea. “Nous avons créé une association dont le but est de mettre en valeur l’étang de Thau”, résume-t-il. Pour commencer à travers une course à la nage en quatre étapes. Marseillan-Mèze ce jeudi (9 km), puis Mèze-Bouzigues vendredi (5 km), Bouzigues-Balaruc-les-Bains (5 km) samedi, et enfin le dimanche Balaruc-Sète (3 km), ouverte à tous.

“Cet événement a un triple objectif : sportif, social et de mise en valeur du terroir”

Bertrand Venturi

À l’image des surfeurs, les nageurs se sentent concernés au premier chef par la dégradation du milieu. Une prise de conscience qu’ils veulent faire partager le plus largement. “Cet événement a un triple objectif : sportif, social et de mise en valeur du terroir”, observe le Sétois Bertrand Venturi, l’un des plus grands nageurs d’eaux vives dont Dis-Leur avait réalisé le portrait ICI. Il est totalement partie prenante du projet. “Vu la crise sanitaire, seulement 20 nageurs pourront participer jusqu’au samedi. Nous l’avons baptisée #editionzéro. C’est une sorte de répétition générale pour les années à venir”, précise Bertrand Venturi.

Une première dans la région

À l’avenir, les organisateurs espèrent que la Swim Thau Trek fera florès et sera intégrée au calendrier des courses nationales, voire pourquoi pas un jour internationales en eau vive. “C’est une première dans notre région”, précise encore Bertrand Venturi. “La seule épreuve existante de ce type n’existe qu’au Maroc, La Maroca Swim Trek.” Son ami Laurent Gayraud qui y a justement participé amène son expérience.

L’étang de Thau et ses 7 500 hectares d’eau, de faune et de flore protégées et sa production conchylicole (10 % du marché français) s’offrent souvent juste à la contemplation. Jusque-là deux philosophies se regardaient en chiens de faïence : pêche et conchyliculture d’un côté et les loisirs autorisés, très limités, de l’autre. Une troisième voie, citoyenne, est en train d’émerger, qui exclut toute idée un jour de dérive façon marina pour ultra-riches et toute sanctuarisation mortifère. Elle est faite de plaisirs sportifs et de gestes éco-citoyens et va même plus loin.

“Ce serait bien que l’on fasse intervenir les scolaires…”

À côté de cette épreuve, ses fondateurs veulent sensibiliser les populations de l’étang de Thau à la pollution sous toutes ses formes. C’est pour cela que lors de cette semaine s’organisent des opérations de nettoyage, comme dimanche dernier à Marseillan. “Ce serait bien que l’on fasse à l’avenir intervenir les scolaires. Ils pourraient travailler sur des thèmes comme le cycle de l’eau, les ordures, etc. Au moins une classe par ville pourrait elle-même bosser sur un projet écolo qui serait restitué, chaque année, au moment de cette semaine de l’Ascension…”

Pour faire vivre cette belle idée “utopique” que “nous espérons organiser chaque année”, souligne Thierry Oger, “nous nous sommes rapprochés d’associations de défense de l’environnement comme celle de l’acteur Clément Rémiens, Sétamer [dont Dis-Leur vous a déjà parlé : à lire ICI].

“De grands banquets ; il y aurait aussi des producteurs du coin qui vendraient leurs produits…”

L’idée c’est de faire collectif. Parfois, dans son coin, on ramasse quelques déchets sur le sable mais on se décourage vite devant l’ampleur de la tâche. On peut donc rejoindre facilement ces associations locales et être vraiment utiles. Cela crée une synergie sur le territoire. Nous aimerions également associer les communes comme c’est le cas dans le Tour de France à vélo.” L’idée sous-jacente c’est aussi d’organiser en marge de ces épreuves de nage en eau libre et de ramassage de déchets, “de grands banquets ; il y aurait aussi des producteurs du coin qui vendraient leurs produits…” C’est ce que l’on appelle créer du lien social.

Président de la ligue d’Occitanie de triathlon et référent national de swimrun, Thibault Lallemand dit : “Oui, il y a de plus en plus d’actions citoyennes de ce type mêlant le sport et des événements de ramassage mais peu voire pas du tout avec un volet compétition sur plusieurs jours. La prise de conscience est globale. Elle touche d’abord les pratiquants qui sont les premiers touchés et les premiers observateurs de cette pollution au quotidien…”

Olivier SCHLAMA

“De grâce, ne lavez pas votre jean’s au bout de trois jours !”

Député des Bouches-du-Rhône, François-Michel Lambert alerte sur les méfaits des micro-plastiques issus notamment de l’industrie textile.

Pour le très actif député des Bouches-du-Rhône, ex-EELV, jadis soutenu par Larem, François-Michel Lambert, qui s’installera bientôt en Occitanie, dans le Gers, “une action globale comme celle de l’association comme la Swim4Sea est une belle chose”. Mais celui qui est l’auteur d’un rapport remarqué sur la question des plastiques, attire l’attention ne ne pas hyper-culpabiliser la population sur ce sujet. Et sur le fait qu’il ne faut pas se tromper de combat.

Méditerranée : 7 % de la pollution mondiale

François-Michel Lambert est président de Lef (Liberté, écologie, fraternité). Il dit : “La sensibilisation c’est très bien. Mais le sujet qui obère l’avenir des 500 millions d’habitants autour de cette mer fermée qu’est la Méditerranée qui concentre 7 % de la pollution mondiale est ailleurs. Certes, elles est envahie de plastiques et de macro déchets” mais la vraie crise, selon lui, concerne les micro-plastiques.

“Aucune stratégie…”

“À la limite, provoque-t-il, les bouteilles d’eau qui reposent au fond à 4 000 mètres, dans un million d’année, elles deviendront du pétrole… Pas les micro-plastique en surface qui se retrouvent au final dans nos assiettes, via les poissons qui les engloutissent avant que nous les mangions. Or, la France n’a aucune stratégie sur ce sujet.” Cet ancien étudiant montpelliérain ajoute qu’il faut traiter ce véritable problème d’urgence. Comment ? en appliquant l’amendement dont il est l’auteur et qui est inclus dans la loi antigaspillage pour une économie circulaire, débattue en décembre 2019. Il avait proposé son application en 2023. Ce sera au mieux en 2025…

Des milliers de particules relarguées à chaque lavage…

Il dit : “Il y a eu une étude sur les grands lacs américains : eh bien 100 % des poissons étaient contaminés au plastique. Pas un n’y avait échappé. Le problème vient principalement de l’industrie textile qui recourt de plus en plus à des fibres synthétiques. À chaque lavage de votre machine à laver, vous relarguez sans le savoir des milliers de ces particules qui se retrouvent ensuite dans les mers et les océans, via les égouts.”

À l’Assemblée nationale, j’ai proposé que l’on équipe le plus vite possible les machines à laver neuves de filtres efficaces pour recueillir ces fibres synthétiques qui peuvent avoir une durée de vie d’un siècle et que les stations d’épuration en soient équipées également. Ma proposition a été repoussée jusqu’en 2025 pour les machines à laver…” Et rien n’est arrêté pour les stations d’épuration ni pour le parc existant de machines à laver qui mettra bien dix ans à se renouveler. “Alors, de grâce, ne lavez pas votre jean’s au bout de trois jours… !”

O.SC.

👉 A Lire le rapport du député Lambert.Rapport Stop aux Pollutions Plastiques FML 4 mars 2019

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