En France, les élections européennes du 26 mai prochain prennent de plus en plus la tournure d’un duel entre La République en Marche (LaREM) et le Rassemblement national (RN). Et si les listes sont menées par des novices, Nathalie Loiseau (laREM) et jordan Bardella (RN), c’est bien au plus haut niveau que se concentre le duel entre les deux listes favorites…
Samedi, au restaurant La Marine du Cap d’Agde, Marine Le Pen était ainsi aux côtés de Jordan Bardella pour une rencontre avec la presse régionale. Si le jeune (23 ans) Jordan Bardella a parfaitement récité le programme européen du RN, c’est Marine Le Pen qui s’est chargée de porter le fer contre l’ennemi numéro 1 : Emmanuel Macron.
Le pari risqué d’Émmanuel Macron
“Il (Macron, NDLR) a trahi l’esprit de la Ve République en descendant dans l’arène. Il s’est comporté en chef de clan, en chef de parti. C’est une véritable déclaration de guerre envers tous les Français qui ne partagent pas ses idées, alors qu’il est aussi leur Président. C’est le syndrome de l’enfant-roi qui ne supporte pas la contradiction. Dans une République, il y a des règles et il les a transgressées” souligne Marine Le Pen.
Emmanuel Macron s’est lancé dans l’arène à l’occasion d’un sommet européen en Roumanie, cette semaine. S’affirmant “prêt à tout” pour empêcher le Rassemblement national d’arriver en tête le 26 mai. Le chef de l’Etat a ainsi ouvert la boîte de Pandore, lançant en quelque sorte le deuxième round de la présidentielle de 2017.
Un pari risqué, au moment où le RN est au coude-à-coude avec LaREM dans les sondages. Et le chantre de la modernité en politique de relancer ainsi une nouvelle forme de ce bipartisme que la politique 2.0 était censée faire oublier aux électeurs. En focalisant ainsi le débat autour d’un mano a mano, il s’agit sans doute de faire jouer une nouvelle fois le rejet du RN (ex-FN) en oubliant les autres formations politiques.
Le “localisme” nouvelle doctrine au RN
Mais les temps changent. Et Marine Le Pen a ainsi beau jeu d’insister sur cet engagement présidentiel : “Pour stopper Macron, il faut voter pour nous. S’il arrive en tête il déploiera sa politique de réformes-rabot pour notre système social (…) En quittant son rôle d’arbitre, il a changé les règles. Il doit avoir la dignité d’en tirer les conséquences. Comme l’a fait le Général De Gaulle avant lui. S’il perd ces élections, il doit partir…” Le message est clair. Bien sur Macron ne partira pas. Mais il a ouvert grande la porte à Marine Le Pen pour les prochaines échéances électorales.
Avant le “combat des chefs”, Jordan Bardella avait longuement exposé les grandes lignes du projet européen du RN, pour “Une Europe des Nations”. Il n’est plus ici question de sortir de l’UE, ni d’abandonner l’euro. Avec un concept phare : “Face au globalisme, nous prônons le localisme” notamment dans les cantines scolaires, a insisté Jordan Bardella qui affirme que “75% du beurre utilisé y est d’origine importée.” Longtemps grand absent des programmes du FN, l’environnement est désormais défini comme “au coeur” de ce nouveau projet.
Une “Alliance européenne des Nations”
“La question environnementale est un défi majeur du XXIe siècle”, insiste Bardella. Cette “Alliance européenne des Nations”, veut “remettre les États au coeur des institutions” pour “refuser la règle du libre-échange et (…) lutter contre le dogme d’un abaissement des tarifs douaniers, des taxes et des normes.” Avec une “maîtrise des frontières nationales et (…) un contrôle des flux migratoires”, mais la volonté de “faire naître des “champions européens pour conquérir les marchés mondiaux…” Et Jordan Bardella souligne : “Nous exigerons que les tarifs douaniers et autorisations d’importation soient plus étroitement subordonnés aux conditions environnementales, sociales, sanitaires des pays d’origine des produits et services vendus en Europe.”
Un résumé du manifeste de 75 pages qui constituerait la base politique de cette “Alliance” des Nations voulue par le RN avec ses alliés “en Italie, l’AfD en Allemagne, mais aussi en Pologne, en Estonie, au Danemark, en Finlande, aux Pays-Bas…” Et l’occasion d’une nouvelle pique envers Emmanuel Macron : “S’il gagne, quel groupe pourra-t-il constituer au Parlement européen ? Il n’a qu’une poignée d’alliés. il n’a aucune soutien en Allemagne. Il se veut un leader en Europe, mais ce n’est qu’une illusion qu’il entretient” martelle Marine Le Pen : “Alors que nous pourrons constituer le troisième et peut-être même le deuxième groupe du Parlement. Et l’alliance se construira autour de notre projet.”
Reste à savoir ce que pourrait signifier pour l’avenir de l’Europe une victoire du RN. En 2014, déjà, la liste Front national était arrivée en tête. Mais ses élus, jouant plutôt de l’obstruction, n’ont pas pesé sur les décisions de l’UE. Leur poids faisant sans doute même diminuer l’infuence française. Cette fois l’audience des partis souverainistes s’est fortement élargie… Pour un blocage plus marqué encore ? On peut se poser la question…
Philippe MOURET
Sur le même thème :
- Elections Européennes : « Une demande de société de consommation plus saine »
- Europe : Les petites villes s’invitent dans le débat
- Économie : Des idées pour entreprendre avec l’Union européenne
- Européennes : Est-ce bien raisonnable ?
- Européennes : À Sète, la campagne du PS débute par un plébiscite
- Européennes : Bernard Carayon défend l’Europe des Nations