Ebénistes, verriers, céramistes… Sous la houlette de la Région, douze représentants d’Occitanie – qui en compte 4 000 – exposent au Grand Palais qui est l’équivalent de la fashion week pour la mode textile. Une participation de qualité saluée par Carole Delga. Dans un contexte où ces professions, fragilisées, sont en souffrance et auxquelles le gouvernement vient d’accorder un plan stratégique de 340 M€.
Timing parfait. La veille du très chic salon Révélations, la biennale qui réunit du 7 au 11 juin le gratin des artisans d’art de France et d’Europe, au Grand Palais éphémère à Paris, la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, et sa collègue Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, ont annoncé, mardi 30 mai, un plan de 340 M€ pour structurer et soutenir un secteur fragilisé et plongé dans la crise suite au covid 19 et à l’inflation. L’idée étant de conclure, d’ici trois ans, un “contrat stratégique de filière” entre les pouvoirs publics et les entreprises. Ce secteur des métiers d’art que le monde nous envie pesait 19 milliards d’euros en 2019. Avec des pièces uniques de très haut vol.
“C‘est l’équivalent de la fashion week pour la mode. C’est le nec plus ultra”
Ebénistes, verriers, céramistes, créateurs textiles, peintres en décor, joaillier… Rozenn Alapetite, 48 ans, elle, est céramiste à Albi. Elle connaît sur le bout des doigts sa spécialité : des pièces uniques réalisées en ciment et verre. Au salon Révélations, elle présente un panneau mural inédit assemblé de vingt-deux éléments formant une géométrie artistique monumentale.
Une pièce unique de 2,70 mètre sur 1,20 mètre, modulable en fonction de la géométrie qu’on veut lui donner. Prix public : 6 300 €. Ce salon des métiers d’art organisé par les Ateliers d’Art de France, la principale association du secteur qui réunit quelque 6 000 artisans d’art, “c’est l’équivalent de la fashion week pour la mode. C’est le nec plus ultra”, formule l’Albigeoise. Les artisans d’art présents – environ 350 – exposent et vendent “davantage de pièces artistiques que fonctionnelles”. Dans ce décorum, viennent chiner les hôtels de luxe, les grandes galeries…
“C’est une très belle vitrine, cette biennale ; et la clientèle-cible est large…”
Agée de 37 ans, Carole Serny est orfèvre, ciseleuse. La Montpelliéraine a son atelier à Vic-la-Gardiole, près de Sète. Elle ne connaît pas encore le détail des mesures gouvernementale pour son secteur d’activité. Elle maîtrise davantage pour l’instant son travail sur les “métaux précieux. C’est une très belle vitrine, cette biennale”, dit-elle. “Et la clientèle-cible est large…” Celle qui a fait la prestigieuse école Boulle, a confectionné pour cet événement, un vase en argent et onyx noir de synthèse du plus bel effet… Mobilier, design… Pour ramener ce vase exceptionnel, il faut débourser la coquette somme de 25 200 €…
Carole Delga nous a dit : “Avec vous, je passe un vrai moment de détente…”
Grande amatrice d’artisanat et d’artisanat d’art, Carole Delga s’est dite “très contente du stand de l’Occitanie et de la pluralité des oeuvres”, rapporte Rozenn Alapetite. Et elle nous a dit : “Avec vous, je passe un vrai moment de détente…” Ce soutien nous a fait du bien…” Carole Serny, elle, a retenu que la présidente de la Région Occitanie dont l’agence de développement économique Ad’occ s’est occupée de sélectionner les douze artisans et à monter le stand de la Région, “On a échangé sur nos pratiques artisanales ; elle nous a aussi dit qu’elle était contente d’être parmi nous…”
Rendez-vous économique majeur
“De l’audace dans les oeuvres, des pièces uniques créées spécialement pour le salon Révélations” : Carole Delga a qualifié sa visite au Grand Palais de “très inspirante et enrichissante” (…) “Le salon Rélévations est un rendez-vous économique majeur pour les créateurs d’art, la Région Occitanie a su les accompagner grâce à notre agence Ad’Occ. Que nos savoir-faire et nos talents rayonnent à l’international !”
Plus de 4 000 artisans d’art en Occitanie
En Occitanie on compte plus de 4 000 artisans d’art. Auteur d’un rapport remarqué, l’ex-député Larem de l’Hérault, Philippe Huppé expliquait que l’idée principale est de créer un GIE (Groupement d’intérêt économique) national, qui “serait la clef de voûte de la recomposition d’une nouvelle organisation, d’une politique nationale à décliner. Ces métiers ont besoin d’apprentis mais ils n’en n’ont guerre. Et pour cause ! Certains, que j’ai rencontrés, sont au RSA, n’arrivant pas à se verser un demi-SMIC ; à tel point que, parfois, ils exercent un second métier. Alors que, globalement, les métiers d’art sont de vrais savoir-faire ; un vrai savoir-faire français, unique au monde. C’est aussi, et je l’écris longuement dans mon rapport, une source d’emplois non délocalisables qui peuvent vraiment connaître un essor dans les territoires ; ce sont des emploi ancrés, typiques”, défendait Philippe Huppé. Las…
De nombreux défis à relever
Un secteur qui ne se résume pas au meilleur des artisans d’art. C’est un secteur émietté en 281 métiers et plus de 60 000 entreprises, à majorité unipersonnelles. À mi-chemin entre l’art et la création artistique, ces métiers sont en manque de visibilité en France. Assurer la relève, transmettre ces gestes ancestraux en les adaptant aux besoins actuels ; rester ancré dans son territoire et rayonner dans le monde… Les défis sont nombreux comme Dis-Leur vous l’avait expliqué ICI.
Parents pauvres du génie français
Les 281 métiers d’art et de patrimoine, selon la nomenclature officielle, sont les parents pauvres du génie français. La Région Occitanie leur avait même versé une enveloppe de 200 000 euros. Et, vu l’urgence, le Premier ministre avait missionné un désormais ex-député LaRem de l’Hérault, Philippe Huppé, jadis assistant de Georges Frêche, pour en faire un audit et proposer des solutions. Vingt-deux, pour être précis.
Mille places pour les stagiaires de troisième
Il faut capter les futurs artisans dès leur plus jeune âge : c’est pour cela que les pouvoirs publics prévoient, dans ce contrat de filière présenté il y a quelques jours, d’ouvrir mille places de stage en classe de troisième disponibles sur la plate-forme Monstagedetroisieme.fr. Dès la rentrée prochaine, un cahier pédagogique Je découvre les métiers de la main, coconstruit par l’Onisep et l’association De l’or dans les mains, sera fourni aux élèves dans le cadre de leurs programmes scolaires. Le Mobilier national, dont le rôle sera capital à chaque étape du plan, ouvrira en juin Le Petit Mob’, des ateliers destinés au public scolaire. En partenariat avec la start-up française Wecandoo, le Pass culture proposera enfin plus de 700 nouvelles activités initiant à l’artisanat d’art.
Ensuite ? Il faut les former ! Les apprentis doivent renouer avec une dextérité parfois perdue…
Ensuite ? Il faut les former ! Les apprentis doivent renouer avec une dextérité parfois perdue, faute de pratique… Des heures de stages professionnels devraient augmenté. Même si une vraie réforme n’a pas été décidée. Ce n’est pas pour rien que les grandes maisons de luxe ont créé leurs propres centres de formation. Enfin, ce plan vise aussi à rompre l’isolement des artisans d’art en créant dix nouvelles “Manufactures de proximité”, sorte de tiers-lieux composés d’ateliers partagés, seront lancées en 2024. Un tremplin évident.
Olivier SCHLAMA
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Les douze participants : Rozenn Alapetite (mosaïste, fresquiste), d’Albi, Tiffanie Baso (artisane, designer), de Céret ; Cristine Bath (céramiste, sculptrice), de Vialas ; Agnès Calas (tisserande), de Baixas ; Andrew Hemus (ébéniste, designer) de Saint-Avit ; Samuel Latour (sculpteur) de Toulouse ; David Léger (sculpteur, plasticien) Launac ; Pierre Martin (sculpteur, designer) de Larysse ; Thibaut Nussbaumer (souffleur de verre) de Toulouse ; Pauline Roy (créateur verrier) de Rodez ; Carole Serny (orfèvre ciseleuse) de Vic-la-Gardiole et Valérie Tanfin (plumassière) de Léguevin.
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