La LPO confirme le déclin : Nos jardins, ultimes refuges de nos oiseaux en hiver

Mésange bleue © Fabrice Croset LPO

En une décennie, pas moins de 28 000 familles volontaires ont effectué 6,5 millions d’observation depuis leur fenêtre ou leur balcon, comme l’explique Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO. Le constat ? Dramatique : 41 % des oiseaux ont déserté nos jardins au printemps. On observe une hausse en trompe-l’oeil l’hiver où les amis ailés tentent de survivre.

Dix ans d’observation : c’est unique en France en matière de science participative. Pour les oiseaux de nos jardins, du quotidien, qui apporte vie et un peu de légèreté, “c’est un constat d’un enthousiasme et un engagement croissants de la part des citoyens. En 2022, nous avons donc fait le calcul : pas moins de 28 000 familles volontaires réparties sur l’ensemble du territoire qui ont réalisé ensemble un total de quelque 6,5 millions d’observations collectées en dix ans”, résume Allain Bougrain-Dubourg, le président national de la LPO (Ligue de protection des oiseaux).

Mésange, pie bavarde, moineau friquet…

Verdier d’Europe. Ph. Michel Fernandez.

Mésange, accenteur mouchet, merle noir, verdier d’Europe, pie bavarde, moineau friquet, grive musicienne… L’Observatoire des oiseaux des jardins a été lancé en effet en 2012 par la LPO et le Muséum d’histoire naturelle sur le mode participatif citoyen : avec des volontaires qui s’inscrivent sur une plate-forme et donne quelques heures de leur temps pour cette cause. La prochaine observation est programmée justement ce samedi 28 janvier ou ce dimanche 29 janvier. Il vous suffit de vous inscrire sur le site ad hoc ICI et de suivre les indications. Des fiches pour reconnaître les oiseaux sont aussi accessibles.

On a pu constater cet engouement au lendemain de la crise covid avec une opération, Confiné mais aux Aguets, invitant les uns et les autres à observer depuis leur fenêtre ou leur jardin : on a eu plus d’un million de retours ! Colossal !”

Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO. Photo : Pourny, Michel Films

À l’heure du bilan, Allain Bougrain-Dubourg souligne que “l’on est en train d’atteindre le niveau de sensibilité dans les pays anglo-saxons dans lesquels l’observation des oiseaux est un véritable sport national”. Comment l’explique-t-il ? “De plus en plus de gens s’intéressent à la nature, aujourd’hui, et ils découvrent les plaisirs de la découverte. Parmi eux, il y a beaucoup de néo-ruraux. On a pu constater cet engouement au lendemain de la crise covid où nous avions lancé une opération baptisée Confiné mais aux Aguets. Sous forme de boutade, on invitait les uns et les autres à observer depuis leur fenêtre ou leur jardin : on a eu plus d’un million de retours ! C’était colossal ! On se rappelle combien le silence de la nature et le réveil de celle-ci étaient devenu importants et s’étaient même révélés par le crise et les confinements.”

“41 % des espèces d’oiseaux fréquentant nos jardins dans l’Hexagone ont diminué au printemps”

Après ce premier constat sur l’engagement “remarquable” dans quelque 24 000 jardins, Allain Bougrain-Dubourg est moins agréable : “Nous constatons un déclin alarmant : au cours de ces dix dernières années, on a observé que 41 % des espèces d’oiseaux fréquentant nos jardins dans l’Hexagone ont diminué au printemps, confirmant le déclin et la destruction globale des écosystèmes naturels.”

“Victimes de la raréfaction des ressources alimentaires, les oiseaux se reportent dans les jardins pour s’alimenter”

Rougegorge familier Photo : Fabrice Cahez LPO

Le second constat est en trompe-l’oeil : “En revanche, les résultats des comptages hivernaux, eux, comme ceux que l’on va faire le week-end prochain (nous lançons deux comptages par an), mettent en évidence une augmentation de près de 50 % des espèces granivores comme le chardonneret élégant ou le pinçon des arbres. Alors que leurs effectifs globaux sont, eux, en diminution. Pourquoi sont-ils nombreux dans les jardins qu’ailleurs ? Tout simplement parce que ils sont victimes de la raréfaction des ressources alimentaires dans les zones d’agriculture et se reportent dans les jardins où ils trouvent plus facilement de quoi s’alimenter.”

“De bons indicateurs de la bonne santé des autres espèces…”

Mésange bleue Ph. Fabrice Croset LPO

Le martinet produit un cri strident ; le goéland ricane ; d’autres oiseaux hululent… Outre le ravissement de ces multicolores qui bariolent les ciels céruléens, les oiseaux de nos jardins sont précieux pour la biodiversité. Ce sont de bons indicateurs de la bonne santé des autres espèces et de celle des milieux naturels. Quand les oiseaux déclinent, d’autres espèces ne vont pas bien”, notait, l’an dernier, Marjorie Poitevin. Responsable du programme de comptage annuel des oiseaux dans les jardins à la Ligue de protection des oiseaux (LPO) associée au Muséum d’histoire naturelle, elle explique que “chaque volontaire participe de chez lui avec le matériel dont il dispose. Sur un site dédié, les gens peuvent trouver des fiches espèces et des fiches confusions”. 

En ville ou à la campagne, les oiseaux ont décliné de 30 %

En ville ou à la campagne, les oiseaux ont décliné de 30 % en 30 ans, comme nous l’expliquions en 2021… Le constat est déprimant. Scientifiques et associations alertent sur cette catastrophe et demandent des mesures fortes, comme nous l’expliquions ICI. En urgence. En dénonçant, à l’instar de Benoît Fontaine, du Muséum d’histoire naturelle, les “milliards d’euros dépensés par l’Europe dans des mesures inefficaces”.

Pour Bruno David, président du Muséum national d’histoire naturelle : “À travers les programmes de sciences participatives, il s’agit d’inventorier la nature pour mieux la connaître et contribuer à une préservation durable de ce patrimoine commun. Le succès de cet observatoire apparaît ainsi comme un signal fort qui témoigne de l’engagement croissant de la société civile auprès de la communauté scientifique”.

Néonicotinoïdes : le coup d’arrêt de l’Europe

Grosbec casse noyaux. Ph. F.Cahez_LPO

Sans oublier les effets délétères des néonicotinoïdes – théoriquement interdits depuis 2018 – sur les oiseaux, notamment migrateurs et tueurs d’abeilles principaux pollinisateurs de notre nature et la biodiversité en général. Il ajoute : “les néonicotinoïdes sont une grande inquiétude. Ce jeudi 19 janvier, la Commission européenne  {la Cour européenne de justice, Ndlr} a imposé à la France d’arrêter leur utilisation pour traiter les semences alors que le gouvernement venait de prolonger les dérogations. Pour nous, c’est une excellente nouvelle. Nous espérons que le ministère de l’Agriculture ne va pas prendre un arrêté pour que les agriculteurs – notamment les betteraviers – puissent encore utiliser ce produit et qui serait cassé dans l’instant.”

Pour protéger les betteraves de la jaunisse

Allain Bougrain-Dubourg ajoute : “Si c’était le cas, on ira immédiatement devant le Conseil d’Etat. La France est sous pression des betteraviers qui avaient une position que l’on pouvait comprendre initialement mais l’utilisation des néonicotinoïdes n’est plus acceptable aujourd’hui même si cela s’accompagne d’une perte partielle de la ressource.” Les 24 000 betteraviers français – qui transforment la racine en sucre, en alcool ou en carburant bioéthanol –  utilisent toujours ces substances pour protéger leurs ressources du virus de la jaunisse, transmise par les pucerons.

Le suspense a été de courte durée : la France vient de renoncer à réautoriser ces insecticides. Il n’y aura donc pas de dérogation pour la 3e année à 45 jours des semis. La France est premier producteur  européen de sucre de betteraves (34,5 millions de tonnes) et deuxième mondial après la Russie. “C’est une grande victoire pour la biodiversité, s’est félicité la LPO. Le fonds d’indemnisation prévu en cas de perte de rendement, si la jaunisse est présente pour la prochaine saison, est une avancée majeure et une garantie importante pour les betteraviers français…”

Olivier SCHLAMA

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